Au Congrès du PS, à Nancy, du 13 au 15 juin, trois candidats sont en lice pour devenir 1er secrétaire : Boris Vallaud, le sortant Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol. Ce dernier fait une tournée très importante en Occitanie où il compte des soutiens dont Carole Delga. Dans cette campagne, Nicolas Mayer-Rossignol se dit à même de rassembler son camp et la gauche, sans LFI, en lui donnant “un cap clair”. Il veut être à “l’écoute des territoires” et porte un projet basé sur la lutte contre les injustices. Pour gagner les municipales avant de penser à la présidentielle.
Vous êtes venu à Bram (Aude), aux Rencontres de la Gauche de Carole Delga, où s’est esquissée une gauche sociale-libérale sans LFI. Venez-vous souvent dans notre région ? Y avez-vous des attaches familiales ?
J’en ai plusieurs. Historiquement, ma famille est Pied-Noir. Mayer, c’est alsacien et comme beaucoup d’Alsaciens, certains membres de ma famille avaient été envoyés, jadis, en Algérie pour la coloniser. Quand ma grand-mère, qui avait été prof de physique au collège Jean-Lurçat, à Perpignan, est revenue en 1962, elle s’est installée à Perpignan, dans le quartier du Moulin à Vent, construit pour accueillir les rapatriés. Ma famille y a toujours un petit appartement.
Par ailleurs, mon ex-épouse est de Castres, dans le Tarn, que je connais très bien. J’ai fait la route, pris le train et l’avion des milliers de fois pour m’y rendre.
Vous faites une tournée en Occitanie. Pourquoi est-elle importante ? Quel message apportez-vous auprès des militants et des habitants ?

L’exemple de l’Occitanie est très frappant. Voilà une grande région dirigée à gauche, avec de très nombreuses politiques de gauche, avec des exemples très connus comme une vraie politique de promotion du train avec des ouvertures de lignes, comme à Luchon, etc. Avez-vous déjà entendu le Parti socialiste valoriser les actions de l’Occitanie au niveau national ? Jamais. C’est une bonne illustration : on a dans cette région des socialistes qui agissent et qui sont reconnus pour cela et, pourtant, notre famille politique ne s’en saisit pas pour les valoriser. C’est exactement le contraire de ce que je veux faire si demain je suis élu : je serai à l’écoute, en équipe, en accompagnement de tous les territoires, notamment de l’Occitanie.
Affirmez-vous que vous n’allez pas vous enfermer dans une tour d’ivoire, à Paris…?
Oui, la priorité, c’est de retrouver le terrain, de retrouver le collectif. L’exemple de l’Occitanie est très éclairant. C’est exactement une politique de gauche sur le terrain avec un collectif d’élus, avec des amis et des soutiens. Il y a Carole Delga et beaucoup d’autres aussi : Michaël Delafosse, maire de Montpellier, Christophe Proença, dans le Lot ; Christophe Ramon, président du département du Tarn, député ; Julien Baraillé, premier secrétaire du PS dans les P.-O. ; Valérie Rabault (députée du Tarn-et-Garonne jusqu’en 2024, Ndlr), évidemment. Tout ça c’est une équipe. C’est une dream team et on a besoin d’une dream team. Il n’y a pas de personnalité providentielle. En revanche, on a besoin d’un pack comme au rugby pour valoriser ce qui est fait.
Ce qu’attendent les gens, c’est quoi ? Des actions concrètes en réponse à leurs inquiétudes et leurs attentes.
Que dîtes-vous à quelqu’un qui n’est pas forcément socialiste, qui a peut-être été sympathisant, qui a voté pour le PS au cours de sa vie, en quoi votre candidature va-t-elle le ramener vers le PS ?
Il y a plusieurs réponses. Déjà, sur le contenu, notre grande différence, c’est que l’on s’appuie sur l’expérience de terrain. Par exemple, la gratuité des transports, comme à Montpellier ; le train à 1 € comme le fait Carole Delga ; le salariat des médecins… Ensuite, deuxième grande différence, c’est sur la stratégie : ma priorité n’est pas d’être candidat à la présidentielle ; c’est déjà de gagner les municipales.
C’est le passage-tremplin obligatoire… ?
Sauf que nous sommes les seuls à dire cela. Soit on réussit soit on rate les municipales. Si on les rate, on peut oublier tout le reste. On est à huit ou neuf mois de l’échéance, y a-t-il un programme du PS pour les municipales ? Même cinq lignes ? Même quelques idées-force ? Rien.
Faut-il aussi former les cadres ?
