Hautes-Pyrénées : Pourquoi ce projet d’archives départementales est exemplaire

Vue aile Nord 3 D futures archives départementales des Hautes-Pyrénées. IDOM

Registres, parchemins, papiers administratifs, cartes postales, plans, photos, journaux… Et même un dessin inestimable, celui de l’église de Pouzac, de 1558 ! Le conseil départemental se lance dans la reconstruction de ses archives, sa “maison de la mémoire”, l’investissement le plus important de la décennie. Le nouveau lieu d’une capacité de 23 km d’archives animera le centre-ville de Tarbes en 2025. Il proposera aussi de valoriser ses trésors tout en proposant expos, conférences, animations…

Garder sa mémoire intacte, fût-elle collective, n’a pas de prix. Près de 18 M € : c’est le plus gros investissement de la décennie pour le département des Hautes-Pyrénées. La collectivité a lancé un chantier pharaonique pour rebâtir ses archives départementales, créées en 1796, et “qui arrivaient dans leur configuration actuelle à saturation dans le bâtiment actuel construit en 1936 pour être dédié aux archives départementales, ce qui était très rare à l’époque. Quatre-vingt-cinq ans ans plus tard, il fallait passer à quelque chose de nouveau”, retrace François Giustiniani, conservateur général du patrimoine. “C’est la maison de la mémoire du département”, comme le formule son président, Michel Pélieu.

C’est comme cela que se pensent les nouvelles archives départementales : un lieu de conservation, un lieu de travail pour les archivistes et d’exposition et de valorisation des documents conservés…”

Photo/ CD Hautes-Pyrénées.

Il s’agissait aussi de “disposer de capacités de travail correctes” des personnels mais aussi pour la partie classement des archives ; sans oublier l’atelier de reliure et de restauration qui est aujourd’hui en demande de place supplémentaire. Enfin, ce projet est l’occasion de disposer d’espaces de valorisation pour nos archives qui nous font défaut actuellement, précise François Giustiniani. Dans le nouveau bâtiment, nous aurons une salle d’exposition pour des conférences, entre autres. Il ajoute : “C’est comme cela que se pensent les nouvelles archives départementales : un lieu de conservation, un lieu de travail pour les archivistes et d’exposition et de valorisation des documents conservés.”

Inauguration prévue courant 2025

La fin du chantier est prévu pour fin 2024 et l’inauguration dans le courant de 2025. C’est le bâtiment de l’ancienne École normale d’institutrices, à Tarbes, qui a été choisi pour accueillir ces nouvelles archives départementales des Hautes-Pyrénées. Au-delà de la conservation des documents, le Département crée un espace de vie et de culture ouvert au public en plein cœur de ville. Les archives départementales conservent plusieurs siècles de la mémoire des Hautes-Pyrénées qui exigent des conditions de conservation très stables.

Trois nouvelles ailes dédiées au stockage seront construites autour du bâtiment principal ; des espaces où température et hygrométrie seront contrôlées. Quant au bâtiment actuel qui ne peut guère être réhabilité pour d’autres fonctions que du stockage, deviendra un bâtiment de conservation annexe. “Cela permettra également de conserver un joli bâtiment style art déco”, surligne François Giustiniani.

Registres, parchemins, cartes postales, plans, photos, journaux

Registres, parchemins, papiers administratifs, cartes postales, plans, photos, journaux… Impossible de dire combien ce service abrite de documents, d’archives publiques (institutions, État, collectivités, offices de notaires) ou de documents de particuliers ou d’associations ! “Au-delà des journaux, on essaie aussi de conserver tous les bulletins communaux ; bulletins d’associations sportives, etc. ce qui donne des éléments précis sur la vie locale.” Et si vous croyez détenir dans votre grenier un parchemin, ou tout autre document, vous pouvez le faire expertiser aux archives départementales.

Déjà plus de 20 kilomètres d’archives

Dessin église de Pouzac (Hautes-Pyrénées) : Dessin de l’église de Pouzac 1558 (370 E), dépot 1

“Nous comptons notre fonds d’archives en kilomètres. À ce jour, on en a un plus de 20 500 mètres linéaires d’archives. Soit 20,5 km de rayonnages. Soit 20 500 étagères d’un mètre chacune.” Au total, à l’ouverture près de… 23 km d’archives pourront être entreposées dans cette nouvelle structure ! “Les documents les plus anciens chez nous sont datés du milieu du XIIe siècle, vers 1140. Ce sont des actes relatifs à la fondation de l’abbaye d’Escaladieu. Très souvent, dans les archives ce sont en effet des documents ecclésiastiques qui sont les plus nombreux.” Et puis il y a un petit trésor qui ne paie pas de mine : le plan sous forme de dessin de l’église de Pouzac, petite ville à côté de Bagnères-de-Bigorre.

Le dessin inestimable de l’église de Pouzac

“C’est un document de 1558, un dessin réalisé par un architecte italien, d’origine Savoyarde (quand la Savoie était italienne), en vue de la reconstruction de cette église. On distingue dans le dessin le projet d’un porche style Renaissance tout à fait dans l’air du temps : il faut imaginer que cette petite commune du fond des Pyrénées se fait construire une église par un architecte italien ! Tout en sachant que ce genre de document de cette époque, du 16e siècle est rarissime : il en existe peut-être 80 ou 90 qui sont conservés en France.”

Ces “petites choses” à même d’intéresser le grand public…

visite de chantier avec le président du conseil départemental, Michel Pélieu. Photo/ CD Hautes-Pyrénées.

