Monnaie locale : À Toulouse, le Sol-Violette, cet argent qui fait le bonheur

Le Sol-Violette est une monnaie locale citoyenne. Une façon de dynamiser la production locale et de mettre en valeur un territoire qui s’inscrit dans une approche plus vertueuse de la circulation d’argent. Avec une dimension solidaire : le Sol-Violette vient d’être désignée lauréate des budgets participatifs de la Région Occitanie et va pouvoir continuer aider des dizaines de familles en grande précarité alimentaire.

Si l’argent ne fait pas le bonheur, une monnaie locale y contribue. Le Sol-Violette, qui fête ses dix ans, porte bien son nom composé : Sol comme soleil, solidarité, et Violette comme celui de la fleur emblématique de Toulouse, ville où cette monnaie locale a cours depuis 2010. C’est aussi l’une des premières monnaies locales en France complémentaires de l’Euro, dont quatorze sont en circulation dans la région Occitanie (et une 15e dans le Gers en 2022) parmi les quelque 82 existant couvrant un tiers du territoire hexagonal reliant 10 000 entreprises et associations et 35 000 consommateurs citoyens. Soit deux fois plus en cinq ans, nées dans le terreau fertile de l’économie sociale et solidaire (ESS) et visant la relocalisation de l’économie. Environ deux cents magasins sont partenaires actuellement du Sol-Violette. Qui est bien davantage que cela d’un moyen d’échange, comme Dis-Leur vous l’a expliqué dans un dossier complet.

Aider des familles en grande précarité

“À l’issue du premier confinement, on s’est rendu compte de l’accroissement de la précarité et de l’urgence alimentaire. Nous avons donc eu l’idée d’émettre des bons alimentaires financés sur nos propres deniers.” De quoi aider vingt familles plongée dans une grande précarité, chacune recevant chaque mois 30 Sol-Violette équivalent à 30 € pour s’alimenter dans des épiceries partenaires, “de plus en plus nombreuses”.

L’association a voulu pérenniser cette action généreuse pour aider bien davantage de familles plongées dans la précarité accentuée par la crise. Elle a candidaté aux budgets participatifs de la région Occitanie. Résultat, le vote du public en a fait un lauréat. La Région a octroyé à ce projet 15 000 €. La métropole a mis son écot : 10 000 € et le département de Haute-Garonne aussi avec 4 000 €. Le salarié de l’association, Joachim Labouret, confie : “Nous allons ainsi pouvoir aider davantage de familles et étendre cette action au-delà des trois premières épiceries solidaires de la première opération.”

“Avoir davantage de producteurs qui participent au cycle de cette monnaie…”

En dix ans, le Sol-Violette est devenue une monnaie d’échange solidaire locale partagée par quelque 2 500 Toulousains en cumulé sur dix ans (il faut d’abord adhérer à l’association), dont 500 environ d’utilisateurs réguliers. Ce n’est pas pharaonique. Mais chaque monnaie locale connait des cycles. Et le relatif essoufflement actuel laisse entrevoir un développement à venir à la faveur d’un changement d’équipe dirigeante. C’est ce que rapporte Joachim Labouret.

On échange des euros contre des Sol-Violette auprès de commerçants partenaires qui servent de bureau de change accrédité. “Le Sol-Violette est la seconde monnaie locale créée en France, précise Joachim Labouret, salarié de l’association (budget annuel : 40 000 €). La première équipe a beaucoup travaillé et c’est un travail qui est parfois épuisant. Depuis 18 mois, l’équipe s’est renouvelée et nous sommes actuellement très actifs”, de quoi garantir une bonne animation du réseau. Sans dépasser les limites du grand Toulouse. “Il y a une association régionale des monnaies locales de la région, Monnaie d’Oc. Mais ce n’est pas une préfiguration d’une monnaie régionale complémentaire. C’est un réseau de partage et d’entraide et qui représente toutes nos monnaies auprès de la Région Occitanie, de la Cress (Chambre régionale) et du mouvement associatif.”

La monnaie complémentaire toulousaine est en phase de développement. “Nous travaillons avec une vingtaine de bénévoles pour introduire le Sol-Violette davantage en Haute-Garonne et dans certaines communes de la Métropole de Toulouse comme Tournefeuille, Castanet ou Ramonville. Nous travaillons aussi à combler un gros manque : avoir davantage de producteurs qui participent au cycle de cette monnaie car aujourd’hui les épiceries partenaires par exemple peuvent avoir quelques difficultés à écouler les Sol-Violettes. C’est un gros chantier mais la dynamique est très prometteuse.”

Et même une version numérique !

Autre piste de développement, l’e-sol. Car cette monnaie est aussi numérique depuis 18 mois et ne demanderait qu’à s’accélérer ! “Il suffit de télécharger notre application, d’y créditer des Sol-Violette avec sa carte bleue des euros et les écouler en magasin via un QR code ou en sélectionnant le professionnel sur une liste. C’est aussi une solution évidemment pratique pour acheter dans des magasins qui ont un portail de vente sur internet.” Enfin, les bientôt 14 monnaies locales d’Occitanie. C’est totalement d’actualité avec la crise…” De quoi accroître son utilisation.

Favoriser micro crédit et développement durable

“Au-delà du nombre d’utilisateurs et de la masse monétaire en circulation – 65 000 Sol-Violette actuellement en circulation – cette monnaie locale complémentaire crée des dynamiques dans le territoire, y compris entre professionnels et associations.” Il ne faut pas non plus raisonner exclusivement en terme d’encours mais de flux : le même billet de 10 Sol par exemple circule entre trois et cinq fois plus vite que son équivalent en euros, ce qui participe de la création de richesse localement.

Une monnaie locale c’est aussi une philosophie qui vise à réduire les flux financiers et la spéculation financière. Ce n’est pas pour rien que la toute première monnaie locale a été créée dans le sillon de la crise de 1929. La France a conforté leur place et leur importance via une loi sur l’ESS (économie sociale et solidaire) de 2014.

Une loi qui oblige les porteurs d’une monnaie locale d’avoir sur leurs comptes en banque l’équivalent en euros de ses billets en monnaie locale. Pour le Sol-violette, leurs banques, le Crédit coopératif et le Crédit municipal toulousain se servent des intérêts produits pour financer des projets de développement durable ou accorder des micro crédits à des citoyens en situation d’exclusion bancaire, tout en les accompagnant. C’est aussi un moyen de lutter – petitement, certes – contre la spéculation financière qui représenterait 95 % des flux financiers quotidiens dans le monde. C’est donc bien davantage un moyen de paiement.

Changement de comportement de l’acheteur

Le but de la nouvelle équipe qui préside aux destinées du So-Violette est d’aller vers l’exemple national de la monnaie locale : l’Eusko, dans le Pays Basque, qui a mis sur le marché quelque 2,5 M€ et a convaincu 3 000 utilisateurs et 700 professionnels partenaires. Ce n’est pas rien. Une récente étude sur les monnaies locales montre que cette monnaie locale est utilisée pour moitié dans les commerces de proximité et pour acheter des produits locaux. Y compris qu’une monnaie complémentaire oeuvre pour l’écologie, “ce qui signifie que la monnaie locale aide aux changement de comportement…”

Olivier SCHLAMA

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