Inondations : Dans son 1er atlas du risque, l’IGN identifie l’Occitanie comme très exposée

Alès, le 9 septembre 2002. De violents orages provoquent des inondations où, en une nuit, quatre personnes sont mortes et plus d'un millier ont dû être évacuées. Photo : Dominique QUET Maxppp.

Grâce à la technologie, la précision obtenue permet de mieux se préparer aux événements climatiques, élaborer des solutions à travers des plans de prévention y compris celles fondées sur la nature. De quoi compléter la prise de conscience du risque.

Alors que la période automnale propice aux épisodes cévenols et méditerranéens s’impatronise, vendredi, comme chaque année, le préfet de l’Hérault avait invité les maires du département pour les remobiliser ; 120 d’entre-eux avaient répondu à l’appel. Il faut dire que la culture du risque est de plus en plus partagée. De Vaison-la-Romaine aux inondations meurtrières de Nîmes ; puis, celles de l’Aude en 2022 et d’ailleurs, à son corps défendant, le pourtour méditerranéen est devenu l’une des zones les plus exposées au risque d’inondations. Qui ne sont pas roupie de sansonnet comme Dis-Leur vous l’avait expliqué ICI. En 30 ans, en France, on a dénombré 250 décès ! Sans parler du coût : les catastrophes naturelles -non-auto – ont coûté 61,2 milliards d’euros depuis 1982.

Gard, Haute-Garonne, Alpes-Maritimes…

Carte extraite de l’Atlas Anthropocène 2025 de l’IGN.

Pas une année sans inondation dévastatrice : Alpes-Maritimes en septembre 2020 ; Gard un an plus tard ; Ardèche et Rhône en octobre 2024 ou encore pour ne citer qu’eux Haute-Garonne et Var en juin 2025. Rien qu’en septembre 2022, les inondations avaient tué 23 personnes et fait, dans le Gard, des dégâts considérables dépassant les 800 M€… 1988, 2002, 2003, 2005, etc. Le Languedoc-Roussillon a tellement subi d’événements climatiques intenses… “La France a vingt ans d’avance en matière d’adaptation. On parle souvent des Pays-Bas mais la France peut s’enorgueillir de ce qu’elle fait. Et on le dit si peu ! Elle a une des plus grandes stratégies mises en place”, nous expliquait ainsi Emma Haziza, hydrogéologue.

“Mieux éclairer la gestion des cours d’eau et repenser les espaces et le rôle des solutions basées sur la nature”

Inondations après épisodes cévenols. Ph. Olivier SCHLAMA

Avec cet atlas, c’est une photographie inédite que vient donc d’établir l’IGN, l’Institut national de l’information géographique. Une prouesse technique qu’ont exécutée ses spécialistes notamment au moyen de la 3 D et du lidar HD. Et qui va justement servir à éclairer la prise de décision des élus, les maires étant aux premières loges. Il s’agit avec ce document de “mieux éclairer la gestion des cours d’eau et repenser les espaces et le rôle” des fameuses solutions basées sur la nature : entretenir les zones tampons, marécages, étangs, lagunes, tourbières… Et pas seulement en Occitanie : un quart de la France est exposée durablement au risque d’inondations… Il existe plusieurs types d’inondations : le débordement de cours d’eau, les submersions marines, le ruissellement pluvial et la remontée de nappes phréatiques.

+15 % à + 30 % de pluies quotidiennes d’ici 2100

Des vallées bretonnes aux plaines héraultaises et gardoises, en passant par l’Espagne (Valence…!), les images des inondations font florès. Même à Visa pour l’Image elles se sont imposées comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Ces inondations pleuvent à n’en plus finir. Le dérèglement climatique est bien à l’oeuvre, perturbant ce fin cycle de l’eau, aggravant tempêtes, crues mais aussi canicules, sécheresse et incendies comme cet été dans l’Aude. Il faut donc s’y préparer ardemment : avec un climat affichant, d’ici 2100, une hausse de 4 degrés en moyenne. Ce qui engendrerait  +15 % à + 30 % de pluies quotidiennes maximales annuelles sur l’ensemble du pays.