Les archives départementales de ce département, ce sont aussi deux millions de pages numérisées et mises en ligne : registres paroissiaux et états civils et aussi une infinité de petits documents comme les registres de délibérations des communes ; les cahiers de doléances de la Révolution française ; les inventaires des églises au moment de la séparation d’avec l’État. “Le choix que nous avons fait sur cette numérisation, c’est la singularité de notre projet, ces “petites choses” qui peuvent intéresser le grand public. Et même créer des vocations. Il existe, par exemple, un forum des généalogistes des Hautes-Pyrénées et au-delà de l’Etat civil, certains ont pris l’habitude chercher des infos ailleurs.”

Généalogistes, chercheurs, historiens, grand public à la recherche de droits

Visite des archives des Hautes-Pyrénées.

Qui vient consulter les archives départementales ? “Depuis trente à quarante ans, nous avons d’abord un public important de généalogistes, qui font des recherches familiales, d’ascendants ; ce sont souvent aussi des gens qui s’intéressent en même temps à la vie d’un village en particulier ; d’une profession ; d’un événement historique (un aïeul qui a participé à une campagne de Napoléon….)” Il y a aussi un public “traditionnel” de chercheurs et d’historiens qui se rendent régulièrement aux archives départementales des Hautes-Pyrénées. “Et de plus en plus, complète le spécialiste, nous accueillons un public à la recherche de droits liés à la nationalité, l’identité, la propriété. Ils cherchent ponctuellement une information. Un acte. Il faut que nous les servions de manière essentielle.”

Vers une expo commune avec des archives espagnoles

Y-a-t-il des projet transnationaux en vue, notamment avec l’Espagne, toute proche ? “On a des contacts avec l’Espagne, en effet ; nous avions entrepris un travail avec nos collègues en décembre 2019, veille de la crise sanitaire qui a tout stoppé. Il s’agit de connecter nos fonds photographiques, qui peuvent être des tirages existants soit des archives de photographes ayant immortalisé le territoire. L’idée c’est de voir ce que l’on pouvait avoir en commun et, pourquoi pas, d’envisager une exposition commune ?” Côté exclusivement français, les archives départementales des Hautes-Pyrénées font partie d’un réseau interdépartementaux.

Présenter, proposer des offres, expo, conférence, travail sur un type de document, etc., à un public qui n’a pas forcément conscience que cela peut les intéresser”

Document archivé. Photo/ CD Hautes-Pyrénées.

Est-ce que ce bel outil va créer un nouveau besoin ? Va-t-il attirer de nouveaux visiteurs ? “Tout à fait. C’est le pari qui est fait. Ma conviction professionnelle c’est que les services culturels, patrimoniaux, sont là pour proposer et offrir à voir au public des choses dont il n’a pas forcément conscience de l’existant. Ma mission est, certes, de répondre à une attente. Mais c’est au-delà : présenter, proposer des offres, une expo une conférence, un travail sur un type de document, etc., à un public qui n’a pas forcément conscience que cela peut les intéresser. C’est fondamental.”

Dans l’Hexagone, on assiste à un mouvement général. “Ce qui joue, c’est la décentralisation qui est pleinement à l’oeuvre, une compétence aujourd’hui des départements, précise François Giustiniani, conservateur général du patrimoine.Les conseils départementaux ont peu à peu pris la mesure de cette compétence et se lancent dans des projets comme le nôtre.”

Olivier SCHLAMA

Un pôle culture au coeur de Tarbes :

Le corps central de l’Ecole normale sera entièrement rénové et restauré. Il accueillera une salle de lecture mais également un espace pédagogique dédié à l’accueil des scolaires. Le bâtiment disposera d’une salle d’exposition et d’une salle de conférence ouvertes également aux partenaires locaux. Au-delà de la conservation des archives, l’ambition affichée par le Département est de faire de ce site une véritable maison de l’histoire et de la culture ouverte au public. Un nouveau lieu de vie en plein cœur de Tarbes, destiné à enrichir l’offre culturelle des Hautes-Pyrénées.

Un projet, trois objectifs  :

➔ Doter les Hautes-Pyrénées d’un site de conservation et de valorisation des Archives départementales adapté aux besoins actuels
➔ Participer à l’embellissement de la ville et la préservation de son patrimoine ➔ Créer un lieu de vie culturel ouvert au public en plein centre-ville

En chiffres :

➔ 17,75 M € de travaux
➔ 4 M € de subventions de l’Etat (Direction régionale des Affaires culturelles)
➔ 7 560 m2 de surface de plancher dont 1 720 m2 de surfaces existantes réhabilitées ➔ 7 160 heures d’insertion à caractère social.
➔ 24 agents professionnels, archivistes, magasiniers, relieur-restaurateur

Et même de la géothermie !

La production d’énergie du bâtiment sera assurée par la géothermie. L’installation fonctionnera sur 20 forages de 150 mètres de profondeur positionnés sous le bâtiment en extension et reliés à deux thermofrigopompes capables de produire du chaud et du froid en simultané. L’installation permettra la bonne conservation des archives traditionnelles (tant papier, parchemin que photographiques).
L’avantage de l’énergie géothermique est son rendement très performant. Ici il sera de 5, c’est-à-dire que pour 1kWh d’électricité consommée, 5kWh d’énergie calorifique seront restitués.

Les travaux de forages interviendront à partir du 20 février 2023 pour une durée de 40 jours. Ils pourront générer des vibrations en basse fréquence lors de la traversée de couches de sol sans conséquence pour les bâtiments environnants.

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