Cohabitation : “Huit Français sur dix favorables au dimanche sans chasse…”

Selon un sondage Ifop pour sept associations de protection de la nature, c’est sans appel : 78 % des Français sondés se prononcent pour un jour d’interdiction. Président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg pointe que, “contrairement à ce que disent certains chasseurs, ce ne sont pas des bobos parisiens qui s’expriment dans leur majorité…” Le gouvernement doit faire des annonces ce 9 janvier à ce sujet qui avait marqué la dernière présidentielle.

“C’est avoir un peu de paix dans la jungle !” Président de la LPO (Ligue de protection des oiseaux), Allain Bougrain-Dubourg a le sens de la formule percutante. Alors que selon l’Office français de la biodiversité (OFB) a recensé 90 accidents de chasse au total (blessures corporelles liées à l’utilisation d’une arme de chasse), dont huit mortels. Parmi ces derniers, deux ont concerné des victimes non-chasseurs (1).

“La chasse a fait autant de victimes chez les pratiquants que les non-pratiquants…”

Dans le viseur d’un lobbying intensif des chasseurs et sous la pression de la société, le gouvernement tarde à faire ses annonces concernant la sécurisation de la chasse. Des annonces pourraient êtres faites ce 9 janvier. C’est dans ce contexte qu’un sondage Ifop réalisé par sept associations de protection de la nature révèle une nouvelle fois que 78 % des Français sont favorables à ce que le dimanche devienne un jour sans chasse. Pas moins. “Face au nombre d’accidents de chasse, il est temps que le gouvernement prenne des mesures ambitieuses à la hauteur des attentes des Français”, tance la LPO. Qui ajoute : “Depuis le mois de septembre, la chasse a fait autant de victimes chez les pratiquants que les non-pratiquants, et ce malgré une baisse significative du nombre de chasseurs et la parution récente du rapport sénatorial pour mieux sécuriser ce sport…”

Courrier à Emmanuel Macron, laissé lettre morte

Devant la multiplication du nombre d’accidents, le gouvernement avait annoncé des mesures fortes et concrètes pour sécuriser la chasse et rassurer les autres usagers de la nature. À l’époque, une quinzaine d’associations, représentant plus d’un million d’adhérents, avaient adressé un courrier au président de la république le 21 novembre pour lui demander deux jours sans chasse dont le dimanche. Le courrier est resté lettre morte.

Ce sondage fait suite d’autres sondages depuis plus de dix ans qui confirment chaque fois davantage la volonté des Français d’en finir avec la chasse le dimanche…”

Allain Bougrain-Dubourg
Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO. Photo : Michel Pourny.

Devant l’indifférence de l’exécutif qui n’a pas donné suite, sept associations ont décidé de commander, en décembre 2022, un sondage Ifop. Grosso modo, ce sondage montre que sept Français sur dix ne se sentent pas en sécurité en période de chasse – contre 54 % seulement en 2009, et 61 % en 2016. Le sentiment d’insécurité par rapport à la chasse progresse nettement.

Allain Bougrain-Dubourg complète par une analyse : “Ce qui est intéressant dans ce sondage, c’est qu’il fait suite d’autres sondages depuis plus de dix ans qui confirment chaque fois davantage la volonté des Français d’en finir avec la chasse le dimanche. Et contrairement à ce que disent certains chasseurs, ce ne sont pas des bobos parisiens qui s’expriment dans leur majorité.”

Beaucoup de néo-ruraux s’installent n’ont pas choisi la campagne pour tuer ou tirer mais pour faire du VTT, pour sortir en famille pour profiter d’une forme de qualité de vie…”

Comment expliquer ce fait ? “Je l’explique, précise Allain Bougrain-Dubourg,  par le fait que les citadins sont de plus en plus nombreux à aller dans la nature. Et il y a beaucoup de néo-ruraux qui s’installent et qui n’ont pas choisi la campagne pour tuer ou tirer mais pour faire du VTT, pour sortir en famille pour profiter d’une forme de qualité de vie. Or, on constate que ces gens-là sont de plus en plus nombreux et s’opposent aux chasseurs qui occupent l’espace. Il faut donc, pour l’intérêt-même des chasseurs, faire un effort pour qu’il y ait une journée sans chasse. Pour qu’il y ait un peu de paix dans la jungle.”

N’est-ce pas la porte ouverte à ce qu’un jour sans chasse n’en appelle un autre puis un autre, puis… ? “Cela fait plusieurs décennies que l’on espère avoir un dimanche sans chasse. Avant d’en avoir un deuxième, un troisième… Ou l’abolition, de l’eau coulera sous les ponts…! Cela dit, ce que l’on demande n’a rien d’exceptionnel : il faut rappeler que l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Suisse… ont établi un ou deux jours sans chasse sans que cela ne crée un quelconque problème dans la société.”

Les trois-quarts des Français inquiets

Depuis cinq ans déjà les chiffres s’opposant à la chasse dominicale sont stables : les trois-quarts des Français sont inquiets, et les femmes étant davantage sensibilisées (presque dix points de plus). Qui plus est, bien loin des clichés, ce sont les habitants des campagnes les plus inquiets (74 % contre 67 % pour l’agglomération parisienne par exemple). La solution du dimanche non chassé est plébiscitée : comme en 2021, et ce, de manière constante depuis 2016, près de 80 % des Français donc demandent à pouvoir se promener en toute sécurité c’est-à-dire sans chasse le dimanche.

Une très large majorité de nos concitoyens demande donc logiquement à bénéficier des vacances scolaires, du mercredi et du dimanche sans chasse. “Dans un pays qui bat presque tous les records en matière de pression cynégétique, tant sur le nombre de jours ouvrés à la chasse que du nombre d’espèces chassables, nos associations se font le porte-parole de la société : elles demandent une nouvelle fois au Président de la République d’accorder un jour de répit, le dimanche, pour les autres usagers de la nature comme pour la faune”, fustige la LPO.

La chasse avait marqué la dernière présidentielle

Le sujet de la chasse et de la cohabitation avec l’ensemble des utilisateurs des zones rurales avait marqué la dernière campagne pour l’élection présidentielle. À tel point que le candidat écolo, Yannick Jadot avait formulé l’interdiction de la chasse durant les week-ends et les vacances scolaires. Notamment après la mort d’une randonneuse de 25 ans, mortellement touchée par une balle perdue dans une battue aux sangliers sur la commune de Cassaniouze, dans le Cantal, le 19 février 2022. L’auteur ? Une jeune fille de seulement 17 ans. Portant à plus de 400 le nombre de tués dans des accidents de chasse en vingt ans. Accessoirement, on peut se souvenir du traitement plus que favorable aux chasseurs depuis l’élection de Macron en 2017. Où les subventions ont nettement augmenté et la baisse du prix permis de chasse actée…

Olivier SCHLAMA

  • (1) La tendance d’une baisse des accidents observée depuis 20 ans se confirme, malgré une légère hausse par rapport à l’an dernier. Ils sont ainsi depuis deux ans inférieurs à 100. Ces résultats reflètent les efforts menés sur la sécurité et la formation par l’ensemble des acteurs cynégétiques.