Mémoire : Henry de Monfreid, “Il faut être vraiment ce que l’on veut paraître…”

Arch. Dép. Aude, 176 J 289, Monfreid dans un boutre, vers 1920

« Il faut être vraiment ce qu’on veut paraître », telle pourrait être la devise d’un homme qui, plus encore que de chercher l’aventure, a choisi de vivre sa vie le plus intensément possible. Des histoires qui fourniront la matière de ses futurs romans. L’exposition proposée par les Archives départementales de l’Aude Marcel-Rainaud jusqu’au 3 janvier 2025, révèle les diverses facettes de la vie frondeuse et tumultueuse d’Henry de Monfreid, le célèbre aventurier et écrivain  audois.

Né Henri à La Franqui (Leucate) le 14 novembre 1879, Henry de Monfreid est le
fils du peintre George Daniel de Monfreid (ami de Gauguin) et d’Amélie Bertrand. Sa famille maternelle est ancrée sur la côte languedocienne, où il passe les sept premières années de sa vie. Après des études à Paris, puis à Carcassonne, il exerce divers métiers et cherche sa voie. En 1911, il décide finalement de partir pour l’Afrique de l’Est, arrive à Djibouti et travaille pour une entreprise française qui achète des peaux et du café en Éthiopie.

Celui que Kessel appelait “vieux pirate”

Peu à peu, il s’habitue à son nouvel environnement, puis se fixe à Obock, de l’autre côté de la baie de Djibouti. Durant plusieurs années, il navigue en mer Rouge et se livre à de multiples trafics avec l’Arabie et l’Égypte (armes, haschich, perles…). “Tout plutôt que ces existences fades et monotones comme des champs de betteraves que nous devons mener en Europe” écrit-il alors… Puis, il se marie en 1913 avec Armgart Freudenfeld, qui ne le rejoint en Afrique qu’en décembre 1916.

Arch. Dép. Aude, 176 J 385, Henry de Monfreid avec ses matelots à Djibouti, 1937

Dans l’entre-deux-guerres, Henri poursuit ses opérations commerciales et achète des terrains en Éthiopie où il crée une centrale hydroélectrique à DiréDaoua et une plantation de café à Araoué. En 1931, il publie son premier ouvrage Les secrets de la mer Rouge, dont le succès est immédiat. Un certain nombre d’autres livres vont suivre jusqu’en 1939.

Très critique à l’égard du Négus, Monfreid est expulsé d’Éthiopie en 1933. Il n’y retourne qu’avec les troupes d’occupation italiennes à partir de 1936 mais il est fait prisonnier par les troupes anglaises en mai 1942 et déporté au Kenya, où il reste interné jusqu’en 1946. De retour en France en 1947, à l’âge de 68 ans, accompagné de sa seconde épouse, Madeleine Villaroge, il s’installe à Ingrandes. Il se consacre alors à la littérature, à l’aquarelle et donne des conférences sur l’Éthiopie et l’Afrique de l’Est.

Néanmoins, il passe chaque été à La Franqui où il a fait construire une petite maison. Décédé dans l’Indre le 13 décembre 1974, il est enterré au cimetière de Leucate.

Source d’inspiration pour Hergé et Hugo Pratt

Figure incontournable parmi les aventuriers du XXe siècle, il vécut sa légende autant qu’il l’écrivit. Son ami Joseph Kessel l’appelait “vieux pirate” et il a même inspiré à Hergé un personnage dans l’album Les cigares du Pharaon ! Monfreid figurait aussi au panthéon des aventuriers selon Hugo Pratt (l’auteur de Corto Maltese) aux côtés de Melville, Conrad et Jack London.

La sélection de documents et de photographies présentée à Carcassonne, issue du fonds d’archives conservé depuis 2018 (*), restitue toute la fougue, la liberté absolue de ce personnage d’exception, témoin d’une époque, des paysages qu’il fréquente et qu’il offre à découvrir, notamment au travers de ses écrits.

Arch. Dép. Aude, 176 J 289 Henry de Monfreid assis, posant au milieu d’hommes et d’enfants

Des rendez-vous tout au long de l’année

Découvrir le contexte historique et artistique dans lequel évoluait Henry de Monfreid, explorer l’univers de la photographie, rencontrer des écrivains, des musiciens, s’initier au carnet de voyage, fabriquer sa carte pop’art… Ce sont autant de découvertes et d’activités proposées par les Archives départementales de l’Aude grâce à la programmation culturelle, aux visites guidées et ateliers organisés jusqu’en janvier 2025, d’Ici et d’aventures !

Prochains rendez-vous : 18 avril, “Bons baisers d’ici et d’aventures !”, atelier carte postale-souvenir. A partir de 8 ans. 2h. 25 avril : “Deux regards photographiques sur l’Afrique. Henry de Monfreid / Lebohang Kganye : deux situations historiques et
artistiques, pour une création africaine masculin / féminin”, par Christian Gattinoni, critique d’art. Et beaucoup d’autres à venir !

Renseignements et inscriptions (activités gratuites) à archives@aude.fr ou au 04 68 11 31 54.

Philippe MOURET

(*) Le fonds d’archives d’Henry de Monfreid a été donné aux Archives départementales de l’Aude le 13 juin 2018. Il a été récupéré au domicile parisien de Guillaume de Monfreid, petit-fils d’Henry, où il était conservé depuis près de cinquante ans, après avoir été ramené de la résidence principale de l’écrivain, située à Ingrandes (Indre). En raison des droits d’auteur liés aux œuvres littéraires d’Henry, qui ne sont pas encore tombées dans le domaine public, ce don a fait l’objet d’une convention, signée le 13 novembre 2018 par André Viola, président du Conseil départemental de l’Aude, et Guillaume de Monfreid, représentant des ayants droit. Ce fonds est désormais conservé et communicable aux Archives départementales de l’Aude sous la cote 176 J.
Une vue de l’expo aux Archives de l’Aude (Carcassonne)

Lire aussi :

Tintin : au coeur des îles singulières

Tourisme / Insolite : “Green activity”, spécialiste des virées outdoor en Occitanie