Ils visent l’Unesco (3) : L’arche du Viaur et un bouquet de ponts métalliques d’exception

Le viaduc ferroviaire Viaur au coucher du soleil ©CCSC

Des dentelles aériennes qui se confondent harmonieusement avec le paysage. Six ponts européens métalliques à grande arche, issus d’Occitanie mais aussi d’Allemagne, Italie et Portugal, et érigés à la fin du 19e siècle, sont candidats au patrimoine mondial de l’humanité. De quoi redorer la fierté de ces ponts jusque-là tombés dans l’oubli.

Jeter des ponts entre un passé glorieux et un avenir brillant. “La route est encore longue. Il faut de la persévérance. Et nous en avons. Notre pont métallique se situe près d’Albi, déjà en partie classée à l’Unesco depuis dix ans. Avoir un autre monument classé au patrimoine mondial, comme le viaduc ferroviaire de Viaur entre Tarn et Aveyron, entre Rodez et Albi de 460 mètres de long et de 116 mètres de haut (1) achevé en 1902, et qui en cours de classement aux monuments historiques, nous attendons le décret du ministère de la culture – cela peut être bénéfique pour tout le monde,” espère Didier Somen, président de la communauté de communes Carmausin-Ségala, l’une des institutions porteuses de ce projet.

“Ces ponts, c’est tout un pan de notre histoire industrielle”

Une dentelle aérienne qui se confond avec le paysage. Des centaines de poutres en porte-à-faux en harmonie subtile au coeur de la nature… Un million de rivets, forgés sur place et posés à la main, rien que pour le viaduc du Viaur… Ce sont des ponts d’exception, emblématiques symbole de prouesses architecturales.

Viaduc du Viaur. Photo : Jérôme Morel.

“De plus, ajoute Didier Somen, le Viaur – 116 mètres de haut et 460 mètres de long – est associé à d’autres ponts dans cette aventure : en France, celui de Garabit, dans le Cantal, mais aussi en Allemagne, Italie et Portugal qui forment ensemble un projet européen. Ces ponts, c’est tout un pan de l’histoire industrielle. De notre savoir-faire de nos ingénieurs historiques. Bodin, Eiffel… Il y a unanimité politique sur tout notre territoire pour aller vers ce classement. En temps voulu, la Région Occitanie sera sollicitée, bien sûr. On pourra aussi solliciter les fonds européens pour des aménagements alentours…”

Six ponts dans une démarche commune à l’Unesco

Depuis 2018, six ponts métalliques dits à grande arche de la fin du XIXe siècle se présentent ensemble dans une démarche de classement au patrimoine mondial de l’humanité. Il s’agit du viaduc de Müngsten à Solingen en Allemagne, le Ponte San Michele à Paderno d’Adda en Italie, les ponts Dom Luis I et Maria Pia à Porto au Portugal et donc les viaducs du Viaur et de Garabit en France. Sous l’égide de leurs collectivités respectives, les offices de tourisme intercommunaux du Pays Ségali (Aveyron), du Ségala Tarnais (Tarn) et des pays de St Flour (Cantal) travaillent conjointement sur ce projet.

Ce classement qui ne s’entrevoir que d’ici une dizaine d’années cherchera à “valoriser ces ouvrages d’art et sites emblématiques du patrimoine industriel français”. Les retombées sont à chaque fois, mécaniques, permettant une “réappropriation par les habitants de leur histoire et culture”, dit la note de présentation.

Le Viaur rattrapé par un expert

“À l’origine, en 2017 l’initiative vient d’Allemagne, de Rhénanie, où se trouve le pont de Müngsten”, contextualise Amandine Gonsales, directrice de l’office de tourisme du Ségala Tarnais, basé à Carmaux (Tarn). “Ils ont d’abord fait en sorte d’ajouter à cette candidature deux ponts situés à Porto et un en Italie. Lors d’un congrès à Porto, en 2018, l’un des experts a évoqué le viaduc du Viaur, propriété de la SNCF, pour nous proposer de rejoindre cette série des cinq premiers ouvrages engagés.”

Elle ajoute : “Nos élus ont été très enthousiastes. Très vite, en février 2019, nous nous sommes tous retrouvés pour un séminaire de travail en Allemagne pour dessiner les premiers contours de la méthodologie de ce projet. Et parler de la gouvernance. Et en novembre 2019, nous avons accueilli le 3e congrès européen de ce collectif. Cela s’est passé entre les territoires où se trouvent les ponts de Garabit et le Viaur.” Tout a été abordé, y compris la promotion de l’ouvrage.

Un label Unesco espéré pour 2028

Viaduc du Viaur en harmonie dans la nature. Photo : Jérôme Morel.

