Un train sur cinq en retard – engendrant une pénalité record de 4 M€ pour la SNCF – ; un sous-investissement chronique… La présidente de Région vient d’obtenir, en plus des investissements habituels, un engagement du transporteur afin que la qualité du service soit nettement améliorée au moment où la fréquentation bat des records en Occitanie avec 93 000 voyageurs par jour.
Le train, en Occitanie, c’est le grand bond en avant. Jean Castex, nouveau P.D.-G. de la SNCF et ex-Premier ministre, le sait parfaitement. L’ancien maire de Prades (P.-O.) n’est pas étranger à cette annonce, lui le passionné de trains qui était présent lors de l’inauguration du terminal SNCF dans le port de Sète il y a quelques semaines, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI.
Si les voyageurs aiment le train, c’est grâce à la politique tarifaire volontariste de la Région Occitanie, qui dispose de la compétence transport, combinée à la croissance de la population (+ 45 000 habitants par an). Mais il ne faut pas les décevoir… Car “la dégradation du service est inacceptable”, souligne Jean-Luc Gibelin, vice-président d’une région “la plus enclavée de France dont 60 % des habitants sont à plus de 4 heures de Paris”.
La SNCF doit payer une pénalité de 4 M€

Or, la ponctualité des trains régionaux, déjà insuffisante en 2024 (88,3 % des trains à l’heure), a poursuivi sa baisse en 2025 pour atteindre 86,7 % sur les onze premiers mois, et même 80,7 % en novembre, très loin de l’objectif annuel de 90,7 % fixé par la Région à la SNCF. Cela représente près d’un train sur cinq en retard. Parallèlement, le taux de suppression des trains sur la période de janvier à novembre 2025, grève comprise, atteint 16 %, soit près d’un train sur cinq supprimé. Cette situation intervient alors même que la fréquentation connaît une dynamique exceptionnelle, avec près de 27 millions de voyages en 2024 et une hausse de 68 % depuis 2019.
Ce qui a valu une pénalité – la plus forte de France – de 4 M€ à la SNCF pour manquement à ses engagements. Un argent intégralement reversé aux abonnés, entre un et deux mois d’abonnement, dès février, sur les lignes où le service est le plus dégradé : Toulouse-Rodez, Toulouse-Foix, Toulouse-Auch, Toulouse-Tarbes et Toulouse-Narbonne.
“Nous voulons atteindre 100 000 voyageurs par jour en moyenne le plus vite possible”
L’Occitanie, c’est aussi un vaste réseau “complexe” de 2 600 km dont 1 400 km de dessertes fines et 1 300 km en voie unique et 1 600 passages à niveau ! La région est plus exposée aux risques climatiques. Et pourtant le nombre de voyageurs explose : “On est passé de 65 000 voyageurs par jour en 2019 à 93 000 en moyenne par jour aujourd’hui.” Responsable régional de SNCF voyageurs, Gaël Barbier complète : “Nous voulons atteindre 100 000 voyageurs par jour en moyenne le plus vite possible. Déjà, les premiers week-end de chaque mois, le train est à 1 € : nous battons record sur record, avec actuellement plus de 127 000 voyageurs par jour.”
“Quand on est propriétaire, on finance…”

Cette hausse de fréquentation a un revers dans une région où l’Etat ne finance pas ce qui lui appartient… “Les infrastructures appartiennent à l’Etat. Quand on est propriétaire, on finance. Dans notre pays, on est très loin de cela s’agissant du train. Nous demandons que la région n’ait pas à combler majoritairement le sous-investissement de l’Etat qui définit certaines lignes « fines » alors qu’elles ne se justifient pas, reliant des villes à une préfecture…”, grince Carole Delga.
La présidente de Région enchaîne : “Nous recevons des remarques désagréables sur le terrain ; il faut avoir un service à la hauteur. En cinq ans, nous avons eu 68 % de hausse de fréquentation en Occitanie, c’est lié à une conscience citoyenne et à la priorité que nous donnons au train et à notre politique tarifaire (le train à 1 €, la gratuité d’usage…) Le délaissement de la voiture n’est plus occasionnel. Il y a un vrai report modal”, argue Carole Delga, présidente de région. En attendant, un hypothétique billet unique, il est urgent de mettre en route un plan d’urgence dans la région.
Un plan d’urgence de 60 M€, dont 20 M€ dès 2026
Catherine Trevet, directrice de SNCF Réseau, a expliqué que “la régularité est bonne en Languedoc-Roussillon mais en Midi-Pyrénées, la dégradation de la performance est croissante », a-t-elle reconnu, en expliquant que cela est dû principalement à des causes qu’elle qualifie « d’externes » multiples et variées : un réseau à saturation, des incidents liés au changement climatique avec des inondations, des coulées de boues…

