Parité : “À peine 12 agglos sur 156 présidées par des femmes en Occitanie !”

Les femmes haussent le ton... DR.

Pour la première fois, en même temps, des femmes deviennent Première ministre et présidente de l’Assemblée nationale. Dans les agglomérations, c’est morne plaine. En Occitanie, il n’y a que 12 présidentes sur 156 EPCI ! “Et c’est pourtant là que s’exerce le vrai pouvoir !”, secoue la présidente nationale d’Elles Aussi, réseau associatif qui organise le 6 juillet la 1er Marianne de la parité, à Toulouse, pour récompenser les agglos les plus vertueuses. Et qui milite pour changer la loi.

Pour les indécrottables machos grincheux, oui : c’est la première fois que les planètes de la parité s’alignent au plus haut niveau. Pour la première fois de son histoire, la France est gouvernée en même temps par une Première ministre, Elisabeth Borne, et porte à l’Assemblée nationale une présidente, Yaël Braun-Puvet. Mais, c’est un cache-misère. L’arbre qui cache la forêt. Pour ne parler que de la féminisation de l’Assemblée, elle est en recul, avec seulement 215 (37,3 %) femmes élues députées, le 19 juin dernier !

Députation : autant de femmes que d’hommes candidats

Jour de vote. Archives. O.SC.

Le bastion où l’on confectionne les lois reste massivement masculin dans l’Hémicycle. Une première inquiétante à ce niveau depuis 1988. C’est en 2000 qu’une nouvelle loi est promulguée, censée inciter les partis à présenter autant de femmes que d’hommes à certaines élections. Mais cette égalité est souvent artificielle. D’abord elle est facultative : si la règle n’est pas respectée, des pénalités sont déduites des aides publiques aux partis. On parle de 28 M€ tout de même… Et puis, la répartition des dossiers et des délégations est souvent genrée : on est dans l’entre-soi masculin.

D’ailleurs, inquiète, une porte-parole du PS, Gabrielle Siry-Houari, regrette à l’envi que son parti participe du recul de la féminisation de l’Assemblée en investissant moins de femmes que d’hommes dans les circonscriptions les plus gagnables. Elle souhaite profiter du congrès du parti à la Rose, dans quelques mois, pour en réviser les statuts.

Présidences d’agglos : chasse gardée des hommes

Et là, nous n’évoquons que des élections au suffrage direct. Quand un scrutin est soumis à un vote indirect, la porte de la présidence s’ouvre rarement à une femme. C’est le cas des agglomérations. C’est ce que l’on appelle, en coulisses, le 3e tour des élections municipales. Une fois que les nouveaux maires sont élus et installés, ceux d’une même intercommunalité se réunissent entre eux. Et là, c’est quasiment chasse gardée pour la gent masculine.

Et c’est pourtant là que s’exerce le vrai pouvoir !”, intervient Danièle Bouchoule, présidente nationale d’Elles Aussi (1), qui fut professeure de physique en classe préparatoire, avant la retraite, et conseillère municipale (de 2014 à 2020) à Olivet (Loiret). Caroline Antonio, présidente de la nouvelle antenne d’Occitanie, regarde plus loin : “Il n’y a pas que le nombre de femmes présidentes ou vice-présidentes d’une agglo ou d’une communauté de communes. Il faut aussi regarder quelles sont les délégations qu’on leur confie. Si c’est les finances, la voirie, etc.”

Récompenser les intercommunalités les plus proactives

C’est pour cette raison, et d’autres, que le réseau associatif Elles Aussi, qui compte désormais sept antennes et neuf assos partenaires, organise le 6 juillet prochain les premiers trophées de la Marianne de la Parité en Occitanie, à l’hôtel de Région, à Toulouse. Visant à récompenser les intercommunalités “les plus proactives” en la matière. Pour ce faire, Elles Aussi va examiner 156 intercommunalités dans les 13 départements d’Occitanie qui ne comptent que 12 présidentes (!). Pour pouvoir remettre ces trophées en octobre prochain à celles qui sont le plus respectueuses de la parité. Et les mettre en lumière comme des exemples à suivre.

Une première dans la région Occitanie

“C’est une première dans la région. Ce sera aussi l’occasion de lancer officiellement l’antenne d’Occitanie que préside Caroline Antonio, adjointe au maire de Giroussens, par ailleurs consultante en ressources humaines et fêter les 30 ans de ce réseau associatif national”, explique la journaliste Gwenaëlle Guerlavais, membre de Elles Aussi. Qui est un réseau “pluraliste” ; “indépendant des partis et des religions et attaché aux droits des femmes”, précise Danièle Bouchoule, co-présidente nationale de ce mouvement pour la parité – avec Reine Lepinay, membre également du Haut conseil à l’égalité – qui, organise, par ailleurs, des “actions de sensibilisation dans la société civile, auprès du gouvernement, des parlementaires”

On compte, parmi les maires, seulement 20 % de femmes ; 10 % de présidentes d’intercommunalités et pour l’Occitanie, c’est pire : seulement un président sur 14 est une présidente…”

Christine Rachet-Maka
Une AG d’Elles Aussi. DR.

