Occitanie : Sept ans après la fusion des régions, le dico qu’il vous faut !

Toulouse, la Garonne... DR.

Entre Rhône et Garonne, c’est un dico pas comme les autres. Pertinent, concis, au style plein de tact. On peut y piocher au gré de ses envies, de ses humeurs. Et quand on referme le parfois étonnant Dictionnaire familier d’Occitanie (20 €, Cairn), en cours de diffusion dans les librairies, on a le sentiment, non pas d’être incollable sur l’Occitanie, mais d’en faire davantage partie.

Ne pas se mentir : en 2015, Hollande décide, d’abord pour des raisons électorales mais aussi pour affronter mieux les défis économiques, dit-il, imposés par une Europe des territoires, de fusionner les régions pour n’en garder que treize. Sur le bord d’une table, André Valini, ministre chargé de la Réforme territoriale, griffonne alors ; on regarde les cartes électorales, juges de paix. Dans l’ex-Languedoc-Roussillon, le poids du Front national pèse déjà dangereusement. Pour le “diluer”, on marie notre région à Midi-Pyrénées, terre historique des “rad-soc”.

L’ex-Languedoc-Roussillon avait toutes les craintes de penser que sa voisine et rivale d’ex-Midi-Pyrénées…

Ph. OSC.

Mais l’ex-Languedoc-Roussillon avait toutes les craintes de penser que sa voisine ex-Midi-Pyrénées, première rivale pour un leadership, certes mal placé, va l’absorber et lui faire perdre son identité. Montpellier, “la surdouée” qui n’a plus son Imperator de Frêche qui a, depuis, rendu l’âme, craint pour sa survie. Faut dire que la région fusionnée, avec ses treize départements, tantôt tournés vers la Catalogne (P.-O.) tantôt vers Paca (le Gard), est vaste comme l’Irlande !

Un tour d’horizon bien à lui en 157 entrées

Catherine Bernié-Boissard. DR.

Pic du Midi, Port de Sète, Pierre Soulages, Georges Brassens, Trénet, Gréco, Nougaro… Les Ovinpiades, concours de jeunes bergers, y côtoient le CEA de marcoule, d’artagnan, José Bové, Cathares, Camisards cévenols jusqu’aux Maquisards de la Seconde Guerre mondiale, etc. Pont du Gard, Cirque de Navacelles, Chemins de Compostelle, patrie d’Olympes de Gouges et de la première femme médecin, Madeleine Brès, etc. Sans oublier le patrimoine culinaire, les terroirs, les vignobles… L’ouvrage propose ainsi un tour d’horizon bien à lui en 157 entrées.

“Une région mal connue de ses habitants…”

Béziers. Ph. DR.

Cet ouvrage n’a rien d’encyclopédique. “Nous voulions un ouvrage accessible à tous, pas un livre académique. Nous avons eu des partis pris mais que nous avons voulus intelligents et ouverts. Le but de cet ouvrage collectif est de partir du constat que cette grande région a maintenant sept ans, c’est un peu l’âge de raison, mais elle est mal connue de ses habitants et ses visiteurs. Dans le Gard, quand on parle d’Occitanie, on pense à Toulouse. Il faut dire que les deux ex-régions se sont formées à distance l’une de l’autre”, pose Catherine Bernié-Boissard. Depuis la Révolution française, poursuit-elle, il n’y avait plus de provinces, pas de grandes régions mais des départements seuls qui se sont formés les uns à côté des autres, sans relation. En revanche sous l’Ancien Régime et depuis l’Antiquité, cette région a des racines et une histoires communes. On le voit très bien avec les villes, les monuments, le patrimoine.”

