À Mèze (Hérault), l’élue à l’égalité homme-femme propose lors de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes une initiation gratuite à cette discipline mi-self-défense mi sport de combat. “Pour acquérir davantage de confiance en soi”, dit Delphine Aknin. Pour le pionnier de ce sport en France, Richard Douieb, fondateur de la Fédération européenne, “si on veut se préparer à affronter quelqu’un qui vous attaque dans un combat réel, c’est le meilleur sport”. Les femmes représentent 25 % des licenciés.
Krav maga, combat rapproché en hébreu. “Ce n’est pas forcément parce qu’il y a de l’insécurité à Mèze que nous proposons cette initiation mais pour, plus globalement, donner davantage de confiance en soi. Et aussi pour que les femmes qui le souhaitent aient une meilleure gestion du stress au cas où…” Delphine Aknin est conseillère municipale déléguée à l’égalité homme-femme, à Mèze (Hérault), où siège un club de krav maga, une pratique simple et rapide d’apprentissage qui se situe à mi-chemin entre une technique de self-défense et un art martial, inventé il y a presque un siècle en Tchécoslovaquie et parachevée en Palestine par des Israéliens.
Les unités d’élite Tsahal, GIGN, FBI, DEA…
Cette méthode entretient une image sulfureuse où tout est permis – elle s’attaque aux points les plus faibles du corps humain comme les testicules avec le plus “d’efficacité possible” du fait de ses origines. Enseignée dans les unités d’élite (notamment Tsahal en Israël, le GIGN en France ou le FBI aux USA ou la Drug Enforcement Administration), très populaire depuis les années 1980, elle renvoie une image qui fascine et son succès d’estime est prégnant.
Initiations gratuites à Mèze voulues par la municipalité
À l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, Delphine Aknin a eu l’idée de mobiliser le club local pour assurer une initiation gratuite de deux heures à toutes celles qui le souhaitent, sous la forme d’un “cours gratuit d’initiation à l’autodéfense 100 % féminin ouvert aux jeunes filles, dès 13 ans”. Ce sera le jeudi 23 novembre de 20h15 à 22h15 au dojo du Taurus, à Mèze (inscription de préférence : wkma.meze@gmail.com). L’élue municipale dit : “Toutes les femmes ne sont pas égales (devant une situation angoissante, Ndlr). Certaines n’ont pas spécialement peur quand elles se promènent. Moi, par exemple, je me balade régulièrement avec mon chien dans les vignes et je n’ai pas franchement d’appréhension. Mais certaines femmes ont plus de mal que d’autres…” avec le sentiment d’insécurité.
“L’occasion d’avoir, aussi, une meilleure estime de soi”
Certaines jeunes femmes se sentent, il est vrai, davantage rassurées quand une copine les accompagne chez elle à la fin d’une soirée, par exemple. Faire du krav maga, c’est pareil : c’est comme être deux toute seule.
“Et puis c’est aussi une façon – comme le sport en général – d’avoir une meilleure estime de soi”. L’idée de cette initiation gratuite s’était aussi connectée pour cette élue mézoise à son investissement pour Octobre Rose. Le krav maga simule des situations anxiogènes éprouvées lors de véritables agressions. Le but ? Vous préparer à la réalité de ce qui pourrait être, à un moment donné, la lutte pour sa vie. Ou encore la violence sous toutes ses formes omniprésente dans notre société. Le dirigeant d’un club de la région, qui requiert l’anonymat, le confirme : “Un tiers de nos adhérents sont des femmes. Elles aiment beaucoup au début mais, souvent, elle trouve notre sport trop violent et certaines ne reviennent pas…”
Avec le krav maga, c’est l’improvisation totale pour répondre à un coup de tête, un crochet ferme…”
Anne-Gaëlle Barthe-Douieb est responsable administrative de la Fédération européenne de krav-maga, l’organisation de référence en France qui compte le plus d’adeptes, et qui est installée à dix kilomètres à peine de Mèze. Pourquoi ce sport plaît-il, davantage que d’autres sports de combat, notamment asiatiques ?
