Laurent Gauze, président de la CCI des P.-O., a des mots très durs pour dire que ce train ayant embarqué en juin jeunes pousses et investisseurs “n’a plus de sens”. Le nouveau président de cette antenne de la French Tech, Arthur Lemaire, lui, parle au contraire de “réussite“, évoquant des règlements de compte politiques. Il se concentre pour mettre “l’innovation au coeur de mon mandat”. Il veut même “proposer un événement qui réunirait toutes d’Occitanie avec la Catalogne et Madrid”.
Perpignan-Madrid, c’est une diagonale qui s’impose et qui veut en imposer. Mais suivant quelle voie… ? Du 18 au 20 juin 2025, comme chaque année, expliquent les organisateurs, “le train de la French Tech est reparti repart sur les rails pour sa 6e édition, avec pour mission de connecter les start-ups innovantes d’Occitanie aux écosystèmes technologiques d’Espagne. Initié en 2017, cet événement unique en France favorise les échanges transfrontaliers, soutient l’innovation régionale et renforce la visibilité des jeunes pousses à l’international”.
Une opération qui “n’a plus de sens“
Pendant trois jours, dans deux wagons réservés au networking, aux pitchs. Les dix start-up ayant le plus de chances de lever des fonds, auront eu la chance de se raconter une seconde fois devant un jury d’investisseurs français et espagnols. Cette grande finale sera l’occasion de remettre plusieurs prix dans un lieu emblématique : le Matadero Madrid. Ça, c’est la présentation officielle. Au “centre du monde” et pas encore celui de la tech, Laurent Gauze n’a pas besoin de s’égosiller pour dénoncer une opération qui “n’a plus de sens”. Ce n’est pas n’importe qui : à Perpignan, l’homme, incontournable dans les milieux économiques, règne sur la CCI des P.-O.
“Le but, c’était de faire exister Perpignan sur une carte où Perpignan n’avait pas de crédibilité en la matière”

Presque deux mois après l’événement, il maugrée en expliquant qu’il ne montera plus dans ce train : “Ce train de la French Tech, je l’ai créé. Je ne cherche pas à faire de polémique. L’idée de départ de ce train, c’était pour obtenir le label French Tech. Avec l’ambition de faire connecter à Perpignan les gens de Toulouse, Nîmes, Montpellier, Gerone, Barcelone. Ce n’est plus ça.” Sur le fond, il ajoute : “L’ambition est revue à la baisse et je trouve ça dommage. À l’époque il y avait tout un écosystème qualitatif. Là, je n’y trouve plus de sens.” Et : “Le but, c’était de faire exister Perpignan sur une carte où Perpignan n’avait pas de crédibilité en la matière. Il fallait avoir comme en 2020 des responsables et élus de la Région et de les faire monter dans ce train. Pour pitcher. À 300 km/h, cela mettait les gens dans des conditions particulières.”
“Montpellier n’est plus représentée ni la Région Occitanie. Plus de banques locales, de financiers locaux non plus”
Et aujourd’hui ? “Il n’y a que des gens de Perpignan… Ça n’a pas de sens, même s’ils ont le mérite d’exister. Dans ce train, Montpellier n’est plus représentée ni la Région Occitanie. Plus de banques locales, de financiers locaux non plus. Pourquoi y amène-t-on des élus dans ce train ? Cela leur permettait de rencontrer d’autres élus de Gerone, Madrid, etc. De voir comment ils accompagnent leurs territoires dans la tech. Si, comme aujourd’hui, il n’y a des élus que de Perpignan, ça sert à quoi d’aller à Madrid… ? La presse, y compris spécialisée techno de Barcelone ; de Madrid y participaient ; il y avait les gens de Business France…” Pourquoi cette ambition a-t-elle été revue à la baisse selon lui ? “Peut-être qu’il n’y a pas eu suffisamment de préparation en amont…? Quand je vois que 10 boîtes de la tech de Perpignan adhèrent à la French Tech de Paris, que dix autres adhèrent à la French Tech de Toulouse, et huit à celle de Montpellier, à quoi sert-il d’avoir la French Tech à Perpignan…?

Celui qui a été président de l’Agence de développement, dit “avoir été retiré de l’organisation. Ce n’est pas grave ; je suis président de la CCI. Je suis toujours 2e vice-président de l’agglomération en charge du numérique. Ne plus m’occuper de ce train, c’est ça de moins à faire… Je serais ravi de l’applaudir si ça marchait mieux. Mais, à mes yeux, l’ambition se délite.”
“Pourquoi l’écosystème madrilène s’en est désintéressé ? Parce que ça déconne trop…”
Sur la forme, “je suis aussi contre l’idée de certains membres de la French tech, à l’issue, on fait ce que l’on veut. C’est à dire que l’on peut se mettre minable… Je dis que quand on a une ambition, on ne fait pas les c… Pourquoi l’écosystème madrilène s’en est désintéressé ? Parce que ça déconne trop… En clair, d’une action qui était pas mal, on en a fait une action qui s’est rabougrie. On peut mieux faire. Si on se congratule parce que l’on a trois médailles… Quand, selon lui, certaines personnes incontournables ne sont pas intégrées, c’est que cela tourne en vase clos. Cela devient une association éco, pas French Tech. Quand on va à Madrid à une centaine, dont 90 de Perpignan, 2 de Barcelone, 5 de Madrid qui se barrent vite après l’accueil, cela ressemble à un voyage de fin d’année… J’amenais des boîtes de Perpignan et les gens de la Banque populaire puisque le siège est à Perpignan, le Crédit agricole, etc. Pourquoi ? Passer 24 heures avec des chefs d’entreprises dans ce train facilitait ensuite les relations commerciales. Quand on a bu une bière ensemble et que l’on connaît la vie de l’entrepreneur, ça va mieux. On casse une barrière. Idem quand la Région était invitée : quand il y avait un dossier de financement qui arrivait, le vice-président ou son directeur, on mettait un visage sur un nom.”
“C’est la plus belle réussite que l’on ait eu cette année en six éditions”

