Avec un hélicoptère et un dispositif qui émet des ondes électromagnétiques, le BRGM cherche des gisements possibles d’eaux qui seraient présentes dans des vallées pyrénéennes, en Haute-Garonne, Ariège et les Hautes-Pyrénées. Un trésor pour les coups durs et pour nos petits-enfants. Explications de Maritxu Saplairoles, hydrogéologue sur un projet qui durera quatre ans.
Ce sont les sourciers des temps modernes. Ils ont troqué leurs baguettes pour un… hélico doté d’un hexagone qui envoient des ondes pour trouver de l’eau. Pas n’importe laquelle, ces fameuses eaux “ultimes” celles des profondeurs. Un trésor de l’humanité et qui pourraient en cas du coup dur servir à nos petits-enfants… Pour cela, il faut savoir où elle se trouve cette eau qui nous ferait traverser sécheresses qui s’annoncent elles aussi “ultimes” et… profond manque d’eau.
Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) va ainsi mener une campagne de géophysique par hélicoptère, comme Dis-Leur vous l’avait annoncé ICI, pour scanner à partir de ce mardi le sous-sol dans les grandes vallées de la Haute-Garonne, l’Ariège et les Hautes-Pyrénées. L’objectif est d’identifier des ressources en eau en étudiant les nappes fluvio-glaciaires.
Érosion intense consécutive au grand réchauffement du climat d’il y a une douzaine de milliers d’années
Dans ces trois grandes vallées pyrénéennes, de vastes couches sédimentaires pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres ont été formées à la suite de l’érosion intense consécutive au grand réchauffement du climat survenu il y a une douzaine de milliers d’années.
Encore mal connues, ces couches de sédiments post-glaciaires pourraient contenir d’importantes ressources en eau, dont le fonctionnement est encore à étudier. Pour caractériser les quantités en jeu et améliorer la connaissance de leur fonctionnement hydrogéologique, le conseil départemental de la Haute-Garonne, avec l’Agence de l’eau Adour-Garonne, la Région Occitanie, les conseils départementaux de l’Ariège et des Hautes-Pyrénées ainsi que le BRGM, lancent un programme de recherche prévu pour durer quatre années. Pour un coût de plus de 2,7 M€ (1).
Ce projet doit permettre d’élaborer un modèle géologique de mise en place des sédiments de remplissage de la vallée de la Garonne depuis la dernière glaciation. Ce modèle aidera à déterminer le positionnement des cibles privilégiées à explorer et devrait pouvoir être extrapolé aux autres vallées des Pyrénées. D’autre part, il s’agira d’étudier la nature de ces aquifères et leurs conditions de recharge en eau, notamment via des forages de reconnaissance.
Haute‑Garonne, de l’Ariège et des Hautes-Pyrénées

Hydrogéologue au BRGM, Maritxu Saplairoles dit : “La Vallée de la Garonne sera la zone test de ces possibles gisements. On cherche à savoir quelle quantités d’eau pourrait-il y avoir dans les roches de ces vallées. Nous avons des indices de présence d’eau, on voudrait les situer en profondeur ? Comment elles se rechargent ? Est-ce que ces réserves sont pérennes ? Cela pourrait être des ressources mal alimentées et si on se mettait à les exploiter, cela pourrait générer des problèmes de pénurie d’eau, par exemple. Ajoutant : “Ce projet doit durer quatre ans. Y est associé une thèse sur les volets géologiques. “Une thésarde a été recrutée qui va travailler sur les acquisitions de cette géophysique héliportée mais aussi sur ce que l’on va pouvoir réaliser au niveau des forages ; les dépouillements des carottages…”
On sait très peu de choses sur ces réserves “ultimes”. “Cela peut être des approfondissements de plusieurs centaines de mètres dans la vallée de la Garonne, notamment. C’est assez peu étudié dans les Pyrénées et pour cela on ira jusqu’à la réalisation de forages.” L’hélico va transporter une “boucle”, sorte de raquette, structure métallique de grande taille qui va émettre des ondes électromagnétiques et elles vont traverser air et sol. Ce sol qui va “répondre” en émettant des ondes secondaires qui seront récupérées par cette “boucle”. “Selon les propriétés des roches, elles réagissent différemment.” De quoi scanner puis cartographier une zone géographique.
“Là où se trouvent des dépôts de sédiments meubles les plus grossiers qui ont jadis rempli ces vallées”

