Cécile Bois : “Les enfants handicapés de ce centre du Gard sont laissés-pour-compte”

Cécile Bois et une partie des acteurs de "Candice Renoir". DR.

Créé il y a sept ans, le Centre d’éducation conductive du Gard est menacé de fermeture faute de financements pérennes. Sa marraine, l’actrice Cécile Bois, s’alarme pour l’avenir de cette structure en manque de statut agréé. Le centre fait l’objet d’une très forte mobilisation. Interpellées, la secrétaire d’Etat, Sophie Cluzel, et l’ARS sont appelés à l’aide.

Une pétition noircie de 11 000 signatures destinée à Macron ; un député engagé pour cette cause, Philippe Berta, lui-même généticien ; une question au gouvernement parue au JO mardi ; des SOS à l’Elysée et à la secrétaire d’Etat chargée du handicap, Sophie Cluzel… Rien n’y fait : la directrice du Centre d’éducation conductive (CEC), basé à Clarensac (Gard) est à bout à force de tout faire et de rechercher en permanence des financement, faute d’un vrai statut.

“Les progrès sont sensibles pour tous les enfants qui sont accueillis dans ce centre”

Cécile Bois, la célèbre policière de série télé, au sourire d’habitude facile, s’assombrit : “Je ne peux que soutenir cette association que je marraine. Elle n’a pas de statut et son besoin est flagrant : des enfants handicapés y viennent de la France entière parce qu’ils ne trouvent pas de structures. Et elle est bénéfique : j’ai pu constater les progrès de Numa, le fils de la présidente qui ne pouvait pas ne serait-ce se lever il y a quelques années. Aujourd’hui, certes, il est en fauteuil mais il peut se lever. Il ne pouvait pas communiquer et aujourd’hui, il le peut. Les progrès sont sensibles pour tous les enfants qui sont accueillis dans ce centre.”

Ces enfants sont condamnés à souffrir ; leurs handicaps sont irréversibles… Les traiter comme cela, ce n’est pas humain…”

Cécile Bois, marraine de l’association

Pour ces jeunes handicapés, c’est la double peine. Cécile Bois s’offusque d’une voix blanche : “Ces enfants sont condamnés à souffrir ; leurs handicaps sont irréversibles… Les traiter comme cela, ce n’est pas humain… L’association ne demande pas à l’Etat l’impossible.”

L’actrice ajoute : “La directrice se démène pour tout et depuis sept ans. Sept ans… Pour trouver les intervenants, pour trouver des mécènes… Pour tenir cette structure à bout de bras. La moindre des choses c’est de lui offrir un statut et des aides financières. Ces enfants, ce sont des laissés-pour-compte. Quant à la fondatrice, Fanny Grau, elle ne m’a jamais rien demandé. Elle ne m’a jamais rien réclamé en sept ans. Elle ne veut pas de la charité…”

“Structure innovante qui se caractérise par des parcours inclusifs, un accueil spécialisé et de nombreux parcours professionnels…”

Ce centre, tenu à bout de bras, répond, certes, à un réel besoin de prise en charge d’enfants avec des handicaps rares et d’accompagnement des parents ce qui en fait “une structure innovante qui se caractérise par des parcours inclusifs, un accueil spécialisé et de nombreux parcours professionnels…”, résume Philippe Berta.

À l’heure où il faut parfois plus de cinq ans pour trouver une solution à une enfant handicapé pour une prise en charge ; à l’heure où Zemmour dit affreusement que les enfants handicapés n’ont rien à faire à l’école ; que l’inclusion n’est pas la solution, le CEC du Gard prouve, lui, le contraire, s’il le fallait. “Nous proposons une solution hybride qui donne des résultats. Ce n’est pas l’un ou l’autre c’est l’un et l’autre !”, souligne Fanny Grau, médecin et présidente du CEC.

Parents et présidente totalement épuisés

Mais il est plongé dans un imbroglio administratif incompréhensible. En deux mots : pour l’Agence régionale de santé (ARS), il dépend de l’Education nationale. Et vice versa… Et depuis sept ans, le CEC vit grâce à la mobilisation des parents et de la présidente Fanny Grau, totalement épuisée. Et appelle à l’aide pour un financement pérenne. Et espère que ce centre ne mourra pas d’ici-là dans l’indifférence.

“Fonctionnement aléatoire, peu pérenne et épuisant”

Fanny Grau confie : “Je suis directrice bénévole, nous avons une vingtaine de bénévoles et quatre salariés, deux éducateurs spécialisés et deux AES. Pour fonctionner, nous avons besoin de 130 000 € à 150 000 € par an, grâce à l’apport de ces bénévoles. Sans eux, nous aurions besoin de plus de 200 000 €. Nous vivons avec 90 % d’autofinancement, explique-t-elle. Parmi ces 90 %, 60 % proviennent d’événements que nous organisons (tombola…), 30 % sont apportés par les parents et 10 % d’aides de la CAF, de la ville de Clarensac et du département du Gard. Notre local, nous l’utilisons gratuitement. C’est un fonctionnement aléatoire, peu pérenne et surtout épuisant.”