D’où un plan d’action supplémentaire d’urgence, en plus des 80 M€ annuels dédiés à la maintenance des lignes sur la partie ouest. Catherine Trevet a explicité : « Ce plan est doté de 60 M€ sur nos fonds propres – dont 20 M€ dès l’an prochain – que nous proposons, au-delà des investissements prévus chaque année. Sur ces 60 M€ (+ 25 % par rapport à 2025), 50 M€ vont aller à l’augmentation de la fiabilité informatique ; des opérations supplémentaires de maintenance avec des task-force ; des signalisations, notamment en Ariège, Gers, Toulouse, Montauban. Et accélérer la suppression de passages à niveau, notamment en Ariège, Toulouse, Albi. Deux sont prévus et 14 autres sont à l’étude. Sachant qu’en Midi-Pyrénées, on compte un passage à niveau tous les 1,5 km…”
“Limiter la limitation de la vitesse des trains”
Les 10 M€ restants seront investis dans, a précisé Catherine Trevet, dans la “qualité des infrastructures pour limiter la limitation de la vitesse des trains, notamment en Comminges, et en Haute-Ariège. Améliorer aussi la résistance des caténaires soumises, l’été, à de très fortes chaleurs (…) » Et même clôturer des zones exposées aux intrusions et dégradations.” Les intrusions et vols de câbles sont en forte hausse : 48 actes de malveillance entre janvier et novembre 2025 (+ 65% par rapport à 2024), générant plus de 283 heures de retard. Plus généralement, la SNCF investira 300 M€ en Occitanie en 2026-2027.
Du côté de SNCF Voyageurs, on engage là aussi une enveloppe supplémentaires pour pallier le mauvais service aux voyageurs. Elle est de 2,1 M€ supplémentaires pour améliorer la fiabilité du matériel, l’organisation de l’exploitation et l’information des voyageurs, précise Gaël Barbier, le directeur régional. Avec l’objectif de remettre en 2026 150 trains à l’heure chaque mois, et 270 en 2028.
15 mécaniciens de plus, 149 conducteurs en deux ans

Dans l’attente de la livraison entre 2026 et 2027 des nouveaux trains financés par la Région, la SNCF a déjà ouvert 18 000 places supplémentaires quotidiennes en 2025. “Nous allons, par exemple, allonger les plages de maintenance la nuit et les week-ends ; nous avons embauché 15 mécaniciens pour la maintenance et nous avons recruté 149 conducteurs en deux ans, ce qui nous donne un volant de 20 conducteurs en cas de difficultés. Nous anticipons également en remplaçant les pièces ; nous fiabilisons les logiciels informatiques ; certaines pannes se font jour quand on accroche et décroche des trains, par exemple, qui sont de plus en plus longs pour embarquer davantage de voyageurs.”
Entre autres mesures, “nous allons davantage lutter contre les tags qui obligent à une mobilisation d’une rame durant sept jours”, a noté Gaël Barbier, expliquant toute l’importance d’annonces personnalisées, y compris sur le quai. Prenant exemple de la gare de Muret (Haute-Garonne). “Nous avons mis en place la première chaîne Whatsapp du genre (comme une radio d’autortoute) où, de 6 heures à 20 heures, des agents répondent aux questions des voyageurs. Peur-être qu’il y aura à l’avenir une fonction d’alerte…” Carole Delga a conclu : “Nous serons extrêmement vigilants”.
Olivier SCHLAMA
-
Des situations particulièrement dégradées sur certaines lignes : Toulouse – Rodez : taux de régularité pouvant chuter à 65,2 % ; Toulouse – Tarbes : taux de régularité pouvant chuter à 71,9 % ; Toulouse – Auch : plus de 580 trains supprimés en novembre, dont la quasi-totalité liée aux infrastructures (défaut d’aiguillage à L’Isle-Jourdain et acte de malveillance sur un aiguillage à Brax). En novembre, sur 14 287 trains prévus, 1 317 trains supprimés (hors grève), dont 749 pour des causes réseau et externes (actes de malveillance, intempéries, etc.) Des incidents récurrents entraînant des retards en cascade et une saturation accrue des axes structurants.
-
La SNCF Réseau dédie chaque année plus de 100 M€ à la maintenance ; elle investira 350 M€ en 2026 pour la modernisation et la régénération du réseau en Occitanie dont 335 M€ pour le réseau structurant et 15 M€ sur les lignes de desserte fine du territoire.