Parité : Le “pouvoir” économique reste difficilement accessible

Des femmes à égalité avec les hommes ? Le monde économique a du mal à s'y faire... Photo D.-R.

La troisième Assemblée régionale des femmes d’Occitanie s’est tenue à Carcassonne (Aude). Après les haltes à Colomiers (HauteGaronne) en 2016 et à Saint-Affrique (Aveyron) en 2017…

La réunion, qui a rassemblé près de cent cinquante personnes, a été accueillie dans les locaux que la CCI de l’Aude va partager avec la Maison de la Région Occitanie. Un cadre particulièrement approprié pour des travaux portant sur la place des femmes dans les lieux de pouvoir économique et politique…

Un rôle majeur mais trop peu de présence

Geneviève Tapié, présidente de l’observatoire régional de la parité en Occitanie. photo D.-R.

« La citoyenneté économique pèse autant que la citoyenneté politique. Voilà pourquoi l’Observatoire régional de la parité d’Occitanie a voulu apporter un éclairage précis sur la place des femmes dans les chambres consulaires en Occitanie et actualiser les travaux réalisés en 2010 et 2013 », explique la présidente de l’Observatoire régional de la parité en Occitanie, Geneviève Tapié, mettant en exergue la thématique développée cette année : la place des femmes dans les chambres consulaires en Occitanie.

“Les élection consulaires apparaissent moins dans la lumière des médias et des débats publics que les élections politiques (…) Pourtant la désignation des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), des Chambres de commerce et d’industrie (CCI) et des chambres d’agriculture (CA) constitue un enjeu important. Elles jouent un rôle majeur dans le développement économique des territoires (…) Ce sont des lieux de pouvoir, parce que la citoyenneté économique pèse autant que la citoyenneté politique…”, insiste Mme Tapié.

La Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée compte aujourd’hui 42 assemblées consulaires réparties entre les 3 types de chambre, chacun représentés tant au niveau départemental (13 Chambres territoriale) qu’au niveau régional (3 chambres régionales) que l’Observatoire régional de la parité d’Occitanie a passé au crible de la parité, afin d’évaluer le poids de la représentation féminine dans les mandats économiques.

Pas de quoi pavoiser…

C’est Mathilde Combes, étudiante en 3e année de Science politique à l’Université de Montpellier, qui a présenté l’étude réalisée lors de son stage à l’Observatoire, sous la direction d’Aurelia Troupel, maîtresse de conférence. Il en ressort que la place des femmes dans la sphère économique est évaluée à un peu moins de 30 % (28,42%) et que la présidence n’est assurée que par trois femmes sur 42 Chambres : Christine Valentin (CA Lozère), Florence Vignal (CMA Lozère) et Christine Sahuet (CMA Aveyron). Pas de quoi pavoiser, donc.

D’autant que  les femmes n’occupent que 21,9 % des sièges des bureaux des chambres consulaires territoriales, avec de très fortes disparités : de 11,1 % (CCI de l’Hérault et des Pyrénées Orientales, CA de l’Aude) à 45,4 % (CMA de l’Aveyron) et 50 % (CCI du Gard). Cette situation est particulièrement mauvaise dans les Chambres régionales avec une moyenne de 12 % !

Des responsabilités difficilement accessibles aux femmes

Les débats sur la parité ont encore de l’avenir… photo D.-R.

Constat de l’étude menée par l’observatoire : En règle générale, les dirigeantes d’entreprises sont peu nombreuses en France, quelle que soit le définition du groupe retenu. Il en découle que “les responsabilités dans le monde économique sont aujourd’hui encore plus difficilement accessibles aux femmes que dans le monde politique. Pourtant, la sphère économique était “en avance” sur le politique jusqu’en 1945 : ainsi les commerçantes ont le droit de voter aux élections consulaires depuis 1898 ; les femmes sont devenues électrices en 1907, puis éligibles en 1908 aux prud’hommes. Et, au terme d’un vif débat sur une proposition de loi portée par un sénateur de l’Hérault, Mario Roustan (circonscription de Sète) l’éligibilité leur est accordée en 1924 pour les CCI…”

Or, à l’inverse des Assemblées politiques locales (municipalités de 1 000 habitants et plus, départements, régions), l’élection des exécutifs économiques échappe à toute contrainte légale. La place des femmes au plus haut niveau de la gouvernance des Chambres reste donc intimement liée  au degré de volonté des décideurs.

