Qualité de l’air : Comment le port de Sète tente de passer à la vitesse écolo

Un ferry dans le port de Sète, ce jeudi 22 septembre 2022. Photo : Olivier SCHLAMA

“Les seuils de pollution sont respectés”, affirme Agnès Langevine, vice-présidente de la Région et présidente de l’association Atmo, chargée des mesures, notamment sur le port de Sète. Directeur de la 8e place portuaire maritime de France, Olivier Carmes explique les ressorts de sa transformation : électrification des quais, montée en puissance d’une plate-forme ferroviaire… Pour la FNE, qui avait donné l’alerte en 2019, les résultats se font quand même attendre.

La pollution atmosphérique est responsable de 40 000 décès estimés chaque année en France. Présidente de Atmo Occitanie (1), Agnès Langevine, vice-présidente de la Région Occitanie, l’a clairement dit : “Les seuils réglementaires de pollution atmosphérique – les principaux polluants réglementés : particules en suspension (PM10), particules fines (PM2.5), dioxyde d’azote (NO2), Ndlr (1) – sont respectés dans la zone de Sète-Frontignan. On doit encore se comparer avec d’autres territoires, notamment sur les particules fines.” Des bilans avaient déjà été réalisés, consultables ICI. Avec, ICI, des données annuelles sur Béziers-Sète. Tous ces seuils sont respectés “sauf pour l’ozone en période estivale” générée par le trafic automobile sous l’action du soleil et des températures élevées.

Les normes vont se durcir de façon drastique : les normes de l’OMS datent de 2005 vont l’être ainsi que les normes européennes qui datent, elles, de 2008

Carte de l’ozone, Atmo Occitanie.

Mais ces plafonds risquent d’être crevés : “Les normes vont se durcir de façon drastique car les normes de l’OMS qui datent de 2005 vont l’être ainsi que les normes européennes qui datent, elles, de 2008“, a ainsi signalé, Dominique Tilak, directrice de cette association qui surveille la qualité de l’air dans notre région en “toute indépendance”. Et dont les financements sont assurés à 20 % par les collectivités, 34 % par les acteurs économiques, 2 % par l’Office français de la biodiversité et 44 % par l’Etat au travers de son ministère de la Transition écologique.

Ce territoire fait l’objet d’attentions toutes particulières

Ce territoire fait l’objet d’attentions toutes particulières. Les émissions, notamment de NO2, particules et ozone, induite par la circulation automobile, sur la RD2 qui relie Sète à Balaruc vont être auscultées (avec des résultats escomptés d’ici un an) ; mais aussi la qualité de l’air des bords à quais. Les premiers résultats seront connus dans quelques semaines.

“Ozone, la valeur cible dépassée avant la crise sanitaire”

“Sur le territoire de Sète Agglopôle Méditerranée, le trafic routier est la principale source de dioxyde d’azote, explique Atmo. En 2019, une campagne de mesure ciblant le dioxyde d’azote a été réalisée sur l’ensemble de l’agglomération et a permis de faire un état des lieux de la qualité de l’air, notamment en proximité du trafic. Concernant l’ozone, problématique qui concerne l’ensemble du territoire régional, la valeur cible était dépassée avant la crise sanitaire. Si une nette amélioration de la situation est constatée depuis 2020, des enjeux importants restent associés à ce polluant.”

Et même un suivi d’odeurs par des “nez” !

Sur la zone de l’agglomération de Sète, Atmo a signé des conventions, parfois exemplaires, avec nombre d’acteurs industriels (Hexis, Scori…) ; avec les exploitants de la carrière de Poussan (depuis 1990, pour mieux connaître l’envol de poussières, “en dessous des valeurs réglementaires”) et, demain, avec ceux de l’ex-raffinerie Mobil de Frontignan, en voie de réhabilitation. Et aussi et surtout avec le Port de Sète. Celui-ci est exploité par la Région Occitanie depuis 2007, à travers Port-Sud-France. Par ailleurs, Atmo a lancé un suivi d’odeurs, notamment dans les communes des deux Balaruc, et Frontignan. Vous pouvez même être l’un de ces “nez” bénévoles participant à l’expérience (ci-dessous) !

