Sécurité : Plus d’un quart des femmes ont peur de sortir seules de chez elles

Insécurité. Ph d'illustration. Misha Surfu de Pixabay

Selon l’étude Vécu et ressenti en matière de sécurité du ministère de l’Intérieur, les plus jeunes déclarent plus souvent que l’ensemble de la population se sentir en insécurité dans leur quartier. Et où l’on apprend que les femmes se disent plus inquiètes que les hommes d’être victimes d’une agression sexuelle. L’étude vise à livrer un état des lieux aussi fiable que possible, en mesurant l’état réel des infractions dont sont victimes les Français.

C’est le tout premier rapport d’enquête du genre baptisé Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS) qui s’intéresse au sentiment d’insécurité et aux préoccupations sécuritaires et réalisé par un service du ministère de l’Intérieur, le SSMSI. C’est une nouvelle version d’une publication créée en 2007, “à la suite de fortes polémiques sur les chiffres de la délinquance”, met en exergue Olivier Filatriau, chef du bureau des enquêtes, des études et de statistiques sur les atteintes aux personnes. Il s’agit de livrer un état des lieux aussi fiable que possible. Car ces préoccupations se sont basées sur un questionnaires déclaratif, mesurant l’état réel des infractions dont sont victimes les Français. Des personnes âgées de 18 à 74 ans vivant en France métropolitaine. Le sondage est vraiment grandeur nature comptant 110 000 répondants par internet, téléphone, ou papier. Il fait bien sûr aux faits délictueux classiques constatés.

Ensemble de la population et certaines populations

Le rapport met en regard une sélection de chiffres-clés. Se focalisant sur l’ensemble de la population et en même temps sur certaines populations : les femmes, les hommes, les personnes âgées de 18 à 24 ans, les Français âgés de 64 ans à 75 ans ; mais aussi les habitants de l’unité urbaine de Paris et les personnes habitant hors des unités urbaines. Il y a aussi des statistiques portant sur les personnes des autres tranches d’âges habitant dans des villes de tailles intermédiaires ou associées à d’autres caractéristiques socio-démographiques (notamment situation face à l’emploi, le niveau de vie du ménage, en lien avec la migration, état de santé, orientation sexuelle) ou du lieu d’habitation, y compris dans un quartier prioritaire de la politique de la ville.

Vandalisme contre la voiture, débits frauduleux

Parmi les atteintes étudiées dans ce rapport, on y trouve les actes de vandalisme concernant la voiture ; les débits frauduleux et les injures qui sont les faits les plus subis en 2021, par respectivement 2 512 000, 1 989 000 et 1 971 000 victimes.

Vols et tentatives de vol de deux-roues à moteur, de même que les violences sexuelles physiques, sont les plus rarement recensés et concernent respectivement 184 000 et 247 000 victimes. Quelle que soit l’atteinte à la personne étudiée, à peine 5 % ont porté plainte (21 % pour des violences physiques “simples” perpétrées sur 498 000 personnes) ! Le taux de victimes ayant déposé plainte est particulièrement faible pour les atteintes les plus fréquentes comme les injures (4 %), le harcèlement moral (6 %), les discriminations (2 %) et les violences sexuelles non physiques (2 %). Toutefois, les victimes de violences sexuelles physiques, relativement peu nombreuses, effectuent également peu cette démarche (5 %).

63 % des 1,493 million de victimes de harcèlement moral sont des femmes

Agression, insécurité… Photo d’illustration, Alexa de Pixabay

On ne l’apprendra pas ici mais on en mesure l’importance. En 2021, les femmes sont nettement plus nombreuses que les hommes parmi les victimes de violences sexuelles physiques (88 %) ou non physiques (86 %) et parmi les victimes de violences conjugales (76 %). Elles sont également plus nombreuses à déclarer avoir subi un harcèlement moral (63 % des 1,493 million de victimes). En revanche, elles déclarent être moins concernées par les menaces ou par les vols et tentatives de vol avec violence physique ou menace (42 % dans les deux cas) ou par les tentatives de corruption (38 %).

On le comprendra aisément : les taux de dépôt de plainte varient considérablement en fonction de l’atteinte subie. La plainte ne servant qu’à produire une preuve un tant soit peu tangible pour les assurances s’agissant des vols. Quant aux personnes victimes d’une atteinte aux biens, elles “sont en général plus disposées à se rendre dans un commissariat de police ou dans une gendarmerie pour déposer plainte que celles ayant été exposées à une atteinte à la personne. Cependant, ce constat dépend du type d’objet volé et si le vol a abouti”, indiquent les auteurs de l’étude.