Féminismes, écrivaines, empreintes religieuses

Universitaire – elle est géographe – spécialisée dans les mutations des territoires dans l’espace méditerranéen, la Gardoise a réuni 35 auteurs, reconnus chacun dans leur spécialité (1). On y trouve, en plus des thèmes plus conventionnels, des chapitres intéressants sur la floraison de festivals ; sur l’importance de l’occitan ; le portrait du nageur d’Auschwitz, le Sétois Alfred Nakache et son histoire extraordinaire ; mais aussi sur les féminismes ; les attentats ; les garrigues ; la retirada et même les écrivaines et les empreintes religieuses ! “Parler des femmes parce qu’elles toujours peu connues. Il le faut encore…” A ce propos, écoutez ce podcast du site Mesdames… d’Occitanie ICI.

Les villages de Montaillou et de Montségur

Le site de Montségur, en Ariège… Photo CRT Midi-Pyrenees Dominique Viet

Dans ce dictionnaire, vous trouverez les chefs lieu de département et des villes avec des caractéristiques particulières comme Lourdes, Sète, etc. Et Béziers, également, la plus vieille ville de France, comme Dis-Leur vous l’avait expliqué ICI ! Ce qui est peu connu : tout le monde pense que c’est Marseille… On y a aussi le village (17 habitants !) de Montaillou (Ariège) qui y trouve sa place : “C’est un témoignage historique intéressant où vécut un historien médiéviste Jean Duvernoy et surtout Emmanuel Leroy-Ladurie, célèbre historien français, qui a écrit justement un ouvrage qui connut un grand succès, relatant la vie quotidienne dans ce village lors du Moyen-Âge, de l’Inquisition. On y trouve aussi le village de Montségur, en Ariège, haut lieu de la persécution des Cathares.”

Dans les deux ex-régions, il y a des choses partagées

Le Pont du Gard, l’un des sites plebiscités pour des vacances culturelles… photo ©Pont du Gard Officiel

Justement, ces thèmes montrent qu’il y a finalement des choses partagées entre les deux ex-régions. Que cette fusion a plutôt réussi son pari. “Elle a été contestée au départ. Mais elle ne l’est plus. Parce que, finalement, la frontière n’est pas l’enjeu.” Qu’est ce que le Gard ; le Toulousain ou encore notre territoire catalan ont gagné dans cette fusion ? “Le Gard, où un certain nombre de voix s’étaient élevées, comme celle du Modef, pour dire : “On n’a rien à faire avec cette grande région avec Toulouse ; finalement, c’est différent : le pôle de compétitivité Aérospace Vallée qui siège à Toulouse, historiquement tourné vers Bordeaux, eh bien elle s’est depuis tournée vers le Gard mais aussi vers la base de Garons : il y a des échanges, des formations organisées conjointement…”

“Les Catalans ont su préserver leur identité…”

Ce n’est pas tout : “C’est vrai, aussi, pour le BTP. Dans le Gard, par exemple, les responsables de la filière n’étaient pas très contents ; ils se sont rendu compte que finalement, c’était une bonne chose, ne serait-ce que parce que les sièges sociaux des grandes boîtes de BTP ne sont ni à Toulouse ni à Montpellier. Et qu’ils ont véritablement une chance de peser un peu plus sur le marché. Pour les Catalans, c’est différent ; ils ont su préserver leur identité et leur spécificité. Ils n’ont rien perdu.”

Olivier SCHLAMA

  • (1) De Hassan Aït Haddou, maître de conférence à l’Ecole nationale d’architecture de Montpellier à Jacques Bétillon, réalisateur, auteur de documentaires, en passant par l’ex-international de rugby, Pierre-Edouard Detrez ; Jacques-Olivier Durand, essayiste ; l’ancien ministre Biterrois Jean-Claude Gayssot, président du port de Sète ; Danielle Julien, écrivaine ; Patrick Malavieille, vice-président du département du Gard ; Eddie Pons, illustrateur ; Pierre-Marie Terral, agrégé d’histoire ; Marie-Jeanne Verny, professeure émérite des universités en occitan. Ou encore l’auteur de ces lignes.