Du médico-social à l’Education nationale : l’impasse

Pour Fanny Grau, médecin salarié à la Caisse des Mines, à Nîmes, et son mari, tout commence il y a sept ans quand ils recherchent pour leur fils, Numa, âgé aujourd’hui de 13 ans, une structure adapté à son handicap très lourd et très rare avec des déficiences multiples puisque c’était “le premier en France dans son cas. Il n’entrait pas dans le cadre de la loi de 2005 ; aller à l’école ordinaire, c’était compliqué…”

Du coup, elle crée ce centre en 2014 qui ouvre ses portes en 2015. Il accueille des enfants handicapés rares mais aussi propose de la guidance pour les parents, ce qui est assez rare. “Au début, l’ARS nous dit que notre concept est pertinent. Mais que cela relève du médico-social et nous demande donc de nous tourner vers l’Education nationale. L’Education nationale, elle, nous dit que cela relève de la santé et donc de l’ARS…” C’est l’impasse.

Plus d’une centaine d’enfants reçus en six ans

Le bilan de cette structure est éclairant : “En six ans d’activité, nous avons reçu plus de cent enfants. Nous faisons de la rééducation globale. 60 % des enfants que nous accueillons ne parlent pas mais on a des ordinateurs et des tablettes à commandes oculaires ; notre vision est inclusive. Notre structure propose un accompagnement hybride et très souple. Et nous avons de vrais partenaires comme l’Alliance pour maladies rares.”

Que l’ARS Occitanie évalue le centre du Gard ! Il faut que les choses se décantent vite !”

Philippe Berta, député

Le député de la majorité qui suit l’affaire depuis deux ans, Philippe Berta dit à son tour : “Il y a plusieurs années, un représentant de l’ARS était venu et semblait satisfait de ce qu’il venait de constater dans le centre. Les enfants viennent de partout ; il y a même une famille d’Irlandais qui a fait appel à ses services ! J’ai encore donné un dossier complet à Sophie Cluzel il y a trois semaines. C’est une structure qui semble bien fonctionner. Qui, au niveau administratif, se repose beaucoup sur des bénévoles.”

Philippe Berta, député Larem du Gard. DR.

Et d’ajouter : À moment donné, l’ARS avait émis l’hypothèse d’un rapprochement du centre avec l’institut Saint-Pierre de Palavas. Cela ne s’est pas fait. Il semble qu’il y ait une question d’évaluation technique. Il existe le même centre en Bretagne qui a fait l’objet d’une évaluation positive. Qu’à cela ne tienne : que l’ARS Occitanie évalue le centre du Gard ! Il faut que les choses se décantent vite : il y a bientôt une vacance du pouvoir avec l’élection présidentielle. Il faut sortir de cette situation complexe.”

“L’éducation conductive donne de bons résultats”

Fanny Grau ne dit pas autre chose : “C’est vrai mais ni notre méthode, pourtant éprouvée, ni aucune autre méthode n’ont été validées par la Haute autorité de santé (HAS). Mais les prises en charge globales comme les nôtres – où l’on fait appel à la plasticité cérébrale et à la prise d’autonomie, entre autres- ont fait l’objet en octobre 2021 d’une recommandation de la HAS, justement… Moi-même il y a sept ans, je recherchais une méthode et j’ai opté, après un stage en Bourgogne, pour l’éducation conductive qui donne de bons résultats.” 

En Bretagne, un centre identique a été labellisé par l’ARS à titre expérimental

Confirmation du côté de la Maison Escargot, à Saint-Brieuc, en Bretagne : “Nous sommes un centre à 100 % identique à celui du Gard, explique sa directrice, Carole Bourdais. Nous utilisons la même méthode dont on pourrait faire le copié-collé. C’est la même structure qui s’est lancée en même temps.” Ils ont, eux, été évalués par l’ARS, grâce à un biais que l’on n’a pas proposé au CEC du Gard.

Elle détaille : “Pour que nous restions dans le champ du sanitaire-social, l’ARS de Bretagne a eu l’idée de lancer une sorte d’appel à projets (un appel à manifestation d’intérêt) que nous avons rempli et qui nous rapproche d’un IME à proximité. Et, au final, nous avons été validés pour trois ans à titre expérimental, ce qui nous a permis en plus de recevoir 75 000 € par an. En plus, on pratique des échanges de savoir avec l’IME !” Fanny Grau soupire : “L’ARS Occitanie ne nous l’a pas proposé…”

Contactée, la secrétaire d’Etat, Sophie Cluzel, n’a pas donné suite à notre demande d’entretien. L’ARS Occitanie, elle, nous a fait savoir que “nos équipes échangent directement et de longue date avec cette association. Nous ne serons pas en mesure de vous répondre dans un délai aussi contraint. Nous y reviendrons, ultérieurement si nécessaire”.

Olivier SCHLAMA

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