Météo : La révolutionnaire barrière anti-inondation qui vient du Danemark

Inondations à Nîmes en 1988. Photo : Ville de Nîmes.

Dix-neuf millions de Français vivent en zone inondable ! Une société danoise, Flood Frame, a mis au point une défense individuelle contre les inondations, particulièrement meurtrières dans la région. Après une filiale à Toulouse, en 2021, elle installe son centre européen à Aiguesvives (Haute-Garonne). Une solution pour les campings, installations fragiles, monuments, l’industrie et, bien sûr, les particuliers. Elle est onéreuse mais c’est souvent la moins coûteuse et des aides sont possibles. Accompagnée par la Région Occitanie, Flood Frame, déjà lauréate d’un Sett d’Or, vient d’être désignée lauréate de la Green Tech Technologies.

Batardeau, palplanche et sac de sable ne seront plus seuls à lutter contre l’inondation de plus en plus de saison. Avec l’arrivée de Flood Frame, il y a tout juste un an, c’est une solution alternative de plus sur le marché. “Nous avons eu “le malheur” de tester ce système par deux fois, déjà, l’hiver dernier, sur un mobil home qui en est équipé. Et nous venons d’équiper également l’une de nos maisonnettes à louer ; ça marche bien. C’est une sorte de flotteur équipé d’une bâche ; l’ensemble se déploie tout seul”, explique Yan Lépineux, du camping Arros, à Plaisance dans le Gers, premier client de la société. Il avait subi de graves inondations en 2014 qui ont généré 1 M€ de dégâts dont seulement 700 000 € ont été remboursés par son assurance.

Météo : “Les épisodes cévenols, c’est 250 morts en 30 ans”

Une société d’assurance qui, depuis, refuse de prendre en charge son camping. Trop de risque au bord d’une rivière… Installé dans une zone inondable labellisée “Papi”, Programmes d’actions contre les inondations élaborés entre collectivités et Etat, il espère des aides d’ici 2024 justement pour équiper du système étanche de Flood Frame son camping de 64 places, l’une des seules entreprises du village quo espère être accessoirement de nouveau assurée, y compris contre les dégâts de la grêle voire, l’été, contre un possible incendie ; les campings de six de ses confrères de la dune du Pila, en Gironde, n’en ont-il pas fait les frais cet été ? En 2014, à Lamalou-les-Bains, village thermal de l’Hérault, la rivière le Bitoulet ne s’est-elle pas transformée en torrent furieux emportant campings-cars et caravanes, faisant plusieurs morts ?

“Une sorte de piscine à l’envers avec un liner (…) qui n’a pas de limite technique concernant la hauteur d’eau…”

Rémi Alquier

Ce système Flood Frame qui bloque l’eau – “une sorte de piscine à l’envers avec un liner fait avec un tissu connu depuis 60 ans, le Tyvek, 100 % recyclable”, définit Rémi Alquier, patron de la filiale française – n’a “pas de limite technique concernant la hauteur d’eau. On peut définir que le système protège à 1,5 mètre. On pourrait aller jusqu’à 5 mètres mais bon à ce niveau-là, il vaut mieux déménager…” Yan Lépineux, lui, juge que “c’est une solution qui protège classiquement à 99 %. De toute façon, au-delà d’un certain niveau, il faut aussi laisser passer l’eau… La fédération de l’hôtellerie de  plein air nous soutient. On va même intervenir en novembre à des Assises en Occitanie…”

“Neuf millions d’habitants peuvent être victimes des orages cévenols…”

Avec l’automne, les épisodes cévenols et leurs pluies ravageuses déferlent. Et le phénomène est de plus en plus violent. Comment s’en protéger ? La question taraude. Et pour cause : pas moins de “neuf millions d’habitants peuvent être victimes de ces orages cévenols qui peuvent atteindre jusqu’à 200 millimètres par mètre carré, et malheureusement, la température de la mer augmente la probabilité d’avoir ce type de catastrophe”, a clamé le 23 août dernier, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Les sols sont tellement secs du fait de la sècheresse, ajoute le ministre, qu’on redoute que “des orages puissants ne remplissent pas les nappes et conduisent à du ruissèlement, et au risque d’inondation”. Pour le ministre de la Transition écologique, “il faut arrêter de parler de réchauffement climatique au futur, on est en plein dedans, c’est bien la somme de tout ce qui a été annoncé qui est en train de se produire”.

