L’exposition Fait Machine “témoigne de la diversité des recherches engagées par ces créateurs, recourant aux technologies de l’impression 3D en particulier.” Une réflexion passionnante sur le devenir de la création. Et quelques superbes réussites artistiques. Mais est-on encore vraiment dans la vocation première de ce musée sétois atypique ? Et la “modestie” (composante essentielle du lieu) est-elle vraiment au rendez-vous ?
C’est un art que l’on a plutôt l’habitude de découvrir au CRAC (Centre régional d’art contemporain), l’autre lieu contemporain de la cité balnéaire héraultaise. Le MIAM nous avait plutôt habitués à aller chercher des modes d’expression plus populaires, au sens noble du terme, tel que le concevait par exemple le Sétois Jean Vilar et comme le propose depuis novembre 2000 le lieu imaginé par Hervé Di Rosa et Bernard Belluc…
Un tournant technologique s’est opéré depuis une vingtaine d’années
Cette fois, nous dit-on, “les commissaires de l’exposition, Margherita Balzerani et Noëlig Le Roux, ont rassemblé les créations d’une génération d’artistes donnant au code (langage utilisé par les programmeurs pour construire les programmes, NDLR) une forme matérielle et tangible.”
Ainsi, l’exposition veut rendre compte “du tournant technologique qui s’est opéré ces vingt dernières années avec l’invention d’outils et de processus de fabrication ouverts au plus grand nombre. L’essor du prototypage numérique, la réduction du coût des machines (imprimantes 3D, découpeuses laser, fraiseuses numériques…) et leur mutualisation, ainsi que la mise en commun des savoir-faire, ont de surcroît
permis un développement sans précédent de nouvelles formes…”
Des démarches tellement différentes autour d’un même outil
Certes l’exposition Fait Machine témoigne “de la diversité des recherches engagées par ces créateurs, recourant aux technologies de l’impression 3D en particulier. Générant à partir du code une multiplicité de formes, ces artistes font appel à une variété de matériaux et n’hésitent pas à les mêler les uns aux autres (céramique, porcelaine, polymères naturels, matières plastiques, matériaux composites).” et par-delà les détails techniques, on constate que la mise en commun des savoir-faire débouche sur une multiplicité de démarches.
Fait Machine se décompose en deux volets, qui occupent chacun l’un des deux niveaux de l’espace d’exposition du MIAM : Le laboratoire au rez-de-chaussée et Le fil du ccode, au premier étage. Au fil de la visite, on découvre une réelle richesse créative, dès la fascinante Fenêtre mémoire hexadécimale infinie de Miguel Chevalier (une oeuvre qui date de 1984). Impossible également de ne pas être enthoisiasmé par le travail sur les tapis de l’azerbaïdjanais Faig Ahmed ou la finesse des compositions de Camille Reidt, Toulousaine de naissance diplômée de l’ENSA Limoges…
Trois noms parmi de nombreux autres (*) qui offrent un passionant panorama d’une création contemporaine encore parfois méconnue du grand public. Alors pourquoi ce petit sentiment de s’être égaré en ces lieux ?
Et si on s’attardait sur les vitrines du hall d’entrée avec leurs scénettes kitsh ?
Sans doute parce que ces oeuvres se veulent aussi comme une étape nouvelle de la “Grande” histoire de l’art (avec un grand G, un grand H et un grand A). Or, si le MIAM existe, c’est justement pour incarner “une approche humble de l’art, l’art modeste est un art pour tous, un rassemblement hétéroclite d’objets et de productions mis à la marge de la création et de l’histoire de l’art.”
Le terme d’art modeste “a été créé pour nommer ce qui est oublié, marginal (commercial ou sauvage), occulté, périphérique de la création (…) C’est le regard sans dérision du collectionneur ou de l’artiste sur les objets du quotidien et les créations inutiles, le plus souvent anonymes ou collectives. C’est le regard sur l’autre à l’heure de la mondialisation. L’art modeste est une entreprise de valorisation du marginal et du méprisé…”
Voilà pourquoi, avec tout le respect et l’intérêt que mérite cette nouvelle exposition du MIAM, c’est encore devant les vitrines du hall, garnies d’une multitude de scènes aquatiques kitsh en céramique, que l’on ressent une véritable émotion, celle que véhicule l’âme première du Musée international des arts modestes…
Philippe MOURET
(*) Faig Ahmed, Appropriate Audiences, Berdaguer et Péjus, Arnaud Borde, Elvire Blanc Briand, Miguel Chevalier, Mathilde Dumont, Olivier Van Herpt, Raphaëlle Kerbrat, Laureline Galliot, Jonathan Keep, Inès Lavialle, Jessica Lajard, Ludovic Mallegol, Varvara & Mar, Pit Molling, Michel Paysant, Boryana Petkova, Noémie Pilo, Matthew Plummer Fernandez, Camille Reidt, Andrea Rodríguez Vial, Philipp Schaerer et Reto Steiner, Antoine Schmitt, Inès Silbermann, collectif Sommes, Jeanne Vicerial.
Fait Machine, exposition au MIAM jusqu’au 12 novembre 2023. 23, quai Maréchal de Lattre de Tassigny, à Sète (Hérault),+33 (0)4 99 04 76 44.
Jusqu’au 31 mars ouvert du mardi au dimanche de 9h30 à 12h00 et de 14h00 à 18h00. Visites guidées (minimum 10 personnes) sur réservations. Du 1er avril au 30 septembre : du mardi au dimanche 10h à 18h00. Visites guidées du mardi au vendredi à 14h30 et à 16h00, groupes sur réservations. Tarifs : Adultes : 5,60 € – Groupes de plus de 10 personnes : 3, 60 € – Etudiants, 10-18 ans : 2,60 € – Groupes scolaires non sétois : 25€ – Moins de 10 ans, demandeurs d’emploi, visiteurs handicapés, groupes scolaires sétois, premier dimanche du mois : gratuit.
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