C’est la première fois qu’un territoire aussi grand se dote d’un outil pour promouvoir une valeur citoyenne primordiale et la “rendre désirable” notamment auprès des jeunes, bombardés de fake news. A venir à partir de 2025 : une Journée régionale de la laïcité, des actions de soutien auprès des collectivités…
Voix presque éteinte mais volonté toujours inoxydable, Carole Delga définit cette nouvelle instance comme étant un “collectif fédérateur pour faire vivre la laïcité de terrain et l’idéal républicain”. Pourquoi un conseil régional de la laïcité ? “Tous citoyens, tous laïques : notre modèle de société”, a ajouté Carole Delga, vendredi lors du lancement officiel. Avec 60 membres (1) répartis dans trois collèges et deux parrains que sont Henri Peña-Ruiz, professeur de khâgne honoraire, agrégé de l’université et docteur en philosophie et Frédérique de la Morena, maîtresse de conférences en droit public à l’université Toulouse Capitole.
Initiative unique en France sur une région entière
Cette initiative est unique en France par son périmètre territorial : sur toute la région Occitanie. La date est autant de symbole : à la veille de la Journée nationale de la laïcité, célébrant la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, a installé vendredi ce Conseil régional de la laïcité et des valeurs républicaines, instance fédératrice unique en France à l’échelle régionale. Ce lancement a notamment permis de fixer la feuille de route et les futurs axes de travail, d’installer les trois pôles du Conseil et de dévoiler les noms, les institutions et les structures de ses 60 membres (ci-dessous) dont le tout premier objectif est de créer une Journée régionale de la laïcité pour les 120 ans de la loi sur la laïcité en 2025. La Région soutiendra aussi “les bonnes initiatives en mettant en avant vos travaux et évènements dans les territoires. C’est une laïcité tout terrain que je souhaite en Occitanie”.
“Notre responsabilité est immense pour redonner espoir, un sens commun”
(…) “Je crois profondément que notre pays a besoin de rassemblement et de Concorde, a souligné la présidente de la région Occitanie. Réunir est un projet d’une grande modernité dans une société fracturée socialement, économiquement, et entre territoires.” Carole Delga a poursuivi avec des mots forts : “Notre société est fracturée, oui. La fatigue démocratique est intense, livrant notre pays aux réseaux sociaux, aux outrances, aux violences et discriminations multiples, servant les ennemis de la République et de la Laïcité. Nous sentons que nous sommes au bord du gouffre démocratique. Notre responsabilité est immense pour redonner espoir, un sens commun. Car les adversaires de la laïcité s’appuient sur ces doutes pour justifier la primauté de la Religion sur les vies et la société. D’autres, porte-drapeaux du racisme et de la xénophobie, en profitent pour justifier qu’on ne peut pas vivre ensemble.”
“Mon objectif est de rendre la laïcité désirable”
La création du conseil régional de la laïcité est une “initiative politique forte”, dont l’objectif est de promouvoir une laïcité de terrain, d’accompagner sa mise en application sur le territoire par la lutte contre les discriminations notamment et de construire une “république apaisée, assurant pour chacune et chacun la réalité de nos valeurs républicaines : liberté, égalité, fraternité”.
“Mon objectif est de rendre la laïcité désirable, en premier lieu pour la jeunesse, à l’école.
L’école et la jeunesse : pilier de notre combat.” Présidé par la présidente de Région, le conseil est composé de 60 membres, répartis entre trois pôles : “société”, “sages”, et “élus”, d’un parrain et d’une marraine, Henri Peña-Ruiz et Frédérique de la Morena, ainsi que d’une conseillère régionale dédiée à la laïcité, Sabrina Delrieu, et d’un conseiller régional chargé de la lutte contre les discriminations, Hussein Bourgi.