En ouvrant les travaux de cette Assemblée 2018, le préfet de l’Aude, Alain Thirion, avec une ardente conviction, avait mis en perspective l’action de l’Observatoire : « La conquête de vos droits, c’est l’accomplissement de la République. Des conquêtes de haute lutte ont permis des avancées. Mais l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas acquise. La haute administration et la politique ne montrent pas l’exemple. Vous avez mon appui, en tant qu’homme et en tant que préfet. Une République sans discrimination, où les femmes ont toute leur place, est une République accomplie… »

Nécessaire de développer la confiance en soi

La tribune de la 3e Assemblée des Femmes d’Occitanie… Photo D.-R.

Les nombreux intervenants ont bien montré qu’il y a encore un long chemin à faire. Ainsi, Catherine Hugonet (directrice régionale aux Droits des femmes et
à l’égalité entre les femmes et les hommes, Région Occitanie) a souligné qu’« au delà de la Loi, il y a une nécessité d’approche globale de la place et du rôle des femmes dans la société. Les inégalités se logent partout: les relations privées, l’espace public (…) il faut travailler le fond , sur les stéréotypes, sur les rôles sociaux que doivent jouer les femmes et les hommes. Il faut déconstruire l’imaginaire collectif. Pour que les femmes puissent s’engager davantage, il faut les accompagner par la formation, le monitorat, les réseaux de femmes. Quelle que soit la taille de l’entreprise, l’employeur à une responsabilité sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Il doit prendre des mesures pour y arriver… »

Et Christine Téqui, vice-présidente du conseil départemental de l’Ariège soulignait : « La disponibilité est une question commune aux femmes et aux hommes. C’est l’organisation de la société qui fait que, depuis des millénaires, la cellule familiale est gérée par des femmes. » Une table  ronde consacrée aux “femmes d’action en France et en Allemagne” a permis de comparer les deux pays, avec des constats très proches. « Il y a souvent un manque de confiance des femmes. Nous devons convaincre les femmes cadres de le dépasser », a notamment insisté la directrice régionale de l’enseigne Lidl, Hélène Vivien, intervenant sur la politique d’égalité hommes/femmes de son entreprise.

« La question de savoir si j’étais à ma place ou non ne s’est jamais posée. Je fais partie d’un groupe de vigneronnes qui a la transmission pour objectif. Nous allons à la rencontre des jeunes. Je suis frappée par leur manque de confiance. Elles sont étonnées que nous soyons des femmes vigneronnes. Ca confirme l’importance d’intervenir auprès des jeunes filles », a surenchéri Françoise Antech, PDG de la Maison Antech à Limoux, lauréate en 2016 du Prix Femmes à l’International.

L’égalité, une priorité en Occitanie

« Le combat pour l’égalité n’est pas sectoriel et régional, mais transversal et universel. Face à la montée des populismes l’Europe doit être une terre de progrès dans cette marche vers l’égalité. Lors des prochaines élections européennes je serai donc attentive à la place de l’égalité dans les programmes. Pour sa part, la Région, sur l’impulsion de Carole Delga, a fait de l’égalité une de ses priorités et a lancé, en décembre 2017, le premier plan d’actions en France en faveur de l’égalité réelle… », a précisé quant à elle Hélène Giral,  présidente de la commission Emploi – Formation professionnelle – Apprentissage au Conseil régional.

Et la parole, pour conclure (provisoirement), à Geneviève Tapié, infatigable présidente de l’Observatoire : “Parce que la citoyenneté économique pèse autant que la citoyenneté politique, l’Observatoire régional de la parité d’Occitanie a voulu donner un éclairage précis, factuel, chiffré sur la place des femmes dans les Chambres consulaires, en Occitanie, en 2018 (…) Nous continuons à tracer le sillon du partage des données et de la réflexion collective. Le constat que notre étude établit confirme que, dans ce domaine comme dans celui de la politique, des
avancées sont enregistrées, mais que nous ne sommes pas au bout du chemin. La parité complète entre les femmes et les hommes, la parité réelle, n’est pas acquise. Notre rapport confirme que lorsque la contrainte de la loi encadre ce mode de scrutin, comme pour les Chambres de métiers et de l’artisanat, les résultats, sans être flambants, sont meilleurs. Nous devons donc garder notre cap…”

Philippe MOURET