Le réchauffement s’est déjà traduit par une hausse de 12 % de l’intensité des pluies extrêmes par rapport aux années 1960 et (…) Et de 10 % à 15 % de ces mêmes pluies intenses à l’horizon 2050″

Avec cette hausse des températures, les nuages ont tendance à emmagasiner plus d’humidité et leur pouvoir de précipitation s’accroît de 7 % dès que la température de l’atmosphère augmente de un degré, rappelle l’Institut. “À l’échelle de la France, le réchauffement climatique s’est déjà traduit par une hausse de 12 % de l’intensité des pluies extrêmes par rapport aux années 1960 et nos modèles climatiques prévoient encore une augmentation de 10 % à 15 % de ces mêmes pluies intenses à l’horizon 2050”, insiste Benoît Thomé, directeur des relations institutionnelles de Météo France. Et attention au biais de perception : Benoît Thomé le réaffirme : “Sur les 69 épisodes de vigilance orange ou rouge activés par Météo France en 2024, près de 90 % se sont avérés justifiés.”

Mieux connaître et anticiper les conséquences

“Dans cette salle, les images sont analysées en temps réel”, confie Alix Roumagnac, fondateur de Prédict Services. DR

Alix Roumagnac est le fondateur de la société héraultaise Prédict Services (1), “La capacité d’analyse de l’IGN que tout le monde connaît pour leur production de cartes géographiques a créé cet atlas de l’enthropocène (2) à partir de données en 3 D des territoires. Il utilise notamment un outil, le lidar HD une mesure tous les 10 centimètres de l’altimétrie faite par avion.”

Qu’est-ce que cet atlas apporte à la culture du risque ? “Sans aller sur le terrain, on est en capacité à voir les zones inondables des grandes rivières aux petits cours d’eau pour dire précisément si tel ou tel bâtiment est impacté ou non. Nous, à Predict Service, nous utilisons ces données à la fois pour une analyse à froid et aider les communes à réaliser les plans communaux de sauvegarde, entre autres et puis, à chaud, quand on voit des pluies très fortes sur tel ou tel bassin versant, on sait que cela va faire réagir un petit ruisseau qui, lui-même, va impacter une maison de retraite ou une école, par exemple. Cela permet de préparer en amont (faire monter les personnes à l’étage d’un Ehpad, par exemple) ; et ça éclaire aussi la prise de décision pendant la crise.”

Face à cette Méditerranée très chaude, un événement peut arriver si vite. Et à ce moment précis, il faudra être prêts

Érosion : Vias, Portiragnes, Sérignan... Le littoral pris entre deux vagues
Erosion à Vias. Ph. DR

Est-ce que cet atlas permet aussi de nourrir la réflexion sur des solutions fondées sur la nature, comme entretenir des zones humides ou des lagunes ? Alix Roumagnac répond par l’affirmative en décryptant : “Il y a un projet à l’échelle mondiale, l’Alerte précoce pour tous, lancé par les Nations Unies. Il y a quatre “briques” ; la première, c’est de connaître ce risque ; ensuite, se préparer ; suivre et, enfin, disséminer des alertes, y compris par SMS. Mais tout cela est basé sur le sens du risque. L’IGN nous donne la brique de départ et nous permet de faire des meilleurs PPR et décider ou non d’aménagements. Et d’imaginer des solutions fondées sur la nature. Cela peut aussi aider à faire de la pédagogie auprès des élus leur permettant de résister à la pression de certains habitants” ; cela les aide à étoffer pédagogiquement leurs arguments. “Ces outils détaillés permettent une acculturation”.

Les maires sont-ils inquiets ? “Dans nos régions, on a des maires en fin de mandat et qui ont bien cette culture du risque qui les rend conscients de ce qu’il y a à faire. Face à cette Méditerranée très chaude, un événement peut arriver si vite. Et à ce moment précis, il faudra être prêts.”

Olivier SCHLAMA

(1) Predict Services œuvre pour la prévention et la gestion des risques. Nous accompagnons particuliers, entreprises, collectivités territoriales et services de gestion de crise en France comme à l’international dans leurs prises de décisions : avant, pendant et après les phénomènes à risque.
(2) Néologisme désignant une nouvelle époque géologique qui débute avec l’influence de l’être humain sur les écosystèmes. L’essai nucléaire de Trinity, aux USA, de juillet 1945 a été proposé comme son commencement.

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