“J’ai décidé de créer en Occitanie un Conseil régional de la laïcité et des valeurs républicaines pour défendre la laïcité mais surtout pour apprendre et transmettre. Nous le ferons en étant offensifs, en éduquant en partenariat avec les rectorats (…) nous soutenons sans ambiguïté les enseignants menacés pour avoir fait leur travail pédagogique. Nous le ferons en continuant à faire vivre l’esprit Charlie et la liberté d’expression…” C’est une première en France, inaugurée par Carole Delga, suite à l’annonce que la présidente d’Occitanie avait faite le 9 décembre dernier.
“Alors que 78% des Français pensent que la laïcité est en danger (1), la création d’un Conseil régional de la laïcité et des valeurs républicaines est une initiative politique forte, que nous portons pour rassembler et recréer, dans ces temps particulièrement troublés, du lien entre les Françaises et les Français. Il faut rappeler que la laïcité n’est pas une discrimination mais bien le socle de notre République, qui garantit toutes nos libertés” souligné Carole Delga.
Faire “vivre” les valeurs républicaines
C’est toute l’ambition de ce Conseil : “Réunir les institutions, les enseignants, les associations et tous les acteurs qui portent la laïcité au quotidien, pour travailler ensemble à faire vivre les valeurs républicaines et permettre aux citoyens de demain de se les approprier. Et c’est un honneur d’être accompagnés dans cette tâche par deux figures de la laïcité, Henri Peña-Ruiz et Frédérique de la Morena, que je remercie chaleureusement”, a notamment déclaré la présidente de Région Carole Delga.
“Avec cette instance, j’ai à cœur de développer une laïcité de terrain, une laïcité du quotidien. Je veux inscrire mon action dans cette laïcité, celle portée au cœur par tous les anonymes qui agissent depuis des années devant les élèves, qui forment les agents publics et sensibilisent nos concitoyens. C’est à eux qu’il faut donner plus de moyens pour décupler leurs actions”, a-t-elle insisté.
Le Conseil régional de la laïcité et des valeurs républicaines aura notamment pour missions d’apporter une expertise sur la laïcité et d’accompagner les acteurs institutionnels et associatifs dans sa mise en œuvre. Il s’agit de valoriser la laïcité comme pilier essentiel d’une République apaisée, mais aussi “d’informer les habitants sur la laïcité et sa mise en pratique au quotidien.”
L’Occitanie, laboratoire régional
Initiative politique unique en France, à l’échelle d’une Région de 6 millions d’habitants, la création du Conseil apportera une attention particulière à la sensibilisation des plus jeunes et au soutien du personnel dans les lycées d’Occitanie, en partenariat avec les rectorats de Toulouse et Montpellier.
La laïcité, principe de séparation des Églises et de l’État, est aujourd’hui peu ou mal comprise chez les jeunes. Plus du 60% des 18-30 ans estiment que la laïcité est en danger tandis que plus de la moitié d’entre eux jugent que sa défense est souvent instrumentalisée pour dénigrer les personnes de confession musulmane (Ifop, octobre 2021).
Par ailleurs, près de la moitié des élèves du secteur public rapporte avoir déjà observé des contestations du contenu des enseignements au nom de convictions religieuses (Ifop, janvier 2021). Les controverses sur la laïcité sont courantes et se répercutent sur les conditions de travail des enseignants. Plus d’un professeur sur deux déclare ainsi s’être déjà censuré pour éviter de possibles incidents sur
les questions de religion (Ifop, février 2023), illustrant parfois le sentiment de résignation et la solitude grandissante du corps enseignant face aux atteintes à la laïcité.
Un meilleur accompagnement du personnel éducatif
Un constat confirmé par le rapport sénatorial sur la laïcité à l’école présenté le 6 mars dernier qui alerte sur l’isolement des enseignants face aux menaces et agressions en milieu scolaire. Il souligne également la responsabilité des parents d’élèves et pointe l’urgence à mieux accompagner le personnel éducatif.
Après l’installation du Conseil, prévue le 28 mai prochain, aura lieu, de juin à novembre, un état des lieux de la laïcité en Occitanie. Et le 9 décembre sera lancée une Journée annuelle de la laïcité, à l’échelle régionale. Cette initiative, sans “faire la leçon” semble pouvoir ouvrir des pistes pour “reprendre le chemin de la conviction
et réaffirmer avec force que la laïcité est la garantie d’un espace commun.”
Philippe MOURET
(1) Vingt ans après l’adoption de la loi de 2004 sur les signes religieux dans les écoles françaises, près de 8 français sur 10 estiment que la laïcité est en danger (augmentation de 20 pts comparé à 2005 – 78% aujourd’hui contre 58%), et ce quels que soient leur opinion politique et leur âge (source : étude Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro). D’après cette étude : 82% des français sont favorables à la loi interdisant le port de signes religieux à l’école (+ 17 points comparé à 2005); 64% considèrent que l’espace public est le premier lieu d’atteinte à la laïcité; 87% des Français considèrent que cette loi permet de garantir la liberté de conscience et 78% qu’elle n’est pas “antireligieuse.”
Deux figures de la laïcité
“Nous sommes très honorés et très fiers de parrainer ce Conseil. La laïcité, c’est l’esprit même de la République. Honneur donc à l’idéal laïque, trop souvent méconnu ou calomnié, alors qu’il constitue à l’évidence un idéal émancipateur, ainsi qu’un vecteur de paix simple et limpide”, ont déclaré Henri Peña-Ruiz et Frédérique de la Morena, parrain et marraine du Conseil régional de la laïcité et des valeurs républicaines.
Essayiste, professeur agrégé de philosophie, Henri Peña-Ruiz est un spécialiste reconnu des questions de laïcité, ce « joyau », qu’il pose comme fondement de l’universalisme républicain. A travers ses nombreux travaux et ouvrages, tel que La
Laïcité (1998), ou son Dictionnaire amoureux de la laïcité (2014), ainsi que son engagement public, Henri Peña-Ruiz s’est toujours employé à traiter la laïcité avec pédagogie, sans relativisme. Dans un entretien donné en 2010, il donnait ainsi
cette vision de la laïcité : « L’union indissociable de trois principes : la liberté de conscience, mais aussi l’égalité de traitement de tous les citoyens quelles que soient leurs convictions spirituelles, et l’orientation universaliste de l’État vers le bien public ». Il évoque régulièrement le cap que doit suivre la laïcité : un principe universaliste, d’émancipation qui assure la préséance du bien public sur tout intérêt particulier.
Maîtresse de conférences en droit public à l’Université de Toulouse Capitole, membre du Conseil des sages de la laïcité de l’Education nationale, Frédérique de
la Morena s’est notamment distinguée dès 1999 en réalisant une thèse de droit public sur le principe de laïcité, premier travail académique de cette envergure
dans le champ juridique. Autrice de nombreux ouvrages et articles parmi lesquels Les frontières de la laïcité (2016), Frédérique de la Morena définit la laïcité comme étant à la fois « une valeur, une qualité inhérente à la République et un principe juridique ». Elle replace ainsi le droit au cœur des débats sur la question de la laïcité en l’érigeant comme garant de la séparation entre les sphères publiques et privées.
Elle intervient notamment dans la formation des futurs enseignants pour la bonne compréhension et les bonnes applications de ce principe fondamental.
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