Tourisme : Face au GPS, les cartes routières regagnent du terrain

"Les gens aiment de plus en plus avoir une vue d'ensemble de leur parcours ; des chemins de traverse qu'ils peuvent emprunter. De prendre le chemin que l'on veut." Nicolas Azéma, libraire à Sète. Photo : Olivier SCHLAMA

Directeur de la cartographie chez Michelin, le Sétois Philippe Sablayrolles explique les raisons de ce regain d’intérêt chez les Français : slow tourisme, recherche d’autonomie, de libre-arbitre… Le Gard et l’Hérault figurent dans le top 10.

“J’en ai marre de ce GPS : on se dispute sans arrêt avec mon mari !” Sylvie, la quarantaine, vient d’acheter une carte routière d’Occitanie en espérant retrouver de la sérénité. “On a fait étape à Sète, mais demain on veut aller dans le Gard par les petites routes…” À la librairie l’Echappée Belle, à deux virages de là, on confirme ce regain. “Nous vendons régulièrement des cartes routières de la région aux touristes et celles des régions adjacentes aux locaux, explique Nicolas Azéma, libraire, devant un présentoir bien fourni, comprenant des “Michelin”, l’inventeur de la carte dépliable qui a accompagné l’essor de l’automobile.

Les gens aiment de plus en plus avoir une vue d’ensemble de leur parcours (…) De prendre le chemin que l’on veut”

Nicolas Azéma, libraire
Photo : Olivier SCHLAMA

Le libraire poursuit : “Les gens aiment de plus en plus avoir une vue d’ensemble de leur parcours ; des chemins de traverse qu’ils peuvent emprunter. De prendre le chemin que l’on veut.” Et le GPS ? “Ben, avance-t-il, peut être qu’ils utilisent les deux ? Le GPS servant pour aller précisément à une adresse donnée et le reste comme on veut ?” Il précise : “Je vends bien les cartes pour des gens qui partent en vacances ou en week-end ; le fameux atlas des cartes de France de Michelin c’est plutôt les camping-caristes qui l’utilisent : il est très complet, mis à jour chaque année et mais il est lourd et souple et s’abîme si on le laisse longtemps dans une voiture…”

Cartes routières : ventes en hausse 4,5 % à fin juillet

À fin juillet 2021, le marché de la carte routière était en hausse de 4,5 % en volume et le marché des atlas routiers de + 19,3 %. Sur la même période, les ventes de cartes routières Michelin aux particuliers progressent de + 5,8 % et celles des atlas Michelin de +19,4%. Enfin, si on regarde les top des ventes 2021 (à fin juillet), il s’agit de la France ou encore de la Bretagne, la Provence-Côte d’Azur, le Finistère-Morbihan, Rhône-Alpes et le Gard-Hérault. Des chiffres inespérés alors que “l’érosion des ventes est de l’ordre de 5 % à 7 % par an depuis quelques années”, précise Philippe Sablayrolles, directeur de la cartographie chez Michelin. Qui situe la fin de l’âge d’or de la carte routière autour de l’an 2 000.

Vacances franco-françaises, moins de bronzette

Philippe Sablayrolles. Photo : Nathalie Berger.

Des raisons conjoncturelles vont peut-être un jour nous réhabituer définitivement à la lecture de ces cartes qui, dépliées, nous ouvrent, y compris psychologiquement, la voie des vacances… Parmi lesquelles : des vacances (re)devenues très franco-françaises cette année encore, crise sanitaire oblige, dopant les ventes des cartes routières de nos régions et nos coins de France mal connus, cartes Bibendum en tête. Avec moins de bronzette – a-t-on besoin d’une carte pour aller faire quelques brasses ?- et plus de découverte.

Cela rejoint des préoccupation écolos : certains préfèrent louer un van à plusieurs que de prendre l’avion pour quelques jours à Marrakech…”

Philippe Sablayrolles, directeur de la cartographie chez Michelin
Philippe Sablayrolles. Ph. Nathalie Berger.