Inondations meurtrières dans l’Aude en 2018

À l’époque, le président Macron était venu dans l’Aude le 22 octobre 2018 ; Conseil régional et département de l’Aude avaient débloqué 62 M€ d’aides exceptionnelles, la société héraultaise Predict Services avait tiré un premier bilan des inondations dramatiques de cet épisode méditerranéen meurtrier qui avait fait 200 M€ de dégâts. Ça fait froid dans le dos. Sans l’organisation actuelle des secours et le suivi des prévisions, le bilan aurait été bien au-dessus des 14 morts et 70 blessés de la nuit du 14 au 15 octobre 2018. C’est dans ce contexte que des innovations se font, régulièrement, jour.

Automatique, sans électricité, déclenchement sans intervention humaine

À l’origine de flood Frame, Peter Blyme, un Danois, chirurgien de métier, et “féru d’innovation”, confie Rémi Alquier, le responsable de Flood Frame en France. Témoin comme beaucoup d’inondation spectaculaires en 2013 et 2014, il s’est dit : “Le sac de sable, ce n’est plus possible…” et il est parti de zéro et se disant qu’il faut que ce soit automatique, sans électricité, déclenchement sans intervention humaine…  Dès qu’il y a de l’eau en surface, le dispositif se met à protéger l’habitation. Il est composé d’un flotteur, façon bouée, autour duquel on a enroulé une couverture étanche, elle-même “attachées” dans le sol. Quand l’eau remplit la goulotte qui fait le tour de la maison, le “flotteur” se met en action. Et la couverture se déroule. C’est tout bête.”

Comme j’ai fait il y a quelques années du conseil international, je leur ai dit qu’il y a plus simple que de vendre aux USA, notamment en France”

Flood Frame a été créée au Danemark en 2017. “J’ai rencontré les responsables en 2018, confie Rémi Alquier, car ils cherchaient des financements européens et j’interviens comme expert auprès de la Commission européenne pour justement financer les PME innovantes. En 2020, je les ai rappelés pour savoir où ils en étaient. En fait, ils avaient commencé à vendre au Danemark ; puis, par opportunisme, aux USA. Comme j’ai fait il y a quelques années du conseil international, je leur ai dit qu’il y a plus simple que de vendre aux USA, notamment en France. C’est comme cela que la filiale française a été créée à Toulouse en 2021. Avec un centre de recherches à Aiguesvives.”

Sett d’Or, contrat innovation avec la région Occitanie…

Un an après, où en est Flood Frame ? Rémi Alquier répond : “En août 2021, on a donc signé le premier contrat avec le camping Arros dans le Gers qui n’avait plus d’assurance parce qu’ils avaient inondés douze fois (!). On l’a déployé” en octobre ; on a connu les premières inondations en décembre et janvier 2022. Ça a marché. On a été récompensé au Sett, le plus grand salon européen des mobil home : on a eu un Sett d’Or. La Région Occitanie nous a accordé un contrat innovation avec 100 000 € à la clé. Quand j’ai présenté tout ça aux actionnaires de la société en janvier 2022, ils ont été surpris. Du coup, le conseil d’administration a décidé de mettre la priorité sur la France. Et qu’elle devienne son centre européen qui traitera toutes les demandes, d’Espagne, Italie, Allemagne, Belgique…”

“Nous visons quinze embauches en trois ans et 1 M€ de chiffre d’affaires”

Trois salariés, 64 000 € de chiffre d’affaires en 2021. “Nous visons 200 000 € en 2022, précise Rémi Alquier. Pour 2024, nous espérons 1 M€ de chiffre d’affaires et quinze embauches sous trois ans. Nous avons cinq cibles. Les particuliers – il y a 19 millions de Français qui vivent en zone inondable. La deuxième, ce sont les entreprises ; là aussi, il y a dix millions de salariés en zone inondable ; nous allons nous focaliser sur des entreprises industrielles avec des machines et du stock, pas les petits commerces comme les tabac ou les boulangeries. Ensuite, les “infrastructures critiques” : les postes de transformation électriques, les stations télécom ; le gaz, l’eau… La quatrième cible, ce sont les campings et le dernier sur lequel on investir beaucoup depuis le début : les bâtiments du patrimoine. On est le seul système “invisible” et pour des lieux ayant une exigence esthétiques, on est à peu près les seuls à proposer ce système.”