L’hydrogéologue poursuit : “Ce que l’on veut surtout savoir, c’est le volume de dépôt dans ces vallées. Mais juste avec ça on n’aura pas d’info sur l’eau souterraine. Il faudra compléter avec des forages jusqu’à 300 mètres. L’hélico doit survoler ces zones jusqu’à la fin de cette semaine pour la vallée de la Garonne à raison de deux vols par jour.”
Là où l’on suspecte le plus de gisements, explique encore Maritxu Saplairoles, “c’est là où se trouvent des dépôts de sédiments meubles les plus grossiers qui ont jadis rempli ces vallées ; leurs formes a été créées par l’action des glaciers. Aux époques anciennes, ces glaciers n’ont pas été tout le temps aux mêmes endroits de ces vallées. Au fur et à mesure qu’ils avançaient ou reculaient, se sont déposés des matériaux du même type que dans les plaines alluviales : des graviers, galets, sable…”
À la Réunion, Guyane, Auvergne, Nouvelle-Aquitaine
Les levés aéroportés ne survolent pas les agglomérations, “sont sans impact pour l’environnement ou la santé et fournissent rapidement une vision continue du sous-sol, en carte ou en 3D, indépendamment des occupations en surface”, affirme le BRGM. Ce survol aura pour but d’imager les contrastes de résistivité électrique du sous-sol. In fine, les mesures, couplées à des observations géologiques et hydrogéologiques, permettront aux scientifiques d’imager, jusqu’à une profondeur de 300 mètres environ, la géométrie des couches géologiques ainsi que leurs structurations et apporteront donc des informations clefs pour la connaissance des écoulements d’eau. Cette campagne de levés géophysiques par hélicoptère totalisera 800 km de lignes de vol et se focalisera sur les vallées de la Garonne, des Nestes (d’Aure et du Louron), du Gave de Pau et de l’Ariège.

Cette technique a déjà été employée dans plusieurs zones. D’abord, en outre-mer, à la Réunion, en Guyane, et plus récemment en Auvergne dans le Massif Central, en 2020 et en Nouvelle-Aquitaine. “Là encore, c’était juste un objectif de reconnaissance. Sur la nature des roches. Et par la suite, on pourra lancer des études spécifiques. Sur de la recherche d’eau, par exemple.” Et : “Concernant les levés réalisés en Auvergne sur la Chaîne des Puys en 2020, ils ont eu un objectif d’amélioration de la connaissance du sous-sol pour, à terme, mieux répondre aux enjeux liés à la ressource en eau et à sa gestion, à la géothermie, à la ressource en matériaux, à l’aménagement du territoire ou encore aux mouvements de terrain.” À la Réunion, “il y a eu des campagnes de forages qui a permis de trouver de l’eau”.
Le BRGM a-t-il pour but de cartographier ainsi la France entière ? “Avec des opportunité de cofinancements, oui, ce serait quelque chose d’intéressant. Cette connaissance amène à mieux connaître la nature des roches, de possibles mouvements de terrain, cela pourrait servir à la recherche minière aussi…”
Olivier SCHLAMA
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(1) L’étude, d’un budget global de 2 748 800 € HT, bénéficiera d’une participation de 550 000 € du BRGM (fonds de l’État pour charges de service public). Elle sera financée par l’Agence de l’eau Adour Garonne à hauteur de 70 %, soit 1 539 160 €, et par la Région Occitanie à hauteur de 10 %, soit 200 000 €, La part de la maitrise d’ouvrage des collectivités territoriales à hauteur de 21 %, soit 459640 € est répartie entre : le département de la Haute-Garonne, à hauteur de 290 440 €, le département des Hautes-Pyrénées, à hauteur de 94 200 €, et le département de l’Ariège, à hauteur de 75 000 €.