Portrait : Vincent Facélina, quand la passion sort des cases…

La Potion, une planche originale au stylo à bille signée Touïs a été vendue ... Photo Ph.-M.

C’est un petit coin de verdure, du côté de Clermont-l’Hérault. Comme un écrin discret où se cache un trésor composé d’encre et de papier… Ici vit un passionné qui a su relier ses rêves d’enfance et sa passion d’adulte. Vincent Facélina compose ainsi un récit qui accompagne toute l’histoire de la BD moderne et trouve une forme d’accomplissement avec Bullomur, exposition et vente de planches originales des plus grands noms de la bande dessinée internationale…

Tout a commencé avec un petit carnet, couverture rouge et pages à petits carreaux. “Cela devait être en 1976, j’allais à mon premier festival de BD, à Maubert-Mutualité (à Paris, NDLR). Juste avant d’y aller, j’ai acheté un petit carnet aux pages quadrillées… Pas l’idéal pour mettre en valeur les dessins ! La toute première dédicace, elle est de Mordillo. Et il y avait aussi Chéret, Moebius, et beaucoup d’autres…”

1976 : “La toute première dédicace, elle est de Mordillon”… sur le fameux petit carnet rouge aux pages quadrillées !

Le Journal de Mickey, le vrai déclic d’un bédévore

A l’époque les festivals de bande dessinée fleurisseent. Le Festival d’Angoulême (devenu depuis le FIBD, qui aura 50 ans en janvier 2023) fête sa troisième édition, né un an après le Festival BD de Toulouse qui malheureusement n’aura pas le même destin, disparaissant au début des années 80, faute de soutiens.

Mais Vincent n’a pas attendu ce frémissement de reconnaissance du 9e Art pour enchaîner les lectures de BD’s, mais aussi de comic’s, envoyés depuis les Etats-Unis par sa grand-mère, établie outre-Atlantique…

“J’ai appris à lire dans les pages de Tintin. Mais le vrai déclic, cela a été le Journal de Mickey et Mandrake le Magicien… J’étais déjà très attiré par les bandes dessinées d’origine américaine. Il y avait aussi le Fantôme du Bengale, Flash Gordon, l’Amérique c’était tout ça, un dessin réaliste mais des destins fantastiques. A 5 ou 6 ans, on oscille entre réalisme et imaginaire. je ne comprenais pas tout, mais ça me fascinait…” raconte Vincent.

Rahan, Pilote “mâtin, quel journal !”, Strange, etc

Suivront dans les années 1960 et 1970 la découverte de Rahan, des grands magazines qui vont faire l’histoire de la bande dessinée européenne, Spirou, Tintin, Pilote… Et à 12 ans, les Fantask, Strange, Marvel… En d’autres termes, le curriculum classicum du fan de BD de cet âge d’or.

Vincent Facélina, côté albums…

Cette boulimie de lecture s’accompagne donc, dès 1976 et le fameux petit carnet rouge, d’une passion pour les dédicaces et dessins originaux. “J’étais vraiment collectionneur de dédicaces. C’est devenu au fil du temps une quête boulimique, je peux dire aujourd’hui, excessive. Mais j’étais mu par la passion et l’amour pour les créateurs (…) Ce n’était pas juste la volonté d’obtenir une dédicace de plus. C’était le besoin d’aller vers quelqu’un qui m’accordait, en dessinant, un peu de son temps et une parcelle de son talent…”

Du Saucisson Club au Mickson FC

Durant ses années en région parisienne, Vincent Facélina a l’occasion de rencontrer et fréquenter de nombreux auteurs… “J’ai fait la connaissance de Christian Goux (auteur de BD né à Castres, NDLR), je fréquentais le Saucisson Club qui était une mine de dédicaces pour mon livre d’or. Et j’allais jouer au foot avec Margerin et l’équipe du Mickson FC.”