Entre 15 000 € et 25 000 € pour une maison

Pour ce système, sur-mesure, le prix moyen n’est pas roupie de sansonnet. Mais il ouvre droit à des aides. Le patron de la filiale française de Flood Frame, Rémi Alquier, a calculé :“Cela coûte entre 300 € et 700 € le mètre linéaire. Soit entre 5 000 € et 8 000 € pour équiper un centre de transformation Enedis ; comptez entre 15 000 € et 25 000 € pour une maison. Pour une entreprise, cela va de 30 000 € à 50 000 €. Et dans les zones inondables, l’Etat met en place des aides : le fonds Barnier, plus facile à débloquer à travers des plans d’actions baptisés Papi. Dans certains cas, les installations de lutte sont prises en charge à 100 %. À l’île d’Oléron, par exemple, où habite l’un de nos tout premiers clients, une vieille dame. Dans les communes où il y a un Papi ou un PPRI, Plan de prévention des risques d’inondation, il y a des financements spéciaux de l’Etat qui peuvent aller jusqu’à 80 % du coût total. Et les collectivités locales abondent aussi”, affirme Rémi Alquier. Selon lui, la demande pourrait exploser dans les années à venir. Le système s’adapte même aux immeubles.

La protection sur place, souvent le moins cher

N’est-ce pas une invitation à rester dans une zone inondable ? “C’est surtout une incitation au pragmatisme car déplacer 19 millions de personnes de zones inondables, ça ne va pas être possible…”, répond du tac-au-tac Rémi Alquier. Même si des petits malins vont s’en saisir. Comme les habitants et certaines entreprises qui, elles, sont véritablement les pieds dans l’eau chaque hiver.

Le camping Arros, à Plaisance dans le Gers, à moment donné, s’était tourné vers la collectivité. “Avec trois choix possibles, confie Rémi Alquier : une digue dont le coût, phénoménal, est de 8 M€ et réalisable en dix ans ; déplacer les emplacements du campings ailleurs, en s’asseyant sur l’investissement déjà réalisé ; c’est faisable moyennant 1,5 M€ d’investissement, selon la Fédération de l’hôtellerie de plein air, et sur trois ans. Le moins cher restant la protection sur place : 300 000 € pour trois mois de travaux…” Le gérant a vite choisi.

“L’inondation est un sujet complexe. Il y a des tas de solutions développées qui répondent à des tas de situation différentes…”

Inondations à Nîmes (Gard) le 3 octobre 1988, qui marque une intensification,s des épisodes cévenols après une accalmie de trente ans. Photo : Dominique QUET Maxppp

Rémi Alquier reprend : “La ministre de la Transition écologique nous a écrit pour nous dire que nous sommes lauréats de la GreenTech Technologie qui nous sera décerné le 18 octobre.” À ses tout débuts, l‘entreprise avait été accompagnée par l’agence de développement économique de la Région Occitanie, Ad’Occ et par Invest in France.

Rémi Alquier répond avec franchise : “Nous ne sommes pas le seul système existant. Il en existe plein d’autres. L’inondation est un sujet complexe. Il y a des tas de solutions développées qui répondent à des tas de situation différentes. Tout mes compétiteurs font un très bon boulot, la plupart des autres systèmes sont super, aussi. Mais chaque solution a ses propres caractéristiques. Toute la difficulté est de choisir la solution qui va le mieux pour un cas précis.” Et pour les gens qui veulent s’équiper, comment choisir ? “Il y a des bureaux d’études spécialisés dans les inondations qui font un diagnostic et des recommandations de solutions. C’est vers eux qu’il faut aller. En général, dans chaque zone couverte par un Papi, il y a, associé, un bureau d’études mandaté pour le diagnostic.”

Olivier SC HLAMA

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