La liberté, souvent évoquée quand on parle de montagne, existe grâce à un équilibre entre la biodiversité, les activités pastorales, les activités forestières et les activités de pleine nature. Cet équilibre est fragile. L’élévation des températures et le développement des activités de pleine nature en montagne accentuent le risque de conflits d’usages sur ces territoires. Petit rappel d’un vieil adage : “La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres…”
Le début de l’été a été marqué par deux accidents, dont un plutôt grave, survenus entre des troupeaux et des promeneurs en montagne. Avec la canicule, beaucoup de vacanciers sont allés chercher un peu de fraîcheur en altitude. Ils ont ainsi investi un espace dont ils ne connaissent pas forcément les règles et les usages. Et cette augmentation de la fréquentation risque de se poursuivre. Alors, les professionnels ont lancé une campagne qui donne à tous les clés pour bien aborder cet espace naturel qui est aussi un lieu de travail…
Bien comprendre le partage de l’espace en montagne
Dans les Pyrénées-Orientales les espaces montagnards et de piémont sont fréquentés par des troupeaux pastoraux. Le pastoralisme correspond à un mode d’élevage extensif, c’est-à-dire peu d’animaux pour peu de surface ; où le bétail (vaches, brebis et/ou chevaux) se nourrit de ressources naturelles spontanées, c’est à dire non cultivées par l’homme ! Cette ressource est composée d’herbe, de
feuilles et de fruits d’arbustes ou d’arbres.
Ces animaux sont élevés une partie de l’année sur les fermes et pâturent, lors de la saison estivale, les territoires pastoraux en altitude, les estives (appelées alpages dans les Alpes).
Dans le département des Pyrénées-Orientales, ces vastes territoires représentent les trois-quarts des surfaces agricoles. Les estives sont majoritairement gérées par des Groupements Pastoraux (GP), rassemblant les éleveuses et éleveurs utilisateurs du foncier. En contrepartie les GP signent une convention et la plupart du temps paient un loyer aux propriétaires (majoritairement les communes et l’ONF pour les territoires domaniaux).

Sans les troupeaux, la montagne ne serait pas ce qu’elle est
Pour cette gestion commune, on parle de “pastoralisme collectif”. Le territoire d’estive est découpé en quartiers de pâturage par des barrières naturelles ou des clôtures permettant de rationaliser le pâturage des animaux. En effet les troupeaux montent progressivement en altitude au fil de la saison, en suivant la pousse de l’herbe. Les équipements présents sont des outils de travail des éleveurs(ses), berger(e)s et vacher(e)s qui permettent la gestion des troupeaux sur ces territoires.
Les contributions du pastoralisme sont nombreuses : au paysage, mais aussi à la mosaïque de milieux et des habitats, à la prévention contre les incendies et à des productions alimentaires de qualité, et donc aussi indéniablement à son attractivité touristique…. Pour continuer à profiter de ces coins de paradis, les éleveurs ont besoin qu’on pense à ceux qui les entretiennent et y travaillent chaque jour !
Une Campagne pour sensibiliser les usagers de la montagne
Pour faire entendre le message, une tonalité humoristique et impactante a été choisie : un visuel choc basé sur un renversement de situation un lien au quotidien (une situation d’espace de travail en open-space) pour générer la mémorisation du message. Et on comprend qu’avec un peu de bon sens, il n’y a pas grand risque.
Une signalétique spécifique avec des pictogrammes a été déployée. Elle s’est imposée depuis une vingtaine d’années et progressivement dans de nombreux départements français. Quelques-unes des recommandations majeures pour la conciliation des usages :
- Tenez votre chien en laisse : il risque d’apeurer troupeaux et animaux sauvages, cela pouvant provoquer des avortements et des accidents mortels. Votre chien est considéré en divagation s’il n’est pas sous votre surveillance et s’il est hors de portée de votre voix (article L211-23 du Code Rural). Contournez à distance les troupeaux et leur chien de protection : toute présence étrangère inquiète les animaux et trouble leur tranquillité. Passez à 20 mètres minimum, si besoin en sortant exceptionnellement du sentier.
- Ne tentez pas caresser ou de donner à manger aux animaux. Les vaches, taureaux, juments, étalons protègent leurs troupeaux et leur progéniture : attention au veau isolé qui se prélasse au soleil… sa mère n’est pas loin et elle veille !
- Vous pouvez être amenés à croiser des chiens de protection. Ces chiens sont dressés pour protéger leur troupeau de brebis. A votre passage, ils aboieront fortement et se dirigeront vers vous car ils ont besoin d’identifier l’objet d’un potentiel danger :
– Ne tentez pas de les effrayer.
– Si vous êtes à vélo, descendez-en.
– Laissez-leur le temps de vous identifier.
– Ne courez pas et continuez à avancer calmement, ils vous raccompagneront à la frontière de leur territoire.

- Les portillons ou toutes autres portes de clôtures sont des outils de travail.
Merci de les replacer telles qu’elles étaient avant votre passage (ouvertes ou
fermées) !
2026 sera l’année internationale du pastoralisme
L’organisation des Nations Unies a proclamé 2026 année internationale des parcours et du pastoralisme (AIPP). Proposée par la Mongolie, cette année internationale est une opportunité pour que les éleveurs pastoraux et les organisations pastorales puissent être entendus dans le monde et afin d’aller vers une reconnaissance et un plus grand soutien de ce mode d’élevage.
Plus de la moitié de la surface terrestre est constituée de “parcours”, c’est à dire de
végétations naturelles pâturées par le bétail et la faune sauvage. Les parcours et les communautés pastorales contribuent à l’économie, à l’environnement et aux sociétés humaines.
En pays catalan un riche programme devrait être proposé. Il est en cours de construction. Cette année est une réelle opportunité de visibiliser les pratiques pastorales françaises. Celle-ci va de pair avec la volonté de sauvegarde et de valorisation de la transhumance. Celle-ci a été inscrit en décembre 2023 au Patrimoine Culturel et Immatériel de l’humanité.
Philippe MOURET
Pyrénées :
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