Mesures de polluants près d’un axe routier

Pour mettre à jour et compléter nos connaissances en la matière, notamment suite à la crise sanitaire, et évaluer les concentrations de dioxyde d’azote et de particules en suspension sur la zone, plusieurs actions complémentaires seront menées dans les prochains mois : implantation d’une station de mesures multi-polluants près d’un axe routier dans la ville de Sète ; réalisation de campagnes de mesure du dioxyde d’azote sur plusieurs dizaines de sites de l’agglomération et production de cartographies haute-résolution de répartition des polluants sur Sète Agglopôle. de quoi avoir une vue précise et d’ensemble.

Une station de mesures continues, y compris pour “les molécules ultrafines”

Le port de Sète, le second de la façade de la Méditerranée française, c’est le second gros morceau de la surveillance de l’air avec la circulation auto. A tel point, révèle Olivier Carmes, le directeur du port, “qu’un collectif voulait déposer plainte récemment contre un bateau avec un gros panache de fumée. Or, il s’avère que c’était un bateau militaire…” Après qu’une association se fut inquiétée de la qualité de l’air il y a trois ans, Atmo a déployé dans le port une station de mesures continues cette année, y compris pour y étudier de près “les molécules ultrafines”, celles qui pénètrent loin dans nos fragiles poumons. Et en 2023, un dispositif étudiera le stockage du coke de pétrole. Celui-ci se présente sous forme solide, noire et friable et se compose majoritairement de carbone. Il est utilisé comme combustible ou comme matériau pour la fabrication d’électrodes.

“En 2022, la surveillance s’intéresse aux ferries; Des polluants traceurs des moteurs de navires, comme le dioxyde de soufre et le dioxyde d’azote, sont suivis”

“En 2022, la surveillance s’intéresse notamment aux ferries des lignes transméditerranéennes, confirme la directrice d’Atmo, Dominique Tilak. Des polluants traceurs des moteurs de navires, comme le dioxyde de soufre et le dioxyde d’azote, sont suivis. D’autres dispositifs permettent de mesurer les niveaux de particules (en suspension, fines, très fines et ultrafines) et de métaux”, indique l’association de surveillance de la qualité de l’air.

Transition écologique : but N°1 du port de Sète

Le port de Sète n’est pas en retard dans sa volonté de transformation plus écolo. “Il y a une prise de conscience sur la transition écologique ; c’est d’ailleurs pour le port de Sète l’objectif numéro 1 affiché dans le projet stratégique 2021-2025”, plaide Olivier Carmes. Le directeur du port de Sète, est conscient de l’enjeu et des nuisances dénoncées régulièrement par les riverains vis-à-vis des ferries aux panaches de fumées polluantes.

Concentration de ferries qui marqua mes esprits

Vue du port de Sète avec un ferry GNV. Port de Sète – Sud de France.

“L’avantage avec Atmo, commence-t-il, c’est que nous entrons dans des standards d’analyses.” Revenant sur l’année 2021 qui a vu une foule de ferries accoster à Sète, donc parce que le port est dans la ville : “En 2021, on était encore dans la crise sanitaire avec des ports fermés en Espagne ; nous n’étions, avec l’Italie, que la seule connexion avec le Maroc. Du coup, il y a eu une concentration de ferries plus qu’inhabituelle qui a marqué les esprits : en année classique, nous accueillons quelque 130 000 personnes dans l’année ; là, en 2021, on en a accueilli 230 000 en… trois mois seulement ! Il y avait une telle volonté de revoyager…”

Véhicules électriques pour Port Sud de France

Et le directeur du port de Sète de confier encore : “Nous avons aussi mené d’autres actions concrètes comme changer notre parc auto pour des véhicules électriques pour nos 95 salariés mais il faudrait l’élargir à tous les personnels travaillant sur le port dans différentes sociétés qui emploient plus de 900 personnes ; par ailleurs, nous sont fiers du travail mené par le président du port, Jean-Claude Gayssot (en partance), notamment en matière d’intermodalité.”

Le rail pour éviter des camions sur la route

La plate-forme ferroviaire va permettre de limiter le nombre de camions sur les routes. Ph. Port de Sète – Sud de France.

