L’idée de l’architecte “écologiste” Damien Vieillevigne : à la faveur d’une restauration fluviale, réinvestir quelque dix hectares de rives de ce fleuve côtier emblématique pour les réinventer en écosystèmes vertueux avec des centaines d’arbres et des milliers de plantes. Une idée à l’encan, en quelque sorte !
Lez béton… C’est le bad surnom consacré pour ce très populaire fleuve côtier, au droit des rives les plus artificielles comme devant l’hôtel de Région. Le Lez prend sa source entre les Matelles et Prades-le-Lez et se déverse dans la Méditerranée, à Palavas-les-Flots. Sa traversée en pleine et dense zone urbaine a souvent été “conçue et vécue comme une contrainte, notamment à cause des graves inondations”, rappelle l’architecte urbaniste et “écologique” Damien Vieillevigne.
“Réaménager les rives du Lez”
Ce Montpelliérain qui organise des balades urbaines et ne renâcle pas à aller “faire” du terrain au point de chausser masque et enfiler combinaison pour aller voir de très près ce fleuve atypique. Il propose ni plus ni moins qu’il devienne un jour un “climatiseur naturel. Qui corresponde aux besoins des habitants. On pourrait réaménager ses rives” et voir se diminuer, parfois l’été, “la procession de voitures, comme autant de moutons, vers les plages surchauffées et surpeuplées de Carnon ou Palavas…” Damien Vieillevigne pense en outre que “les Montpelliérains s’approprieraient facilement ce Lez repensé.” Et rester toujours l’un des symboles de Montpellier.
“En fait, une chance incroyable pour Montpellier !”
Jusqu’alors personne ne s’intéresse au potentiel de ce petit fleuve, qui est le seul à abriter un petit poisson, le Chabot du Lez, mesurant quasiment 30 km qui serpente dans la Métropole de Montpellier. “C’est en fait une chance incroyable pour la ville ! Ce fleuve, dont l’aménagement initial est né d’une contrainte, est composé de trois grandes parties, rappelle Damien Vieillevigne : “Le Lez vert”, de sa source à la Maison du Lez, place Caillac ; après c’est le tronçon “Lez Béton”, de l’hôtel de Région jusqu’au Pont Zucharelli. Et, ensuite, de la mairie jusqu’à Lattes, que l’on pourrait appeler le “Lez bleu”. On a une infrastructure écologique incroyable dans cette métropole quand on voit ce fleuve serpenter de Prades à Montferrier, etc. Avec, certes, certains seuils réalisés tous les 500 mètres qui datent de l’époque médiévale.”
“Lez Béton, le tronçon le plus touché par fortes pluies”
“En revanche, du côté d’Antigone, c’est la rupture : tout est bétonné. Et il y a là une potentialité écologique. Ça devient un cours d’eau contemplatif prisonnier du béton… À cela si l’on rajouter l’inondabilité ; jadis, on pensait que l’eau, dans la ville, devait être évacuée le plus vite possible ; c’était la logique du tout-tuyau. On s’était dit, à l’époque, qu’en canalisant ce Lez ça permettrait de juguler les inondations. Force est de constater que non : lors d’épisodes cévenols, le tronçon le plus touché, c’est celui de Lez Béton…”
Nature reconnectée, baisse du risque d’inondation
Reconnection avec la nature, réduction du risque d’inondation, continuité écologique et répondre à l’enjeu climatique : pour cela, il faudrait planter de la végétation, des centaines d’arbres le long du cours d’eau, “cela fabrique un climatiseur à grande échelle, rendez-vous compte sur dix hectares !”, imagine Damien Vieillevigne pour lequel cette idée s’est imposée comme “une évidence”. En clair, il faudrait “casser les aménagements déjà réalisés par le passé” ; “débétonner, des-artificialiser cette partie de Lez Béton”…
Planter des centaines d’arbres, des milliers de plantes
Planter des centaines d’arbres sur plusieurs niveaux, des milliers plantes… “À Montpellier, dit-il, on a beaucoup d’espaces verts mais ils sont déconnectés des Montpelliérains : il faut faire l’effort d’y accéder. On a le sentiment que la nature est imbriquée dans la ville. Ne pourrait-on pas imaginer autre chose que ce Lez bétonné que l’on considère comme acquis ? À partir de là, on peut bâtir un projet de d’écoparc métropolitain sur une surface équivalente de dix hectares soit deux fois et demi le Jardin des plantes.” Dans la foulée, il faudra “reconstituer un écosystème, un biotope, pour faune et flore”, y compris devant l’Hôtel de Région qui fut un port, le Port Juvénal… Sans oublier d’accompagner cette renaturation de tracés pour mobilités douces.
Ce que je veux, c’est de faire vivre cette idée parmi les Montpelliérains qu’ils s’emparent du sujet”
Pour l’heure, c’est un projet que l’architecte propose aux décideurs. “Ce que je veux, c’est de faire vivre cette idée parmi les Montpelliérains qu’ils s’emparent du sujet. On peut changer cet endroit-là.” Après, la Métropole pourrait ensuite décider de le financer, sans doute à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros. “C’est un projet qui peut servir d’exemple. Toutes les villes avec un cours d’eau bétonné…”
La Bièvre, à Paris, Manzanarès à Madrid
C’est le cas avec la Bièvre, à Paris. Celui de Victor Hugo, enfouie en 1912 pour des raisons de salubrité, va refaire surface çà et là grâce aux efforts d’amoureux de cette rivière légendaire, signale la revue National Geographic. Enfouie depuis un siècle, la Bièvre, seul affluent de la Seine, pourrait enfin respirer à l’air libre, un projet qui “connaît une dynamique nouvelle, à cause de la crise climatique, les canicules à répétition et l’effondrement de la biodiversité”.
Même volonté de restauration écologique à Madrid. La capitale espagnole a créé Madrid Rio, vaste lieu de loisirs parallèle à la rivière Manzanarès qui, grâce à sa restauration, a retrouvé sa “surprenante faune”. Elle a retrouvé “sa biodiversité à pas de géant” (…) C’est aussi “la recette parfaite pour passer un bon moment en famille avec ses 17 aires de jeux, fabriquées toutes avec des matériaux naturels et durables (cordes de chanvre, bois…) Un site idéal pour se rafraichir l’été.” C’est aussi un lieu où les adultes peuvent profiter d’une grande offre culturelle avec expos, festivals de musique, théâtre…
Olivier SCHLAMA