Oui, tout à fait. En fait, tout le monde est livré à soi-même. Les militants nous disent qu’ils sont seuls, isolés, pas soutenus par les instances nationales alors qu’ils devraient l’être. Autre grande différence : sur les valeurs et les alliances. On est très clair : pas d’alliance avec LFI. Je ne parle pas des électeurs mais de la direction de LFI. Ça veut dire aussi que même s’il y a une dissolution, il n’y a pas d’alliance.
Le bloc de gauche, c’est environ 30 %, comment allez-vous faire pour la présidentielle et atteindre les 50 % ? Tendre la main aux macronistes, centristes…?
Non, cela veut dire que l’on construit un grand Parti socialiste, un GPS ! Pour savoir où aller, c’est ce qu’il faut. Avant de se tourner vers d’autres, il faut être crédible soi-même et avoir un cap clair. Si on demande, dans la rue, à n’importe quel Français, savez-vous ce que propose le PS ? Il répondra qu’il ne sait pas.
Il faut donc donner un cap, du contenu et s’appuyer sur un socialisme de solution ?
Oui et aussi pragmatique. Et aussi clair sur les valeurs. Vous avez vu ce qui s’est passé le 1er-Mai avec Jérôme Guedj {le député a été pris à partie dans des manifestations par l’extrême gauche pour sa lecture trop “sioniste” du conflit au Proche-Orient, Ndlr}, les remises en cause sur la laïcité et le communautarisme, ça ce n’est pas possible.
Dernière différence notable, c’est celle des personnes : moi, je suis le seul des trois candidats à être maire. Dès que je fais un pas dans la rue, à Rouen, les gens m’interpellent, me sollicitent. Je dois rendre des comptes.
Croyez-vous encore en la social-démocratie pourtant en recul partout au profit de l’illibéralisme ?
Je crois au socialisme. Il y a des versions social-démocrates, aussi. Je suis d’abord socialiste. Et on n’a jamais eu autant besoin de socialisme parce qu’il y a de plus en plus d’inégalités. Les gens le constatent. Et si ce n’est pas nous, qui va arrêter le RN ?
Comment croyez-vous réussir face à l’extrême droite ?

On ne peut pas le combattre l’extrême droite et la droite dure avec une gauche molle dont on ne sait pas ce qu’elle pense. Avec un cap. Côté RN, côté LFI, ils ont un leader. Une équipe. On sait où ils sont. Nous, on ne sait pas. Et il faut des réponses concrètes. Et il ne faut pas avoir de tabou. Je n’ai pas de tabou sur la sécurité, sur l’économie. Aujourd’hui, si vous demandez aux Français quel est le programme du PS sur l’économie ou la sécurité, ce sera très flou…
Il faut être plus affirmé, plus clair, défendre ses valeurs et ne pas avoir peur de les défendre. Par exemple, je défends la culture. Je n’ai pas peur de dire qu’en ce moment il faut défendre la culture dont il faut augmenter le budget. Je vois bien à droite, sous prétexte de coupes budgétaires, on s’en prend à la culture. A gauche, c’est rare. Au contraire, il faut augmenter ce budget comme pour l’éducation. Si on a des problèmes dans notre société, c’est aussi parce que les jeunes n’ont pas eu l’éducation qu’ils ont méritée.
J’ai une grosse priorité : la lutte contre les injustices. C’est le fil rouge. Je veux une société de justice”
Si vous êtes élu, quelles seront vos premières propositions ? Le train à 1 €, le salaire étudiant, l’écologie, la gratuité des transports…?
En interne, il faut un audit financier du PS : la situation financière n’est pas forcément au beau fixe. Deuxièmement, il faut dire à tous les socialistes dans l’âme, et il y en a plein à l’extérieur : c’est votre maison, revenez ! Autre chose, Raphaël Glucksmann (Place publique) n’est pas socialiste mais on a envie de travailler ensemble. Comme avec Bernard Cazeneuve, Benoît Hamon…
Sur les politiques publiques, j’ai une grosse priorité : la lutte contre les injustices. C’est le fil rouge. Je veux une société de justice. C’est quoi ? Justice fiscale : si vous travaillez, vous êtes plus imposés que si vous êtes rentier, ce n’est pas normal. Plus vous êtes riche, moins, en proportion, vous payez d’impôt. C’est un problème. Qu’il y ait des gens riches, tant mieux pour eux. Ce n’est pas un problème. Mais à ce moment-là, il faut créer un système fiscal à l’inverse de celui qu’a fait Macron : plus juste.
