Associations : Après la crise sanitaire, le nombre de bénévoles en chute libre…

Même si on pouvait s’attendre à pire, la chute de 15 % est sévère. C’est le nombre de bénévoles engagés dans des associations qui se sont désengagés du secteur associatif depuis 2019, selon une enquête de l’Ifop, réalisée tous les trois ans, pour notamment le réseau d’experts Recherches & Solidarités. Seulement 20 % des Français sont bénévoles dans des associations…

Une hécatombe : le secteur associatif a perdu environ 15 % de ses bénévoles par rapport à 2019. Ils sont passés de 24 % en 2019 à 20 % en 2022. En 2020, 27 % ont interrompu leur engagement en raison de la crise et du manque de moyens humains. Une déception également alimentée par un manque de moyens matériels et financiers. Mais beaucoup de ces départs ont été en partie compensés par ceux qui, a contrario, se sont décidés à s’engager justement à l’occasion de la pandémie. La proportion de Français actifs dans une association est de  20 % et  celle des bénévoles, agissant chaque semaine, est dangereusement passée de 10 %, en 2019, à 8 % en 2022.

“Ces évolutions confirment les préoccupations des dirigeants associatifs…”

Toutes les associations ne comptent par un certain Clément Rémiens parmi leurs bénévoles. L’acteur fait partie de l’association Seta Mer Ph. Olivier SCHLAMA

“Ces évolutions confirment les préoccupations des dirigeants associatifs, largement exprimées pendant la crise et encore aujourd’hui. Après deux années de crise, l’utilité sociale et l’action occupent une plus grande place. Elles sont plus souvent citées par les bénévoles, comme sources de motivation et de satisfaction”, indique Recherches & Solidarités (1), un réseau associatif d’experts qui se base sur deux enquêtes. Les départs sont plus marqués chez les femmes (- 6%) que chez les hommes (- 2 %) et aussi chez les plus de 65 ans, davantage que chez les jeunes, une satisfaction mis au jour par l’enquête.

Les résulalts de deux enquêtes triennales

Les effets des deux années de vagues épidémiques et de mises à l’arrêt forcées des associations sont encore bien présents. À preuve, le résultat de ces deux enquêtes triennales, l’une auprès des Français sur le thème de l’engagement – Ifop auprès de 3 155 personnes, la seconde auprès des bénévoles associatifs eux-mêmes (baromètre d’opinion des bénévoles comportant 4 395 témoignages (3), doivent donc être lus avec prudence, dans leur contexte de début 2022.

Le repli serait-il momentané ?

“Quelques signes laissent espérer que le repli observé aujourd’hui est momentané et que nombre de bénévoles retrouvent déjà et vont retrouver peu à peu le chemin des associations”, positive le réseau d’experts.  Mais en mettant un coup de frein brutal à l’activité concrète de la plupart des associations, la crise sanitaire a libéré un temps important que certaines d’entre-elles ont mis à profit “pour retravailler leur projet et activités, leur organisation, leurs liens entre bénévoles ou entre salariés et bénévoles. Ce recentrage a été source d’un sentiment réel d’avoir fait progresser l’association dans son ensemble”.

Effet bénéfique du télébénévolat

Fait notable, le numérique a joué un rôle essentiel. “Aujourd’hui, 60 % des bénévoles s’appuient sur ces outils et agissent à distance, parmi eux 40 % de manière régulière. Ces pratiques de télébénévolat, anciennes pour certains et initiées avec la crise pour d’autres, le plus souvent conjuguées avec des activités en présentiel, facilitent notamment l’action des personnes peu mobiles ou peu disponibles”, indique Recherches et solidarités.

L’engagement des bénévoles en temps de crise, en première ligne ou pour pallier l’arrêt de certaines activités, ainsi que la médiatisation des élans de solidarité dès le début 2020, nourrissent les attentes en termes de reconnaissance. Elles se situent au plan personnel et plus encore à propos de l’engagement bénévole en général ; elles s’adressent aux dirigeants d’associations parfois, aux autorités publiques surtout.

Fracture sociale du bénévolat à résorber

Photo – Banque alimentaire

Enfin, une tendance lourde doit aussi alerter les pouvoirs publics : si environ 45 % des Français adhèrent à une association, sans véritable évolution depuis des décennies, la proportion varie plus que du simple au double selon que l’on ne possède aucun diplôme (22 %) ou que l’on est titulaire d’un diplôme d’enseignement supérieur (56 %). Cette “fracture sociale associative”, régulièrement soulignée dans les enquêtes, se prolonge dans le bénévolat.

Des enjeux multiples

Certes, toujours d’après l’enquête Ifop, ils sont seulement 15 %, en 2022, parmi les titulaires des formations les plus modestes, contre 27 % parmi les plus diplômés. Mais plusieurs enquêtes antérieures l’ont montré : lorsque les moins diplômés franchissent le pas d’une association, ils sont nettement plus enclins que les autres à lui consacrer du temps. L’enjeu est donc fort de parvenir enfin à réduire cette fracture sociale du bénévolat. “Sur le plan individuel pour l’épanouissement et les satisfactions que chacun peut trouver dans le bénévolat ; au niveau des associations qui ont plus que jamais besoin de renforcer leurs équipes ; avec d’immanquables retombées à espérer pour la société tout entière”, précise les auteurs.

Ce réseau d’experts décryptent “plusieurs perspectives encourageantes : le télébénévolat donc, les fortes motivations des jeunes à s’engager, l’attractivité des associations comme lieu de convivialité, aujourd’hui très recherché ; le nombre de bénévoles prêts à donner plus de temps ou à prendre des responsabilités, nettement supérieur à celui des bénévoles qui souhaitent lever le pied…”

Olivier SCHLAMA

  • Étude réalisée par Recherches & Solidarités, en partenariat avec Compétence Bénévolat, France Bénévolat, l’Institut Européen pour le Développement humain, Solidatech, Tous Bénévoles, et l’aide de la direction de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative, de jeveuxaider.gouv.fr et de Benenova pour la diffusion de l’enquête auprès des bénévoles.
  • [1] Enquête triennale de l’IFOP pour France Bénévolat et Recherches & Solidarités, avec le soutien du Crédit mutuel. Dernière enquête menée en janvier 2022, auprès de 3 155 personnes.
  • [2] Baromètre mis en place par Recherches & Solidarités en 2008 dont la dernière vague a été menée entre le 17 mars et le 22 avril 2022, auprès de 4 395 bénévoles.
  • (1)  Recherches et solidarités est un réseau associatif d’experts et d’universitaires : sans but lucratif, au service des acteurs de la solidarité ; des coopérations nombreuses pour mutualiser l’information : Mouvement associatif, Tous bénévoles, France Bénévolat, l’IEDH, l’UNIOPSS, Le Rameau, Solidatech… Des sources statistiques officielles et des enquêtes auprès des Français. Des enquêtes nationales régulières auprès des responsables associatifs et des bénévoles. Et des enquêtes en coopération avec de nombreux réseaux nationaux de bénévoles.

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