Samuel Paty, Dominique Bernard, ont été assassinés parce qu’ils mettaient en œuvre concrètement la laïcité”
L’histoire récente a marqué la conscience collective. “Samuel Paty, Dominique Bernard, ont été assassinés parce qu’ils mettaient en œuvre concrètement la laïcité. Je me reconnais dans l’alerte de Iannis Roder, qui nous fait l’amitié de participer à nos travaux, quand il s’inquiète qu’à “l’école, nombre d’entorses à la laïcité passent sous les radars» et qu’il refuse la fatalité de ses manquements.” (…) Et : “La communauté éducative devra pouvoir compter sur nos travaux pour trouver un soutien sans faille.” Et également : “Ce que nous visons et chérissons, c’est la République laïque de Jaurès “La République doit être laïque et sociale ; elle restera laïque si elle reste sociale”, disait il.”
Agir pour la laïcité est porteur de sens dans un territoire particulièrement marqué par les guerres de religion et par l’effondrement d’une République voisine”
La présidente de la région Occitanie le reconnaît volontiers : “Je ne suis pas la première, ni la dernière sans-doute à créer une telle instance. En effet, depuis quelques années, d’autres font ce choix, dans le sillon de ce que la ville de Toulouse avait créé après les attentats de 2012.” Comme le département de la Haute-Garonne, “précurseur puisqu’il y a maintenant deux ans, le département s’est doté d’un Conseil de la laïcité.”
“Il existe aussi des structures nationales : le Comité Interministériel de la laïcité ; le Conseil des Sages de l’Education Nationale. Mais pas au niveau régional. Cette démarche est donc inédite et participe de la grande mobilisation nécessaire à notre idéal républicain commun. Car ce combat partout n’est jamais terminé. Agir pour la laïcité à l’échelle de notre Région est porteur de sens dans un territoire particulièrement marqué par les guerres de religion et par l’effondrement d’une République voisine.” À la guerre des Cévennes lors de la révocation de l’Edit de Nantes à la fin du 17e siècle. “Des protestants furent convertis de force, ce qui provoqua des soulèvements de paysans protestants pendant plus de 20 ans ou encore l’affaire Merah, en 2012, c’est l’année où à Toulouse, des juifs furent tués parce que juifs. Quand un islamiste trouva suffisamment de noirceur en lui pour assassiner des enfants…”
Des actions du conseil sur le temps long également
Outre une Journée de la laïcité en 2025, Carole Delga a dit envisager “la réalisation d’un ouvrage sur la laïcité en Occitanie qui marquerait et matérialiserait ces 120 ans de la loi de 1905” ; “le lancement d’un prix de la laïcité Occitanie, avec une cérémonie chaque année au mois de décembre. Avec des lauréats dans trois grandes catégories : les prix jeunesse, les prix d’initiatives locales, régionales et nationales et les prix scientifiques.”
“Dans le temps long”, la présidente de la région Occitanie veut aller plus loin : “Nous devrons produire un rapport sur la réalité de la laïcité en Occitanie pour ajuster les actions futures du Conseil. Nous proposerons un vademecum aux élus de la Région, et nous assurerons un soutien aux collectivités de la Région qui le demandent.” Par ailleurs, l’action de l’Education nationale est “particulièrement ambitieuse, notamment dans nos deux académies (…) Je souhaite renforcer notre partenariat sur cette question afin que dans nos lycées, nous prenions davantage notre part au travail de transmission.” Enfin, Carole Delga veut que soient créer “des contenus audiovisuels, pour faire la promotion de la laïcité. et mener la bataille qui se joue sur les réseaux sociaux contre les identitaires et intégristes”.
La région a promu d’autres actions par le passé
Ce conseil régional de la laïcité vient parachever toute une série d’actions menées par la région Occitanie ces dernières années avec la création du programme Occit’avenir pour soutenir des projets lycéens, avec un axe dédié à la laïcité et la citoyenneté ; le soutien au dispositif Esprit’Critik porté le Club de la presse de Montpellier, pour sensibiliser les jeunes à la fabrique de l’information, à la liberté de conscience et à la liberté d’expression ; la mise en place de formations et d’un référent laïcité au sein la collectivité ; la projection sur les Hôtels de Région de Toulouse et Montpellier en octobre 2020 des caricatures de Charlie Hebdo, en hommage à Samuel Paty.