Investir dans le fluvial, “c’est bien comme pour le canal du Rhône à Sète”, dont Dis-Leur vous a déjà parlé ICI. Mais cela demande une mobilisation et un investissement très importants de l’Etat. La voie ferrée est là privilégiée. À Sète, c’est un opérateur national, Viia, filiale de la SNCF, qui a pris en charge cette plate-forme nécessitant un investissement de 15 M€ (grâce à un partenariat public-privé avec la Région Occitanie). Une première tranche a déjà été livrée pour 8 M€ et une seconde tranche de 7 M€, visant à multiplier sa capacité par deux, le sera d’ici six mois.

40 000 conteneurs et remorques sur le rail

À partir de cette plate-forme multimodale, on compte déjà trois allers-retours par semaine d’un train spécial tirant 40 à 42 remorques-conteneurs entre la Turquie et Calais et, en novembre, de cinq allers-retours de ce train, affrété par différents opérateurs Turcs, entre la Turquie et Valenton (Val-de-Marne), près de Paris. Dès lors ce ne sont plus 10 000 unités qui iront sur le rail, depuis Sète, et non plus sur la route, mais 40 000 chaque année contenant de tout : du textile, pièces automobiles…. Autant de pollution en moins sur nos axes routiers. “La Turquie est devenue la Chine de l’Europe”, formule Olivier Carmes.

Un plan de 10 M€ pour électrifier les quais et éteindre les moteurs des ferries fonctionnant au gazole

Le directeur du port rappelle tous les efforts entrepris et ceux qui restent à faire. “Nous avons déjà électrifié une partie des bassins du port, le môle Masselin ou le bassin Colbert, le Quai H. Nous aurons, au final, investi 10 M€, dont 2 M€ dès 2019. C’est un pari risqué dans le contexte actuel de flambée des prix de l’énergie.” Le but, c’est d’inciter les compagnies de navires de se brancher sur le réseau électrique pour arrêter de faire tourner leurs moteurs au gazole pendant les huit à douze heures d’escale ou plus que le bateau passe à quai. “Pour le port de Sète, ce n’est pas négligeable : la moitié des 1 000 escales par an pourraient de brancher sur le réseau électrique d’ici 2023-2024.”

Faire de la pédagogie auprès des compagnies

Olivier Carmes poursuit : “Attention, il n’y a aucune obligation, pour l’instant, pour les armateurs de se brancher au quai. On entend, çà et là une possible obligation d’ici 2030 ou 2035. Nous préférons anticiper et faire de la pédagogie auprès des compagnies maritimes, inciter à le faire. Dans ce cadre-là, nous offrons une remise de 10 % sur les droits à quais : là aussi au lieu de pénaliser ceux qui ne font pas, on récompense ceux qui font.” Par ailleurs, Olivier Carmes se disait, entre les lignes, optimiste sur la qualité de l’air dépendant du port de Sète : “Le charbon, c’est fini d’ici cinq ans…” Sans oublier l’innovation. En l’espèce, une barge à hydrogène, dont Dis-Leur vous a parlé ICI, est attendue avec intérêt.

“Devenir le plus petit des grands ports maritimes”

Le port de Sète réalise un trafic de 5 millions de tonnes par an, à la 8e place des 30 ports français, le but étant de rivaliser avec un port comme Bordeaux et ses 6,5 millions de tonnes l’an. “Notre but, c’est d’être le plus petit des grands ports maritimes”, formule-t-il encore. Et pour cela il n’y a qu’un moyen : développer les trafics mais en polluant le moins possibles. C’est pour cela que le trafic ferroviaire est l’une des grandes solutions. “Proposer d’installer des panneaux solaires sur les toitures ; c’est aussi accessoirement une façon de produire une énergie verte – au passage, les toits ont été désamiantés – et même rentable !”, ose-t-il.

L’alerte de 2019 de France Nature Environnement

Photo d’illustration. DR.

