Prévention : Frontignan offre à 1 500 habitants des formations aux premiers secours

Photo : Croix Rouge

“Un vrai engouement”, jugent Pascal Guy, l’habitant qui a promu cette belle idée citoyenne, et David Jardon, l’élu chargé de la santé. Les formations sont financées par la ville de Frontignan dans le cadre de ses premiers budgets participatifs. Une action remarquable. Chaque année, en France, 40 000 personnes meurent subitement d’un arrêt cardiaque.

Cela fait froid dans le dos : chaque année, quelque 40 000 personnes meurent d’un arrêt cardiaque. Et c’est l’impuissance qui domine, malgré les progrès pharamineux de la médecine : même pas un tiers des Français sont formés à intervenir pour aider quelqu’un en train de mourir devant eux et lui prodiguer les premiers secours. Sachant que la majorité des arrêts cardiaques subits surviennent en famille. Le taux de survie à l’issue de ces malaises ? 7 % si aucune aide n’est apportée. Et 40 % avec un massage adapté dans les dix minutes. Il y a même un hachtag #objectiftousformés, comme ICI. À l’échelle européenne, ce nombre de victimes est estimé à quelque 250 000 victimes en 2022.

Frontignan consacre 30 000 € à ces formations

À Frontignan, la commune a pris les choses en mains, proposant des sessions de formation – gratuites ! – pas moins de 1 500 (1), financées dans le cadre de ses tout premiers budgets participatifs, lancés en 2023. “Nous consacrons 30 000 € à ces formations dont a eu l’idée un habitant”, confie Loïc Linarès, maire-adjoint. Et dans ce cas précis, pas besoin de le soumettre à une votation électronique, comme pour les trois autres budgets participatifs, l’un doté de 10 000 € et deux de 5 000 €, “il répondait parfaitement au cahier des charges”.

Massage cardiaque, voies respiratoires obstruées…

De g. à d., Michel Arrouy, le maire, Pascal Guy, de Frontignan-Plage, Loïc Linarès, maire-adjoint et Louis Bonneric, maire-adjoint. Ph. Mme Guy

C’est la Croix Rouge et les pompiers qui dispensent ces formations aux premiers secours. Marjorie, mère de famille, a fait partie d’un stage récemment. “Il y a deux formations possibles, énumère-t-elle. L’une de deux heures, sur les gestes qui sauvent, c’est un peu le b.à.-ba dispensé par les pompiers de l’Hérault. Et il y a une seconde formation, réalisée, elle, par la Croix Rouge, qui dure toute une journée, 7h30 (le PSC1) ; là, on entre dans une formation plus approfondie en vue de venir en aide à quelqu’un qui fait un malaise (c’est celle que j’ai suivie) ; on y apprend à faire un massage cardiaque ; à aider quelqu’un qui a les voies respiratoires obstruées…” Le PSC1 permet d’avoir par équivalence le BEPS (Brevet européen des premiers secours). Et, pourquoi pas, de passer ensuite le PSE. Et de compléter sa formation de secouriste.

“Ces formations devraient être obligatoires”

Marjorie, qui travaille à l’hôpital de Sète, élabore : “Cela devrait être obligatoire et généralisé. Dès lors que l’on est avec du monde autour de soi, on a chacun plutôt tendance à se dire que quelqu’un d’autre serait plus compétent que soi pour aider une personne en difficulté. C’est ce que l’on appelle la dilution de responsabilité. C’est aussi une question de confiance en soi. Moi-même, j’ai déjà été formée – c’était obligatoire en tant qu’étudiante à la Croix-Rouge – mais c’était il y a vingt ans.” Marjorie, qui oeuvre également dans le scoutisme, a trouvé très utile cette mise à jour. “On devrait proposer un recyclage de la formation initiale tous les deux ans”, pense-t-elle.

“Pendant la formation, on se disait entre stagiaires que cela sauvera des vies.” Et que cela donnera envie à d’autres de se former. Ce prosélytisme bienveillant se pratique d’abord autour de soi : désormais, c’est le mari de Marjorie, Christophe, qui s’intéresse à cette formation, lui qui est déjà délégué de la sécurité au travail dans son entreprise.

“Si quelqu’un avait su faire un massage cardiaque, par exemple, on aurait pu peut-être sauver des vies…”

Ph illustration Croix Rouge Montpellier.

Cette salve de formations est la concrétisation d’une initiative citoyenne. Pascal Guy habite Frontignan-Plage. Il dit : “La plage, c’est très fréquenté l’été ; et dans cette période-là, pas de problème : il y a un poste de secours. Mais c’est aussi fréquenté de nombreux mois où la météo et l’eau sont agréables. En 2022, hors saison, durant trois-week d’affilée, on a vu défiler des corbillards : des gens s’étaient noyés. Si quelqu’un avait su faire un massage cardiaque, par exemple, on aurait pu peut-être sauver des vies… En tant que pratiquant de planche à voile, je constate aussi des accidents de kite surf, par exemple, qui se font emporter…” L’idée, c’est aussi de pouvoir établir un périmètre de sécurité et donner efficacement l’alerte.

