Politique / Aude : Aurélien Turchetto, candidat face au “parachuté” Philippe Poutou

Aurélien Turchetto (à droite de la photo, en veste sombre) sur le marché de Lézignan (Aude). Avec Valérie Dumontet (PS, vice-présidente du CD de l'Aude) et son suppléant société civile Christophe Martel. ,Photo DR

Mais que vient faire Philippe Poutou dans cette galère !? Le leader du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) est né en région parisienne et il est conseiller municipal à… Bordeaux. Rien ne lie ce candidat adoubé par le Nouveau Front populaire au département de l’Aude, où il sera pourtant candidat dans la 1re circonscription. Pire, il déclarait récemment à nos confrères de 20 Minutes qu’il aurait “préféré être candidat sur Bordeaux.” Voilà pour le respect dû aux électeurs. Ce parachutage ne passe pas en terre audoise !

“Face à ce péril (du RN, NDLR) en Occitanie comme partout en France, les candidats du Front populaire sont sur le terrain pour porter un projet crédible et cohérent capable de changer la vie des Français. Pourtant, dans la première circonscription de l’Aude, la direction nationale de LFI a fait un choix irresponsable et perdant face au député sortant RN : elle a parachuté par surprise Philippe Poutou (…) aux positions antiparlementaires, antirépublicaines, antieuropéennes. Cette désignation est contraire à notre histoire, celle de la gauche de Blum et de Jaurès, à nos valeurs, à notre projet. Elle porte la division et risque de pousser les électeurs dans l’abstention. Les Audoises et les Audois n’ont pas été respectés. Philippe Poutou l’admet lui-même : il ne connaît pas le territoire, il se demande ce qu’il y fait et convient qu’il n’est pas le mieux placé ! Il aurait dû, en conscience, refuser cette investiture”, a commenté la présidente (PS) de la Région Occitanie, Carole Delga.

Elle poursuit : “Je partage la colère de la présidente du département de l’Aude, Hélène Sandragné, et des sénateurs, Gisèle Jourda et Sébastien Pla. J’écoute le président de l’agglomération de Carcassonne, Régis Banquet, les maires, les élus de ce territoire, les acteurs économiques, sociaux, culturels et les citoyens. Leur réaction est saine : ils soutiennent Aurélien Turchetto, maire du village de Villesèquelande, vice-président de Carcassonne Agglo, qui s’est levé avec lucidité et courage pour porter lors de ces élections une voix de gauche républicaine, sociale, européenne, laïque…”

Nous sommes sous le choc, c’est le meilleur choix pour asseoir le RN”
Eric Menassi, maire de Trèbes,  sur Philippe Poutou

Carole Delga résume ainsi le ressenti de la grande majorité des élus du département (notamment 50 maires sur les 108 que compte la circonscription). D’autant qu’au-delà du parachutage il y a la symbolique du territoire choisi : la première circonscription de l’Aude, c’est notamment celle de Trèbes où, le 23 mars 2018, le colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame a été assassiné par un terroriste islamiste après avoir pris la place d’une otage dans le Super U de la commune.

On comprend d’autant mieux l’émoi suscité par la candidature du leader d’un parti qui est visé depuis 2023 par une enquête pour “apologie du terrorisme.” Le maire de Trèbes et président de l’Association des maires de l’Aude, Eric Ménassi l’a parfaitement expliqué au micro de Sud Radio : “Inacceptable (…) Il y a une grande colère, vous imaginez l’indignation de la population (…) Nous sommes sous le choc (…) C’est le meilleur choix pour asseoir le RN sur la circonscription (…) La gauche ce n’est pas ça, ce n’est pas la haine des flics…”

En campagne à Carcassonne le 22 juin… Une candidature bien accueillie… Photo DR

Des élus qui n’apprécient pas les commentaires de Poutou

Un émoi partagé par un autre maire audois, Michel Proust, maire de Villegailhenc et vice-président de Carcassonne Agglo : “Je n’accepte pas que [mon] engagement citoyen au service de la population, au service de valeurs de solidarité et de fraternité, au service de l’intérêt général soit terni par une personnalité politique expédiée dans notre territoire par un appareil politique parisien qui ignore tout du quotidien d’un élu communal audois.”