Pour piloter ce projet, ses promoteurs  vont créer une fondation dont le siège sera placé à Solinge, en Allemagne. Et dans chaque pays concerné sera également créée une association pour déposer le futur dossier dans la liste indicative de son ministère de la Culture. C’est ce qui a été fait le 28 juillet dernier. Avec un nom à rallonge : l’association pour le classement au patrimoine mondial des viaducs de Garabit et du Viaur parmi les viaducs à grande arche de la fin du 19e siècle. “Trois communautés de communes sont les porteuses de ce projet à grande échelle : celle de Carmausin-Ségala, celle du Pays Ségali, en Aveyron et Saint-Flour communauté dans le Cantal dont la présidente est aussi présidente de l’association cette année. Elle laissera ensuite sa place à un autre président, car c’est une fonction tournante.”

Parmi les prochaines étapes, un 4e congrès pour définir les critères communs à tous les ponts. On ne sait pas encore si nous retiendrons un seul ou trois critères. Ce sera en Italie. Nous sommes suivis par un expert, Bertrand Lemoine. “Sachant qu’Albi a mis dix ans pour être classée au patrimoine mondial, on pense que cela mettra la même durée pour notre projet, ce qui nous amène à 2028…”

La technique “des arcs équilibrés”

Amandine Gonsales, directrice de l’office de tourisme du Ségala Tarnais, complète : “Le classement signalera la prouesse technique et dans l’ingénierie mises en oeuvre à l’époque pour le pont du Viaur, par exemple, conçu par l’ingénieur de la société des Batignolles, l’Albigeois Paul Bodin. Ce dernier avait trouvé une technique, celle dite “des arcs équilibrés” : c’était très innovant et cela consiste à ériger des arches qui se rejoignent au centre, articulées par une clef. Cela permettait au viaduc de bouger en fonction des vents ; de la chaleur ; pour amortir les vibrations des trains passant. C’était novateur. “Les arches tiennent sur des piles en pierres. Cet ingénieur en a fait un autre en Chine, dans le Yunan, implanté dans les flancs d’une montagne. D’ailleurs, nous avons jumelé le viaduc du Viaur avec celui du Faux-Namti. Les deux villes de Tanus et du village du canton où se trouve le pont chinois, sont d’ailleurs jumelées.”

Une “dynamique territoriale”

Viaduc du Viaur. Photo : Jérôme Morel.

Ce viaduc du Viaur, notamment, a permis plus largement un désenclavement majeur de ce territoire. Ce classement va créer une “dynamique territoriale”. “D’abord, signifie Amandine Gonsales, directrice de l’office de tourisme du Ségala Tarnais, on crée du réseau entre nous et l’Aveyron et le Cantal ; cela crée une dynamique de travail entre offices de tourisme ; on reçoit des jeunes -cantaliens depuis l’an dernier et vice-versa, incluant la visite du Viaur. Ensuite, on va bien sûr communiquer sur notre viaduc. On espère que le département du Tarn et la région Occitanie pourront nous aider sur ce plan-là.” Il y a aussi un volet économico-touristique.

Aires panoramiques, pique-niques, itinérances douces

La professionnelle du tourisme note : “On a un projet pour lequel nous venons de signer une convention avec les deux CAUE du Tarn et de l’Aveyron sur les aménagements du viaduc et aux alentours baptisé Les paysages du Viaur. Ce sera une étude pour de gros aménagements. Il y a trois aires panoramiques mais il faut améliorer leur accès ; pour augmenter les surfaces de parking ; d’aires de pique-nique ; de toilettes publiques ; d’accessibilité en autocars, car nous y développons les visites guidées ; pourquoi pas tracés des itinérances douces, à vélo ; à pied, etc.”

Doper l’économie des villages alentour

Ce n’est pas tout. “Il y aura aussi une dimension de préservation de l’environnement, le site étant classé Natura 2000. Et cela ira plus loin puisque nous pensons qu’il peut y avoir un développement économique des communes alentour. On pourrait penser alors au réaménagement des centres-bourgs ? On pourrait réaménager les anciennes gares, aujourd’hui fermées. Et il y a un ancien hôtel-restaurant côté Tauriac acquis par la commune et nous avons l’intention d’en faire un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine, sur l’histoire du viaduc, sur son architecture, avec des expositions…”

Olivier SCHLAMA

  • Le Viaur est un viaduc en acier de la ligne de Castelnaudary à Rodez dans le sud du Massif central. Achevé en 1902, il franchit la profonde vallée du Viaur entre Rodez et Albi. Il est situé sur les territoires des communes de Tauriac-de-Naucelle (Aveyron) et Tanus(Tarn). 👉 A LIRE ICI

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