Il y a aussi la justice sociale qui passe beaucoup par l’éducation. Dans notre équipe, il y a un député, Philippe Brun, qui porte un projet pour les familles monoparentales pour qu’elles aient un statut spécifique avec des droits. Pour la garde d’enfants, les vacances, le travail…
Il y a aussi la justice écologique. Pour des raisons liées au climat, on prend des mesures pas faciles comme la ZFE. Les personnes qui possèdent les plus vieux véhicules, qui habitent des logements les plus énergivores, etc., n’ont pas les moyens de faire autrement. Eh bien, il faut qu’elles soient les plus aidées.
Plutôt que de faire de l’écologie punitive, il faut une écologie juste avec notamment les personnes qui ont peu de revenus”
Vous avez 48 ans. Quel est le marqueur de votre génération ? Le social, la lutte contre les inégalités…?
Je pense que c’est la social-écologie. On a davantage conscience qu’il y a 20 ans que l’on est dans un monde où les ressources ne sont pas inépuisables. Où le climat change et, en même temps, l’extrême droite progresse. Il faut avoir une offre politique qui réconcilie plutôt que d’opposer ; plutôt que de faire de l’écologie punitive, il faut une écologie juste avec notamment les personnes qui ont peu de revenus. Il faut aussi réconcilier l’écologie avec l’économie. Parce que si l’on commence à dire qu’il faut fermer toutes les usines… Notre défi de notre génération, c’est ça : réconcilier l’écologie, l’économie et l’humain.
Benoît Hamon avait proposé d’interdire les perturbateurs endocriniens et leurs terribles effets cocktail. Qu’en pensez-vous ?

C’est très important. Il faut travailler sur ce sujet de manière très approfondie. Ensuite, il faut faire très attention : derrière, il y a des écosystèmes humains avec des agriculteurs, des sites de production… Il ne faut pas être dans le dogmatisme. En revanche, il ne faut pas mettre ce sujet sous le tapis. Et ce qui me frappe, c’est que le gouvernement ne veut pas le voir.
Je suis d’autant plus sensibilisé, et c’est aussi une différence avec Olivier Faure et Boris Vallaud, que j’ai fait des études scientifiques et en plus dans le domaine des sciences de la vie. Je sais ce que sont les perturbateurs endocriniens. Je suis maire de Rouen ; certains poissons dans la Seine sont devenus hermaphrodites ; ils changent de sexe au cours de leur vie, sous l’effet de ces perturbateurs et des restes de polluants dans les sédiments… C’est un vrai sujet, comme plus largement, les sujets de santé environnementale.
Quelle est votre position sur Gaza et Israël ?
Depuis le 7 octobre 2023, je suis l’un des rares maires à avoir placé sur le fronton de la mairie, le drapeau israélien, le drapeau palestinien et la colombe de la paix avec le mot “Paix” au centre. Il faut reconnaître un état palestinien. Netanyahu est en train de fabriquer des générations et des générations de gens qui sont nourris à la haine de l’autre. C’est la pire recette possible. C’est la guerre assurée. Il faut reconnaître un état palestinien, y compris avec des moyens contraignants s’il le faut pour obtenir un cessez-le-feu. Et donc une solution à deux états. C’est la seule solution. J’appelle tous les maires à faire pareil sur leur fronton de mairie. Tous les Palestiniens ne sont pas des terroristes et tous les israéliens n’apprécient pas Netanyahu. Netanyahu est d’extrême droite qui mène une politique d’extrême droite en Israël. Comme disait Martin Luther-King : “On est condamné à vivre ensemble comme des frères sinon on va mourir ensemble comme des idiots”…
Propos recueillis par Olivier SCHLAMA
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Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, 1er signataire du texte d’orientation Changer pour gagner dans le cadre du Congrès du Parti socialiste, sera en Occitanie mercredi 21 et jeudi 22 mai pour un important déplacement dans le cadre de la campagne.
Son programme : ce mercredi 21 mai, déplacement à Cahors (Lot) ; à Albi (Tarn), en présence notamment de Claire Fita et Christophe Ramond. Déplacement également à Toulouse (Haute-Garonne), avec Carole Delga, Philippe Brun, Valérie Rabault, Marc Sulzman, Claire Fita, Kamel Chibli, Arnaud Simion, Joël Aviragnet. Avec, à 20h30, AG de section Colommiers
Jeudi 22 mai : déplacement à Montpellier (Hérault). A 14h30 : rencontre militante, en présence notamment de Michael Delafosse, Carole Delga, Christian Assaf, Julie Freche, Hussein Bourgi, Julien Pradel. Déplacement également à Perpignan (Pyrénées Orientales), avec à 18h30, assemblée générale fédérale en mairie de Saint-Féliu-d’Amont.