Mais aussi la projection sur les Hôtels de Région de Toulouse et Montpellier en octobre 2021 du portrait de Samuel Paty et des extraits du recueil Touche pas mon professeur, réalisé par les élèves et enseignants du collège Jean Racine à Alès ; accueil en 2022 de l’exposition Le Rire de Cabu (plus de 25 000 visiteurs), composée de 350 œuvres du dessinateur de presse assassiné lors des attentats de 2015 ; soutien au livre « Crayon noir – Samuel Paty, histoire d’un prof » de Valérie Igounet et de Guy Le Besnerais paru en 2023 et mis à disposition par la Région dans tous les CDI des lycées d’Occitanie.
La laïcité en danger pour 80 % des Français
Vingt ans après l’adoption de la loi de 2004 sur les signes religieux dans les écoles françaises, huit français sur dix estiment que la laïcité est en danger (augmentation de 20 pts comparé à 2005 – 78% aujourd’hui contre 58%), et ce quels que soient leur opinion politique et leur âge (source : étude Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro 2024). D’après cette étude :
• 82% des français sont favorables à la loi interdisant le port de signes religieux à l’école (+ 17 points comparé à 2005) ;
• 64% considèrent que l’espace public est le premier lieu d’atteinte à la laïcité ;
• 87% des Français considèrent que cette loi permet de garantir la liberté de conscience et 78% qu’elle n’est pas “antireligieuse”.
O.SC.
Collège société du conseil de la laïcité :
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(1) Christophe ABERLENC (Union des Familles Laïques – UFAL), Baya ADJI (O laïc 34), Bruce ALARY (Comité laïcité République – CLR), Myriam ANDRÉ (Maison de la laïcité 12), Bernard BOS (Grand Orient de France – GODF), Jean-Michel CAPUANO (Observatoire de la laïcité de la Lozère), André CARRETIER (Cercle laïque de Colomiers), Ludovic DANDINE (Fédération Léo Lagrange), Robert DELON (Fédération audoise des œuvres laïques), Lucas DUVAL (LICRA), Carmen ESCLOPE, déléguée départementale de l’Éducation nationale, Sébastien GILBERT, Fédération des conseils de parents d’élèves de parents d’élèves, FCPE, Hervé GUEGAN (Ligue de l’Enseignement), Françoise LABORDE (Egale), Kamyar MAJDFAR (LE&C Grand Sud), Jean-Marie MATISSON (Unité laïque), Liliane MIRVILLE (représentée) Grande Loge Féminine Française, Brigitte MORHAIN, Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public – PEEP, Anne-Flora MORIN POULARD, Francas d’Occitanie, Laurent POULAIN, Laicïté 30, Olivier-Ronan RIVAT, président du CRIJ Occitanie, Martine ROUX, Droit Humain, Nassera SI ALI, SOS Racisme, Thierry ZAVERONI (représenté) Grande Loge de France.
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Syndicats : Hervé AUSSEL, CFDT, Antoine LOGUILLARD, UNSA, Lionel PASTRE, CGT, Pierre PRIOURET, FSU
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Institutionnels : Sophie BÉJEAN, Rectrice de l’académie de Montpellier (34) et de la région académique d’Occitanie, Mostafa FOURAR, Recteur Académie de Toulouse (31), Thierry CARRERE, président de l’école d’avocats du Sud-Ouest, Jean-Louis CHAUZY, président du CESER Occitanie, Jacques PARDAILHE.
Collège des Sages :
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Joël ANDRIANTSIMBAZOVINA, professeur de droit public, Georges BRINGUIER, inspecteur de l’Éducation nationale honoraire, Médéric CHAPITAUX, spécialiste du sport et de la laïcité, Jean-Michel DUCOMTE, professeur de sciences politiques à la retraite, ancien président national de la ligue de l’enseignement, Michel MIAILLE, professeur de droit public, Agnès PERRIN DOUCEY, maître de conférence de littérature, Mathilde PHILIP GAY, professeure de droit public, Gilles RICHARD, chargé d’enseignement en droit public, Iannis RODER, professeur dans le secondaire, Éric SALES, professeur de droit public, Alain SEKSIG, ancien instituteur, inspecteur général de l’Education nationale.