Précarité menstruelle : Le département des Pyrénées-Orientales change les règles

La collectivité offre à 2 400 collégiennes de sixième des kits complets. Un stock de culottes de règles sont mises à disposition dans les collèges sur demande des jeunes filles. Quatre millions de femmes en France n’ont pas assez d’argent pour s’en procurer.

Entre 12 € et 15 € les douze serviettes hygiéniques de base. Quand on a le malheur d’avoir des règles abondantes, ça chiffre encore bien davantage. Pour beaucoup de familles, la précarité menstruelle, qui concerne quatre millions de femmes en France, de 12 ans à 50 ans, selon l’association Solidarités Etudiantes, creuse trop le budget. Elles n’ont pas assez d’argent pour s’en procurer. Un chiffre deux fois plus élevé qu’en 2021. Vu l’inflation, il n’y a pas de raisons que ça s’arrête.

“Certaines jeunes filles ne viennent pas à l’école ou au collège à cause de ce que cela coûte ; alors, ça peut être parce que certaines jeunes filles ont des règles très douloureuses mais certaines autres n’ont pas suffisamment de serviettes pour toute la journée. D’où l’angoisse de se tâcher. Ce qui est très humiliant.”, explicite Hermeline Malherbe.

10 % de hausse moyenne à cause de l’inflation

Hermeline Malherbe au Le Soler pour la rentrée. Ph. Département des PO.

La présidente du département des Pyrénées-Orientales ajoute : “On a fait un constat sur l’inflation, sans avoir pu distinguer la part des règles, il y a eu une hausse moyenne sur l’année de 10 % ; c’est la même proportion que nous avons constatée sur le renoncement à l’achat d’autres produits de première nécessité : le riz et les pâtes, entre 10 % et 12 %…Et quand il faut choisir entre manger et se protéger… Pire : près d’une jeune fille sur deux a déjà manqué l’école à cause de ses règles. Et un tiers a déjà subi des moqueries ou discriminations liées aux règles.

Un kit de rentrée complet

D’où cette idée d’un kit de rentrée pour les 2 400 collégiennes de sixième, la classe-pivot de l’apparition des règles. Il comprend  deux protège-lingeries “flux léger” ; deux serviettes “flux régulier jour” ; deux serviettes “flux régulier nuit” ; deux tampons avec applicateur “flux léger” ; une notice d’utilisation des protections hygiéniques ; et un livret de conseils et précautions d’utilisation des serviettes et tampons. Enfin, il renferme un calendrier des règles pour bien choisir sa protection hygiénique.

“La culotte de règles est accessible à toutes les collégiennes qui en font la demande”

Une première distribution de kits et d’un livret d’information aux élèves s’est déroulée ce lundi 4 septembre 2023, au collège Jules-Verne, au Le Soler. “Quant à la culotte de règles, spécifiquement, il faudra présenter un bon pour la récupérer à l’infirmerie du collège et elles seront accessibles à toutes les collégiennes qui en font la demande.” 

La présidente ajoute que “ce kit est made in France et il est qualitatif : les culottes sont en coton bio, notamment. La dimension développement durable n’a pas été oublié, le choix de l’entreprise s’est d’ailleurs fait après un appel d’offres et on n’a pas choisi la moins disante (1). Au-delà de ce kit, poursuit Hermeline Malherbe, il y a un livret d’information – Les Règles si on en Parlaitqui concerne vraiment tous les collégiens, filles et garçons, qui lui sera bientôt distribué. On s’est inspirés du livret du département d’Ille-et-Villaine.”

Et pourquoi pas installer des distributeurs

Avec un coût non négligeable pour la collectivité : 100 000 €. “Ce kit, nous le finançons une fois dans l’année. C’est une façon aussi de dire : les règles, il faut en parler. Cela va faire son chemin, c’est ce qui est important. Quant aux culottes de règles – c’est plus cher mais c’est un investissement -, on en a acheté un stock que les jeunes filles peuvent venir demander régulièrement à l’infirmerie de leur collège (2).” De quoi faire le lien avec les campus universitaires qui proposent des distributeurs de serviettes. Justement, installer des distributeurs dans les collèges, le département des P.-O. cherche à tenter l’expérimentation.

Rendre le tabou visible

“Mais, avant, il faut savoir où et comment on le fait”, confie Hermeline Malherbe qui rappelle que sa collectivité fait déjà intervenir des associations “sur le thème de la sexualité, à l’instar du Planning familial que nous finançons.” Car l’enjeu n’est pas que financier. L’installation de distributeurs rend visible un sujet qui reste encore tabou et rappelle la nécessité d’en parler avec les jeunes. L’arrivée des règles – l’âge médian est de 12 ans – engendre certes des changements physiques mais aussi sur le plan psychologique. Les jeunes filles peuvent vivre leurs règles comme une honte, n’osant pas en parlent et avec qui.