“C’est une discipline pragmatique, définit-elle. Et elle ne propose pas de compétition.” Et, contrairement à l’aïkido, qui lui non plus n’engage aucun pratiquant dans la moindre compétition, “il est moins rigide”.
“De plus en plus de femmes choisissent cette technique de self-défense depuis 15 ans”
Anne-Gaëlle Barthe-Douieb l’affirme : “Les attaques sont moins strictement codifiées que l’aïkido qui les explicite très précisément ; ce sont des gestes précis de bas en haut par exemple, explique celle qui a pratiqué le karaté pendant vingt ans. On n’est pas non plus dans le beau geste mais le geste efficace. Avec le krav maga, c’est l’improvisation totale pour répondre à un coup de tête, un crochet ferme, etc.“
Elle a aussi constaté que “de plus en plus de femmes choisissent cette technique de self-défense depuis quinze ans. Sur les quelque 13 000 licenciés en Europe – dont 10 000 en France – ont compte 25 % de femmes (contre 10 % il y a 15 ans). La crise a fait du mal à notre discipline qui comptait en 2019 quelque 20 000 licenciés ; mais on remonte petit à petit”. C’est aussi grâce à la féminisation des sports d’endurance comme la boxe et le cardio-boxing.
Né à Bratislava, le krav maga se perfectionne en Israël
Anne-Gaelle Barthe-Douieb est l’ex-épouse de Richard Douieb qui a permis le développement du krav maga. Celui qui fut le formateur exclusif du GIN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale), avait été adoubé en 1988 par un certain Imi Lichetenfeld, le créateur de ce sport.
Ce dernier, féru de sport et champion de lutte, crée le krav maga dans les années 1930. C’était, en premier lieu, pour en faire bénéficier la communauté juive de Bratislava (Tchécoslovaquie) en proie à des violences issues du fascisme naissant en Europe. D’empêcher des bandes nazies de pénétrer dans ce quartier juif et d’y éviter des pogroms. Cette méthode sera importée en Palestine en 1940 où elle sera perfectionnée par de nombreux instructeurs reconnus. Reconnu comme sport en 1964, le krav maga s’exporte ensuite un peu partout dans le monde.
Si on veut se préparer à affronter quelqu’un qui vous attaque dans un combat réel, c’est le meilleur sport”
Richard Douieb
L’un des pionniers mondiaux du krav maga décrypte : “Si on veut se préparer à affronter quelqu’un qui vous attaque dans un combat réel, c’est le meilleur sport” : celui qui affirme cela, c’est Richard Douieb. Installé dans l’Hérault, il fut le créateur de la Fédération européenne de krav maga il y a plus de vingt ans”, confie-t-il, avec une économie de mots. Richard Douieb confirme l’engouement des femmes pour cette méthode de self-défense : “Certains clubs ont plus de 50 % de femmes comme adhérents, d’autres moins.” Il ajoute aussi une dimension sociétale qui attire naturellement les femmes vers ce sport “efficace” : “Les femmes ont désormais accès à des postes et une place dans la société qu’elles n’avaient pas auparavant. Quant au sport, elles participent maintenant à des compétitions de boxe et de MMA.”
“Tous les gestes qui mènent au KO à la fin sont efficaces et simples dans notre discipline”
Richard Douieb ajoute : “Le krav maga n’est que self-défense. Pourquoi les femmes choisissent-elles davantage le krav maga plutôt que la boxe ou un autre sport martial ? Déjà, la boxe, c’est très bien ; c’est d’ailleurs l’une des parties importantes du krav maga où l’on met des gants pour se protéger mains, poignets, avant-bras.”
Le krav maga ne recherche pas l’esthétique du beau geste. “Tous les gestes qui mènent au KO à la fin sont efficaces et simples dans notre discipline, souligne Richard Douieb. Maintenant, un geste pur et simple, sans fioritures, peut être très beau.” Il ajoute qu’il est important pour les gens intéressés de se tourner “vers de bons profs…”
Olivier SCHLAMA
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