“Les gens sont d’autant plus touchés que cette formation permet de sauver des vies et des vies de sa famille”

Fonctionnaire à la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer), à la sécurité routière, Pascal Guy est tout naturellement sensibilité aux risques. Son fils, sauveteur l’été dans les postes de secours de la région, a passé toutes les formations de secourisme. “Je fais partie du comité de quartier, confie encore Pascal Guy ; nous disposions de 2 000 € que je voulais utiliser pour payer des formations aux habitants de Frontignan-Plage. La mairie a trouvé qu’il fallait proposer ces formations à toute la population.” Il juge qu’il “y a un vrai engouement, surtout le premier mois de la formation. Chaque personne que je rencontre me dit que c’est génial.” En espérant que cela fasse boule de neige. “Les gens sont d’autant plus touchés que cette formation permet de sauver des vies et des vies de sa famille.”

L’élu chargé de la santé publique à Frontignan, David Jardon, lui-même formé, notamment parce qu’il travaille en milieu hospitalier est aussi fier de “cet engouement d’inscriptions mais il reste pas mal de places. Les profils des stagiaires est assez varié”. À partir de 35 ans. Il dit également : “Cela devrait être obligatoire ; il y a aussi peut-être quelque chose à faire avec l’Education nationale” pour sensibiliser les jeunes. “Ce genre de formation, c’est utile quand on est en présence d’une victime, bien sûr. Cela permet aussi d’avoir un peu de recul par rapport à une situation qui peut être traumatisante quand on la vit la première fois, voire de savoir estimer à sa juste importance.”

Pour une meilleure éducation aux premiers secours

Ph illustration Croix Rouge Montpellier.

De plus en plus de communes forment les habitants gratuitement. Paris, par exemple, propose à 15 000 personnes de suivre une formation gratuite.De quoi, aussi, aider les secours lors des JO 2024. Les Sables, d’Olonnes, veulent, elles, former… toute la population ! Le taux de survie après un arrêt cardiaque pourrait être bien meilleur si les gestes de premiers secours étaient connus de tous : c’est la conclusion tautologique d’un groupe international d’experts qui a publié, en 2023, des recommandations dans The Lancet. Au premier plan desquelles, figure une meilleure éducation du grand public aux premiers secours. En 2022, la Croix-Rouge française a formé aux gestes qui sauvent 48 548 personnes, et elle en a initié 23 070. D’autres acteurs de la sécurité civile peuvent assurer ces formations : pompiers, protection civile, ordre de Malte, la Fédération française de sauvetage sportif, etc.

Les Français inquiets des accidents de la vie courante

Le chemin est encore long : pourtant “largement confrontés aux accidents, les Français se sentent potentiellement démunis et mal informés sur les gestes à adopter”, selon un sondage Groupama-Odaxa. Il précise qu’une minorité de Français se dit de nature inquiète vis-à-vis de leur santé et des accidents de la vie courante (42 %) mais le sont davantage lorsque l’on évoque les accidents de la route (58 %), de santé (57 %) et les catastrophes naturelles (56 %). et que 42% des Français ont déjà dû porter secours à une autre personne et 24 % ont eux-mêmes déjà reçu les gestes de premiers secours d’un particulier. “Passez votre brevet de secourisme !” : c’était, déjà, le message de Jessie Tonnel, maître-nageur, en 2017, qui, grâce à ce diplôme, a sauvé la vie de Jean, un lyonnais de 78 ans, victime d’un arrêt cardiaque en octobre à Balaruc-le-Vieux, près de Sète (Hérault).

Olivier SCHLAMA

(1) La formation se déroule sur 7,5 heures, de 8h30 à 12h et de 13h30 à 17h30, le samedi et certains lundis, du samedi 6 avril au 13 juillet 2024. Maison des projets et de la Citoyenneté, à l’angle de la rue Anthérieu et du boulevard Victor-Hugo. Formation ouverte aux habitants de Frontignan la Peyrade, à partir de 16 ans. Formation gratuite s’effectuant à partir de 5 personnes minimum. Se présenter 15 minutes avant le début de la formation. Prévoir papier et stylo. Tél: 04 67 18 54 33

Application pour aider plus de victimes

Les citoyens sont des lanceurs d’alerte. Plusieurs applications pour smartphone existent. L’une d’elles, Sauv Life, lancée en mars 2018 en France qui permet au SAMU de géolocaliser, en cas d’arrêt cardiaque signalé, des volontaires à proximité de la victime. Ces volontaires reçoivent l’alerte. Et sont guidés vers la victime. C’est là qu’il peuvent lui sauver la vie en effectuant les premiers gestes qui sauvent. Le temps que les secours professionnels arrivent. En France, à ce jour, 729 936 “citoyens sauveteurs” étaient revendiqués par l’appli qui couvre 73 départements. Et s’inscrivent dans une démarche vertueuse en en parlant autour d’eux.

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