“La destination France a beaucoup d’influence sur les ventes.” La mode du slow tourisme, celle consistant à découvrir un lieu en prenant son temps, joue aussi un rôle non négligeable dans cet engouement. Il n’y a d’ailleurs pas seulement les cartes routières qui regagnent du terrain. Le guide Michelin des Week-end en Van aussi a bien marché. Comme celui du camping-car. C’est une façon aussi de prendre des vacances en famille, entre copains, entre nous… “Cela rejoint des préoccupation écolos : certains préfèrent louer un van à plusieurs que de prendre l’avion pour quelques jours à Marrakech…”, souligne Philippe Sablayrolles.

La carte s’adresse au cerveau alors que le GPS parle à l’oreille (…) Restons intelligents !”

À quelque 30 km de Sète, un magasin de running, à Montpellier, propose côte-à-côte GPS, montres connectées et… cartes. Cette cohabitation a-t-elle de l’avenir ? “On ne reviendra pas en arrière, philosophe Philippe Sablayrolles. Je pense qu’il y aura ces différents outils à notre disposition. Et que l’on utilisera chaque outil pour une phase différente de notre vie. La vraie question, c’est, au-delà, de la carte routière, de se demander que se passera-t-il quand nous aurons perdu la capacité à nous orienter ?” Tout en formulant : “La carte s’adresse au cerveau alors que le GPS parle à l’oreille. Il y a des études qui démontrent qu’utiliser une carte renforce notre capacité à nous orienter, davantage que le GPS, en tout cas. Avec la carte, on est obligés de s’intéresser à tout ce qui nous entoure ; aux panneaux, notamment. C’est une question de confrontation cérébrale…Restons intelligent !”

Exercer davantage de libre-arbitre

Philippe Sablayrolles. Photo : Nathalie Berger.

Alors, certes, hormis quelques exceptions, les ventes des cartes dépliables dites “accordéon” – qui, elles-mêmes étaient souvent au coeur de disputes familiales mémorables !- n’ont pas encore retrouvé leurs niveaux de vente de 2019. Mais ce regain d’intérêt pour la carte routière est peut-être aussi le signe d’un retour à une volonté de davantage de libre-arbitre.

“C’est déjà le début du voyage…”

Cette résurgence des cartes routières serait également le signe que les Français ont retrouvé le goût de s’évader, de découvrir voire de l’aventure au bout de leur département. S’aventurer hors du tracé d’un écran de GPS fait souffler un vent de liberté dans nos vies confinées. “Pas question d’être passéiste ; il ne s’agit pas de se battre contre les GPS. Ils sont là et répondent à un besoin, abonde Philippe Sablayrolles, mais avec la carte, tu choisis le chemin que tu veux”, insiste Philippe Sablayrolles. “C’est fondamental. Et puis une carte, c’est beau. C’est déjà le début du voyage…” Comme celui, charmant, de prendre le risque si agréable de se perdre…

Olivier SCHLAMA

  • La carte France Michelin reste la vente Numéro 1 sur les ventes de cartes.
  • Un produit cartographique (carte, plan, atlas) Michelin vendu toutes les 30 secondes en France en 2021.
  • Michelin vend entre 2 et 5 millions de cartes par an.
  • Les ventes de guides Michelin pour les camping-car France 2021 : plus de 16 000 exemplaires ; L’Europe en camping-car ? Au-delà de 13 000 ; les week-ends en van France : près de 25 000 ; celui sur le slow Tourisme dépasse les  7 000 unités et les week-ends à vélo frôle les 10 000 exemplaires vendus.
  • Par rapport à 2019, les ventes des Guides Verts destination nature ont bondi de 37 % en moyenne si on regarde les deux dernières semaines de vente (Périgord, Auvergne, Bourgogne, Lot, Franche Comte, Ardèche, Limousin Berry, Savoie).
  • Plus de moitié des Français (53 %) indiquent qu’ils visiteront prioritairement des grands espaces naturels pour leurs prochaines excursions, 50 % parcs et jardins, 37% des randonnées pédestres, 32 % des lieux de de baignade (+ 5 % par rapport à 2020), 39 % des français indiquent qu’ils partiront à la campagne ou montagne cet été , 20 % des circuits vélo ou VTT.

👉 Lire une vidéo de 1969 quand les cartes routières étaient indispensables ICI

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