D’autant que Philippe Poutou n’a pas tardé à mettre les pieds dans le plat d’un territoire qu’il ne connaît pas mais sur lequel il a déjà des idées bien arrêtées. Ainsi, selon lui “les élus ont perdu la main au sein du département. les élus locaux devraient assumer la responsabilité de cet échec”, a-t-il déclaré lors de son passage sur le marché de Lézignan et dans les colonnes de L’Indépendant

“Ce serait donc notre faute si le pays va mal. À propos de mains, monsieur Poutou, nous, maires de villages, les avons dans le cambouis. Tous les jours, week-ends compris. Les élus de nos communes rurales, monsieur de Bordeaux, ils enfilent le bleu de travail pour déboucher les fossés, ils prennent leur voiture pour faire avancer les dossiers de leur commune en préfecture, au département à la Région (…) Non, ils n’ont pas perdu la main, non ils n’ont pas échoué. Le quotidien du maire, c’est cela (…) loin de vos postures politiciennes et de vos combines d’appareil”, rétorque Michel Proust.

La présidente de l’Aude a “mal pour les citoyens de gauche de la 1re circonscription”

Présidente du conseil départemental de l’Aude, Hélène Sandragné ne doit pas autre chose : “M. Poutou est arrivé chez nous alors même que de son propre aveu, il n’a qu’une très faible connaissance de notre territoire et de ses problématiques. Le choix de l’Aude s’est joué sur un coup de dés. C’est tombé sur nous. J’ai mal pour les citoyens de gauche de la première circonscription. J’ai espéré, puisqu’il est pleinement conscient des remous qu’il suscite, que la raison l’emporterait, qu’il ne forcerait pas le destin, qu’il serait à l’écoute du mécontentement que sa venue engendre. Car si les citoyens de gauche ne se retrouvent pas en lui, ils resteront chez eux. Alors, oui, je comprends qu’un autre se lève dans ces circonstances pour porter une voix de gauche capable de réunir toutes les nuances de notre camp. Cette candidature, portée par Aurélien Turchetto, agrègera tous ceux qui veulent une alternative au triste sort vers lequel la première circonscription pourrait s’orienter.”

Cette personnalité dont la candidature aux législatives apparaît tellement évidente à ceux qui sont sur le terrain toute l’année, c’est donc Aurélien Turchetto, maire de Villesèquelande et vice-président de Carcassonne Agglo, en charge du tourisme. Il est membre du PRG mais se présente sans étiquette.

Carcassonne est aussi dans la 1re circonscription de l’Aude, Aurélien Turchetto ne l’oublie pas. C’est là qu’il a annoncé sa candidature, le 17 juin dernier. Photo DR

“Nous connaissons bien notre territoire, ses habitants…”

Ce conseiller en développement commercial de 43 ans, élu maire de Villesèquelande en 2020 est, lui, un enfant du pays. Tout comme son suppléant Christophe Martel, un commerçant de Lézignan-Corbières. Il ne manque pas de le rappeler sur son tract de campagne : “Je suis né dans ce territoire. J’ai grandi dans ce territoire. J’ai fait mes études agricoles dans ce territoire. Je travaille dans ce territoire…”

“Devons nous être condamnés à choisir entre une majorité présidentielle qui aggrave les inégalités et oublie les territoires, une extrême droite qui fracture notre société et met en péril notre économie et une extrême gauche qui abîme la laïcité, complaisante avec le communautarisme et qui dégrade l’image de la France ?”, interroge le candidat qui condamne “l’affront d’une candidature d’extrême gauche non républicaine parachutée de Paris…”

Et son suppléant enfonce le clou : “Nous connaissons bien notre territoire, ses habitants et les enjeux environnementaux, économiques et touristiques qui y sont attachés…” On est loin du candidat NPA venu là “à la gamelle” et dont l’arrivée permet au député sortant RN, Christophe Barthès, de se frotter les mains face à la division du camp d’en face… Rappelons qu’il l’avait emporté, il y a deux ans, avec 53,56 % des voix face à une candidate PS-Nupes, Sophie Courrière-Calmon.

Pour cette élection de 2024, il y aura au total sept candidats dont une Lutte Ouvrière, le LR s’étant retiré.

Philippe MOURET

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