Dans le cadre du projet de mandat de la majorité

Ce dispositif du département des Pyrénées-Orientales ne s’est pas imposé par des remontées de profs ou des salariés de PMI. “Cette proposition s’est fait jour dans le cadre de notre projet électoral puis, dans le projet de mandat, confie Hermeline Malherbe, présidente du département des Pyrénées-Orientales. Dans ce cadre-là, nous avons eu l’occasion d’échanger avec les élèves qui nous ont fait part de cette problématique. On a aussi regardé dans d’autres départements ; et on a constaté qu’en Ille-et-Villaine, en Loire-Atlantique ou encore en Seine-Saint-Denis que ce dispositif avait été lancé en début de mandat.”

Le gouvernement veut inciter les collectivités

C’est, aussi, l’occasion de continuer à lever le tabou des règles et promouvoir l’égalité. “Cela fait déjà un moment que nous travaillons au respect filles-garçons, y compris dans les relations intimes. Avec Ségolène Neuville, lors du précédent mandat, on avait déjà fait le constat d’une vision peu respectueuse de la jeune fille et de la femme de façon globale avec de soi-disant “grands frères” qui amenaient des garçons à la Jonquère pour les “déniaiser… Déjà, à l’époque, on s’était dit qu’en essayant de travailler sur le tabou des règles, dès le collège, cela permettrait d’aborder d’autres choses lié au respect.”

Le gouvernement entend “inciter les collectivités territoriales” à se saisir de ce sujet, et à déployer à leur tour des protections hygiéniques gratuites dans les établissements scolaires du secondaire. Dès 2024, le gouvernement a, quant à lui, promis le remboursement par la Sécurité sociale des protections périodiques réutilisables pour les moins de 25 ans. Sans ordonnance et seulement en pharmacie, avait confié Elisabeth borne dans l’émission TV C à Vous, le 6 mars dernier. 

L’Ecosse a été le premier pays au monde à voter, en 2020, une loi pour des protections hygiéniques gratuites.

Olivier SCHLAMA

  • (1) – Le Département a choisi les produits CLARIPHARM (tampons, serviettes de jour, serviettes de nuit, protège-lingeries) car ceux-ci respectent des critères de qualité environnementale élevée (composés à 100 % de coton biologique recyclable certifié sur les éléments en contact avec la peau comme le voile de surface, sans traitement chimique ou toxique ni perturbateurs endocriniens, sans blanchiment au chlore ou utilisation d’agents chlorés, sans parfum, ni colorant, ni allergène, sans plastique d’origine fossile, avec des matériaux biodégradables et compostables)
  • (2) – Le Département a fait le choix de Smoon, entreprise française, proposant un produit respectant des critères de qualité environnementale élevée (tissu principal composé à 95% de coton biologique et 5% d’élasthane, tissus respirants et hypoallergéniques, sans nanoparticules ou substances nocives, garantissant aucune odeur et aucune irritation et jusqu’à 12h de protection, réutilisable au moins 4 ans, entretien facile).
    La culotte menstruelle en coton biologique SMOON est parfaitement adaptée à l’âge adolescent, avec un design sans couture à la fois chic et sobre pour un confort maximal : une technologie reposant sur l’association de 3 matières ultra-innovantes à une finition sans couture, la garantie d’un confort et d’une efficacité sans faille. Les matériaux sont produits en France et en Italie.

Une tablette pour les élèves de 6e et de 5e

C’est pour des conditions optimales d’épanouissement et de travail que le département des P.-O. équipe 6e et 5e de tablettes. De quoi “réduire les inégalités d’accès au numérique et favoriser le développement d’une culture et d’une citoyenneté numériques !” Et d’ajouter : “Cette tablette-PC facilite également le lien entre l’élève, les parents et les équipes pédagogiques du collège, avec un accès à l’ENT (Espace Numérique de Travail). Cet espace facilite aussi la continuité pédagogique entre l’école et la maison, donne accès aux devoirs, aux notes et à la messagerie. Le département, en lien avec l’établissement, peut également mettre en ligne des contenus pédagogiques.”

Pour cette tablette-PC, le Département a souhaité travailler avec une société française (UNOWHY) qui l’accompagne à chaque étape depuis 2015, alliant réactivité et adaptation. L’offre est née et évolue grâce à ce partenariat de proximité à l’écoute des attentes et des besoins des enseignants et des élèves.

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