Les femmes se sentent plus souvent en insécurité que les hommes

Ainsi, les victimes d’un vol de voiture et celles d’un vol avec effraction dans leur résidence principale sont respectivement 64 % et 54 % à porter plainte en 2021. Ces taux chutent considérablement dans le cadre de simples tentatives (respectivement 24 % et 31 %), mais restent supérieurs au taux de dépôt de plainte relatif aux personnes (746 000, tout de même, dont 15 % à peine ont déposé plainte) à qui on a dérobé ou tenté de dérober le vélo (18 % et 8 %).

“Sans que le lien entre victimation et insécurité ne soit analysé dans cette étude”, il ressort qu’en 2022, les femmes se sentent plus souvent en insécurité que les hommes, que ce soit dans le quartier ou le village (21 % contre 15 %) ou à leur domicile (15 % contre 10 %). En particulier, elles renoncent nettement plus fré- quemment que les hommes à sortir seules de chez elles (27 % contre 7 %).

Les femmes se déclarent quasiment autant satisfaites de l’action des forces de sécurité que les hommes

Par ailleurs, elles se déclarent plus inquiètes à l’idée d’être victimes d’une atteinte à leur personne ou à leurs biens que les hommes. La plus grande différence entre les deux sexes concerne la crainte d’être victime d’une atteinte sexuelle (29 points), ce qui fait écho aux victimations déclarées. “Toutefois, malgré ces préoccupations sécuritaires, les femmes se déclarent quasiment autant satisfaites de l’action des forces de sécurité que les hommes, tant au plan national (55 % contre 57 %) que local (50 % contre 54 %).”

À l’exception des vols avec effraction, “quelle que soit l’atteinte individuelle considérée, les victimes sont relativement plus nombreuses parmi les personnes âgées de 18 ans à 24 ans que parmi l’ensemble de la population.” C’est particulièrement le cas pour les violences sexuelles, le taux de victimation des individus de cette tranche d’âge étant en 2021 de trois à cinq fois supérieur à celui des personnes âgées de 18 ans à 74 ans. À l’inverse, les personnes ayant entre 65 ans et 74 ans (soit la population la plus âgée étudiée dans ce rapport), sont relativement épargnés par les atteintes individuelles.

Les femmes 18 ans à 24 ans sont plus inquiètes que leurs aînés d’être victimes d’atteintes individuelles

Violences faites aux femmes. Ph d’illustration : Geralt de Pixabay

Les préoccupations sécuritaires de ces deux populations diffèrent sensiblement, probablement en lien avec les victimations subies. Les plus jeunes déclarent plus souvent que l’ensemble de la population se sentir en insécurité dans leur quartier ou dans leur village et renoncer à sortir de chez eux (respectivement + 6 et + 7 points), ce qui n’est pas le cas des seniors. Par ailleurs, les 18 ans à 24 ans sont plus inquiètes que leurs aînés d’être victimes d’atteintes individuelles, en particulier d’agressions ou de harcèlement sexuel. En revanche, la peur d’être cambriolé concerne davantage les personnes âgées de 65 ans à 74 ans que les plus jeunes (54 % contre 35 %).

Ils sont également nettement moins nombreux à observer souvent ou de temps en temps au moins un phénomène gênant dans leur quartier ou dans leur village que les seniors (36 % contre 45 %), mais un peu plus à constater souvent ou de temps en temps la présence de patrouilles à proximité de chez eux (54 % contre 49 %).

Disparités territoriales

Enfin, des disparités territoriales sont également observées, nous apprend cette étude complète, avec systématiquement des proportions de victimes relativement plus nombreuses parmi les habitants de l’unité urbaine de Paris que parmi les personnes habitant les zones rurales. C’est particulièrement le cas pour les violences sexuelles non physiques ou pour les discriminations, qui présentent des taux de victimes trois fois supérieurs dans l’unité urbaine de Paris, et davantage encore pour les vols et les tentatives de vol de vélo ou bien encore pour les vols avec violence ou menace (taux de victimes cinq fois supérieur). En ce qui concerne les préoccupations sécuritaires, les différences statistiques observées entre les Parisiens et ceux qui vivent en dehors des unités urbaines entrent en résonance avec celles relevées entre les jeunes et les seniors.

On se sent moins en insécurité à Paris, sans nul doute qu’il y a davantage de “bleu”. “Ceci traduit potentiellement des effets de structure, la population parisienne étant plus jeune que celle des zones rurales. Ainsi, à l’opposé des habitants de l’unité urbaine de Paris, ceux vivant en dehors des unités urbaines déclarent moins souvent que l’ensemble de la population se sentir en insécurité et inquiets à l’idée d’être victimes d’une atteinte, à l’exception des cambriolages. Ils sont également nettement moins nombreux.”

Olivier SCHLAMA