Arthur Le Maire, patron d’un bureau d’études photovoltaïque et de conseils, Elios Énergie, qui a créé notamment un arbre solaire dont Dis-Leur vous avait parlé ICI, rétorque que les propos de Laurent Gauze sont liés à un mystérieux “règlement de compte politique entre les différents écosystèmes locaux”. “Il est toujours le bienvenu. A la suite de sa sortie, je suis allé à sa rencontre. On a discuté. On a passé une heure ensemble et ont a échangé. Nous sommes un jeune bureau – six personnes toutes bénévoles – qui a été élu en début d’année. On peut citer Emmanuel Stern, ex-président de la French Tech de Perpignan pour lequel ce train c’est la plus belle réussite que l’on ait eu cette année en six éditions : on était une centaine de participants. Avec 24 entreprises représentées dont une dizaine d’entreprises madrilènes, une vingtaine d’investisseurs. On a continué ce que Laurent Gauze a entrepris à l’origine : faire travailler chefs d’entreprise et investisseurs ensemble avec les Madrilènes.”
“Trouvant que les pitchs étaient de qualité, les 20 investisseurs se sont engagés à venir en 2026”
Sur le fait qu’il y a des soirées “poussées”, Arthur Lemaire explique que “les propos de Laurent Gauze sont déplacés. Il abuse. Bien sûr, comme pour ce type d’événement, il y a des after works et de l’amitié qui se crée ; de la même façon qu’il y a des pots à la fin d’événements organisés par la CCI. Parmi les entreprise lauréates, Water Eco System a eu des relations avec cinq investisseurs et va boucler une levée de fonds grâce au train de la French tech. Pour d’autres, on aura le retour définitif en septembre. On sait aussi que des entreprises madrilènes ont eu des relations avec des investisseurs ; que les 20 investisseurs se sont engagés à venir en 2026 ; ils ont trouvé les pitchs de qualité et que la sélection a été bien faite”.
La French Tech de Perpignan, qui est l’une des communautés de la mission French Tech de Paris, “représente une centaine d’adhérents et un budget annuel de 80 000 € dont 60 000 € de fonds publics, le reste provient des recettes lors nos événements ou les adhésions des entreprises”.
“Proposer avec Montpellier un événement qui réunirait toutes d’Occitanie avec la Catalogne et Madrid”

Sur le fait que la Région Occitanie, Montpellier ou les banques locales manquent à l’appel, le nouveau président de la French Tech de Perpignan rétorque que “nous avons échangé en amont de ce train avec Carole Delga – la Région écoute nos retours pour savoir comment on peut développer l’innovation au niveau local – et les représentants d’autres institutions, ils nous soutiennent. Montpellier ? On n’a pas vraiment de relations avec eux mais l’objectif c’est de faire du relationnel avec les entreprises catalanes et espagnoles. Je me suis rendu à la réunion annuelle des présidents des French Tech à Paris. J’ai échangé avec celui de Montpellier : on va se rapprocher d’eux pour proposer un événement qui réunirait toutes d’Occitanie avec la Catalogne et Madrid. Ils sont ouverts. Il nous a fallu prendre nos marques ; nous avons aussi rencontré les présidents de la French Tech de Barcelone et de Madrid qui nous soutiennent à fond. Concernant les banques, l’une d’elles s’est retirée lors de la sortie de Laurent Gauze…”
“Remettre l’innovation au coeur de notre action”
Le but de la French Tech de Perpignan, grossir ? “Nos trois mots fétiches sont : fédérer, rayonner, propulser. On organise des rendez-vous mensuels pour les entrepreneurs sur des échanges de bonnes pratiques. chacun son innovation, mais tous sont concernés par les mêmes problématiques de RH, de gestion. Je l’ai vécu dans mes divers passages dans des incubateurs. Nous sommes une centaine mais tous ne sont pas issus de l’innovation et le coeur de notre mandat, ce sera de remettre l’innovation au coeur de notre action. Mettre en avant des entreprises innovantes et pour cela se rapprocher des structures qui les accompagnent comme les incubateurs. Et des autres French Tech. Nous allons aussi faire venir des experts lors de rendez-vous thématiques, comme ceux de la BPI, l’Urssaf…”
Olivier SCHLAMA
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