A cette occasion, Vincent évoque Enki Bilal qui lui dit : “Je te ferai pas de dessin dans ton livre d’or, parce que pour moi, un livre d’or c’est un tableau de chasse…”

Une réflexion du dessinateur (parmi tant d’autres) de l’album Partie de Chasse (Dargaud 1983, scénario de Pierre Christin) qui vaut certes pour bon nombre de ces accros qui errent de festivals en festivals courbés sous le fardeau des albums entassés dans un sac, à faire dédicacer impérativement !

… et côté planches originales ! (photos Ph.-M.)

Mais Vincent Facélina voit plus loin, plus haut… “En allant demander une dédicace, on rend hommage à une création qui a suscité en nous des émotions. C’est de la gratitude qui s’exprime envers ces conteurs qui savent nous sortir d’un quotidien pas toujours très rose (…) C’est un moment précieux qui se crée dans ce contact. Et c’est aussi cela, ce sentiment, cette admiration pour le travail d’un créateur que je tente de transmettre avec Bullomur…”

Bullomur est sur le site 2DGallerieshttps://www.2dgalleries.com/profile/bullomur

Originaux de grands de la BD et talents à découvrir

Nous y voilà ! Car la passion de Vincent a pris un tournant décisif voici quelques mois. Fort de ses nombreux contacts dans le monde de la BD, il vient de créer Bullomur, qu’il fait connaître en sillonnant la région… “Il faut faire mieux connaître l’art de la BD. J’avais envie de parler de tous ces gens, ces artisans-artistes qui oeuvrent pour notre plaisir et qui ne sont pas assez mis en valeur. Il y a quelque chose d’alchimique dans leur travail et c’est cela que je mets en avant, en particulier en valorisant l’importance des croquis et des crayonnés…”

Une cinquantaine d’auteurs ont choisi de soutenir ce projet en confiant à Vincent des dessins, des croquis, parfois des planches originales… La liste des noms fait rêver ! Des italiens Giancarlo Alessandrini (dessinateur de Martin Mystère) ou Dante Spada (Tex) à l’américain David Lloyd, qui a notamment oeuvré pour le dessin du comics de V pour Vendetta (sur un scénario d’Alan Moore)…

La production hexagonale n’a pas à rougir de ce voisinage. Avec des oeuvres originales signées Margerin, Pelet, Labiano, Giroud, Vicomte, etc. Et quelques pépites, telles ces planches de séries parues aux éditions Vaillant (Pif Gadget, etc). Le Grêlé 7/13 (Nortier), Teddy Ted (Forton) ou Robin des Bois (Coelho).

Et la collection complète des originaux mis en vente réserve encore quelques belles surprises aux amateurs ! Et niveau prix ? “D’abord, je demande toujours au dessinateur à combien il évalue son travail, Le prix du temps passé, de l’engagement et le niveau d’élaboration de la planche. Si c’est un crayonné, un travail final, encré, etc. ensuite il faut bien sûr que je puisse prendre ma marge, qui se situe entre 30 et 35 %… Et il y a la notoriété de l’auteur…”

Le regard émerveillé et attentif…

On peut ainsi se procurer le crayonné d’une planche originale (format 42 x 29.5 cm) de la série Sirènes et Vikings réalisée par Francesco Trifogli (alias Trif) pour 150 €. Alors qu’une planche originale de The Territory, à l’encre de chine (format 40.5 x 29.5 cm), signée David Lloyd atteint 500 €… Et une planche au feutre (format 50 x 37.5 cm) de Sasmira par Claude Pelet est à 1 200 €. Tous les tarifshttps://www.2dgalleries.com/browse/forsale?uid=10605

“Sirènes et Vikings” de Trif… un travail de qualité, à un prix abordable…

Et puis il y a les demandes spéciales. Comme ce client néerlandais qui souhaite recevoir des dédicaces élaborées sur des albums, dont il précise le titre et qui lui sont ensuite envoyées… Ou ce mini portfolio contenant quatre estampes de Philippe Caza (installé dans la région de Montpellier), dont quelques exemplaires ont été récemment confiés à Vincent…

La planète BD n’a pas fini de tourner, sous l’oeil émerveillé et attentif de Vincent, qui n’en finit pas de savourer cette plongée quotidienne dans la passion d’une vie…

Philippe MOURET

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