Les chiffres, avancés par Danièle Bouchoule, mettent en évidence la carence de femmes aux postes à responsabilités : il n’y a que 26 % de vice-présidentes et très peu de présidentes. Trésorière de l’antenne d’Occitanie, Christine Rachet-Maka, 60 ans, cheffe d’entreprises dans l’informatique, sait de quoi elle parle. Conseillère municipale Saint Clément de Rivière, près de Montpellier ; conseillère communautaire du Grand Pic-Saint-Loup ; conseillère prud’homale à Montpellier, complète. Implacable : “On compte, parmi les maires, seulement 20 % de femmes ; 10 % de présidentes d’intercommunalités et pour l’Occitanie, c’est pire : seulement un président sur 14 est une présidente…”

“Certains partis préfèrent encore payer des pénalités que d’être paritaires. On en est à 28 M€…”

Christine Rachet Maka
Cheffe d’entreprises. Trésorière d’Elles Aussi. DR

Soit seulement 12 présidentes sur 156 EPCI en Occitanie ! Les départements, eux, comptent seulement 50 % de conseillers généraux mais elles sont 10 % à peine à accéder à la présidence. Au Sénat, il n’y a que 34,8 % de sénatrices.” Et donc que 37,3 % de députées : “Certains partis préfèrent encore payer des pénalités que d’être paritaires. On en est à 28 M€…”, affirme encore Christine Rachet-Maka. Alors que la parité s’impose sur les listes aux élections municipales.

“Pour les intercommunalités, il faut revoir la loi ; il n’y a que cela qui marche”

Le message de ces femmes réunies autour de la bannière de la parité se résume ainsi : “Oui la situation s’améliore, mais nous partons de tellement loin… Et la situation reste très fragile (regardons ce qui se passe aux Etats-Unis sur le droit à l’avortement !). Et puis, note encore Gwenaëlle Guerlavais, quand il n’y a pas de loi, ça n’avance pas…” Quelle solutions, alors ? “Pour les intercommunalités, il faut donc de revoir la loi ; il n’y a que cela qui marche ; c’est pareil dans le monde économique, disent en choeur Isabelle Germain et Caroline Antonio.

“Ce n’est pas une histoire de femmes, c’est une histoire de société…”

Caroline Antonio, déléguée régionale Occitanie Elles Aussi. DR.

“Il y a eu des tentatives de loi mais cela a avorté à l’Assemblée. Cela peut paraître choquant de demander encore l’imposition d’une loi mais l’histoire française a montré que c’était la seule solution pour bousculer les vieilles habitudes patriarcales de notre pays…” Et Caroline Antonio de pointer : “Ce n’est pas une histoire de femmes, c’est une histoire de société ; c’est comment on organise demain la société. Faut-il le rappeler, les femmes représentent 52 % de l’électorat. On est bien loin de ce nombre dans leur représentativité…”

Danièle Bouchoule, la co-présidente nationale de Elles Aussi, propose également “d’aller vers une fusion des petites communes et surtout de changer le mode d’élection : procéder aux élections dans les agglos au suffrage universel direct.” Spécialiste de la question, la journaliste Isabelle Germain, marraine de l’événement est définitive : “La seule façon de faire c’est de faire voter des lois fortes, des lois contraignantes sur ce sujet.”

Les maires, souvent des hommes, n’envoient pas facilement l’un de leurs adjoints siéger et décider pour leur agglomération”

Gilles D’Ettore, président d’Hérault Méditerranée

Pour le maire d’Agde et président de l’agglo Hérault Méditerranée, Gilles d’Ettore (LR), “la parité est une préoccupation, oui. Je n’ai que trois femmes vice-présidentes sur quinze : Gwendoline Chaudoir, Véronique Rey et Françoise Membrilla (toutes deux élues d’Agde, commune centre, Ndlr). Pourquoi ? Parce que la première est la maire de Portiragnes. Les maires, souvent des hommes, n’envoient pas facilement l’un de leurs adjoints siéger et décider pour leur agglomération. Regardez le maire de Pézenas qui vient d’être élu pour la première fois : c’est lui qui siège… Personnellement, pour le fonctionnement de l’agglo ou de la mairie, aux postes-clefs des administrations, j’ai installé, à chaque fois, une femme ET un homme DGA.” 

Olivier SCHLAMA

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  • (1) Elles Aussi se donne comme objectif de “mettre à l’honneur les intercommunalités qui n’attendent pas les obligations règlementaires pour appliquer ou tendre vers le principe de la parité dans les assemblées et les exécutifs, avec une politique volontariste en la matière. Mais aussi de : “Rendre visibles les femmes qui se sont engagées à prendre des responsabilités dans les conseils communautaires, notamment à des postes exécutifs ou dans des commissions encore fortement genrées.” Et, enfin, de “sensibiliser les élu.es et la société sur le manque de parité dans les EPCI, organes importants du pouvoir local, dont les compétences et les moyens ne cessent de croître”.
  • Les six associations fondatrices sont : l’Action Catholique Générale Féminine (ACGF), l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, Femmes d’Alsace et l’Union Féminine Civique et Sociale (UFCS, la Fédération des associations de femmes élues des collectivités locales (FACM) et Grain de Sel-Rencontres. Ces deux dernières ont disparu depuis plus de 10 ans. Les autres sont toujours actives et présentes au CA et au bureau.

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