Chargée de projet à l’association France nature environnement du Languedoc-Roussillon, Lydie Némausat replace ces efforts dans leur contexte : “L’un de nos bénévoles, par ailleurs scientifique, avait, en 2019, sur trois mois, réalisé plus de trois cents mesures à Sète dans l’environnement du port de Sète {conjointement avec le collectif Une Marina, pour qui, pour quoi, Ndlr}. Il s’est notamment aperçu que les jours où il y avait un ferry, il y avait un gros pic de pollution aux particules fines, parfois plus de 300 fois plus que lorsqu’il n’y en avait pas ! Nous avons interpellé préfecture et région Occitanie. Et c’est là que Atmo a signé une convention avec le port de Sète pour améliorer les choses. A l’époque donc, il n’y avait pas de capteurs permanent dans le port de Sète.” Ce que confirme Mohand Achérar, le bénévole de la FNE, qui fut écologue au Conservatoire d’espaces naturels du Languedoc-Roussillon, qui donna l’alerte il y a trois ans. “Aujourd’hui, je ne suis pas sûr que la qualité de l’air, à Sète, soit meilleure…”

La pollution liée à 10 % des cancers en Europe

Plus généralement, la pollution est liée à 10 % des cas de cancers en Europe, selon les données inédites de l’Agence européenne pour l’environnement, la pollution de l’air est responsable de 1 % des cas et d’environ 2 % des morts, une part qui monte à 9 % pour les cancers du poumon.

Près de 10 % des cancers en Europe sont liés à la pollution sous diverses formes, a averti, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), qui souligne que la majorité des cas pourraient être évitables. “L’exposition à la pollution de l’air, au tabagisme passif, aux rayons ultraviolets, à l’amiante, à certains produits chimiques et à d’autres polluants sont à l’origine de plus de 10 % des cas de cancer en Europe”, relève l’agence. Des études récentes ont également détecté “une corrélation entre l’exposition à long terme aux particules, un polluant atmosphérique majeur, et la leucémie chez les adultes et les enfants”, souligne l’organisation européenne.

Plomb, arsenic, chrome, pesticides, bisphénol A et les substances per- et polyfluoroalkylées

Photo d’illustration DR.

Certaines substances chimiques utilisées sur les lieux de travail et libérées dans l’environnement sont également cancérigènes. Plomb, arsenic, chrome, pesticides, bisphénol A et les substances per- et polyfluoroalkylées comptent parmi les plus dangereuses pour la santé des Européens, au même titre que l’amiante, interdite depuis 2005 dans l’Union européenne (UE) mais toujours présente dans certains bâtiments. Au sein de l’Union européenne, pas moins de 2,7 millions de personnes se voient diagnostiquer un cancer chaque année et 1,3 million d’entreelles en meurent. Le continent, qui représente à peine 10 % de la population mondiale, compte 23 % des nouveaux cas et 20 % des décès…

Olivier SCHLAMA

(1) Les polluants réglementés surveillés dans le bassin de Thau : PM 10 particules en suspension inférieures à 10 micromètres. PM 2.5 : particules fines inférieures à 2,5 micromètres, NO2 : dioxyde d’azote, O3 : ozone, Métaux : plomb, arsenic, cadmium, nickel.
Les polluants non réglementés : PM 1 : particules très fines inférieures à 1 micromètres, PUF : particules ultrafines inférieures à 0,1 micromètre, PSED : poussières sédimentables, COV : composés organiques volatils, sulfure d’hydrogène, Odeurs : odeurs ressenties.

Devenez “nez” pour détecter les odeurs !

Oeufs pourris, choux… Depuis 2016, Atmo Occitanie anime un observatoire des odeurs sur le bassin de Thau. Ce dernier permet d’assurer un suivi des nuisances olfactives qui occasionnent gênes et interrogations chez les populations riveraines.

Ce dispositif s’appuie sur un réseau de citoyens, les Nez qui recueillent au quotidien les odeurs ressenties. La collectivité de Sète Agglopôle Méditerranée et de nombreux industriels : Esso, Hexis, Saipol, SCORI, Timac Agro sont aujourd’hui partenaires de ce dispositif. Une odeur peut être composée d’une ou plusieurs molécules pour lequel le meilleur détecteur reste le nez humain.

Cet observatoire permet d’établir un suivi objectif des odeurs ressenties en développant un vocabulaire commun et une méthodologie d’analyse standardisée des odeurs. Les signalements sont traités et les acteurs locaux, dont les activités peuvent être source d’odeurs, sont immédiatement avertis afin qu’ils puissent agir pour réduire la nuisance. Au cours de ces dernières années, les gênes olfactives ont baissé.

Atmo Occitanie recrute des Nez. Vous souhaitez rejoindre le réseau des Nez bénévoles formés pour caractériser les odeurs sur le bassin de Thau ? Contactez-nous par email : contact@atmo-occitanie.org

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