La société Moov propose sa nouvelle vision du déplacement péri-urbain, avec une formule tarifaire originale qui s’adapte au nombre de voyageurs. Dix véhicules légers avec chauffeur sont en test depuis le 1er août entre Montpellier et Sète. Vers une nouvelle notion du transport de personnes ?
La particularité du voyage proposé par Moov tient à l’utilisation de véhicules de grande capacité. Dotés de 7 places individuelles, disposées 3 par 3 en face à face, climatisés, ils permettent des déplacements en famille ou entre amis dans des conditions de grand confort. Ce grand nombre de places, c’est l’astuce qui fait l’originalité du concept de Moov. Quand le véhicule n’est pas complet, grâce à l’application installée sur son mobile, il est possible de recruter et d’accueillir des co-voyageurs supplémentaires et de partager le coût du trajet.
C’est le partage qui réduit le prix
Le principe est simple. Plus il y a de co-voyageurs moins le montant par personne est élevé. Par exemple, pour un trajet Montpellier-Sète qui demande environ 30 minutes, le tarif est de 65 euros. C’est ce que paiera un voyageur seul. S’il y a 7 personnes embarquées, chacune règlera moins de 10 euros. Le coût est réparti sur les 7 voyageurs.
Question tarif, Vincent Dumoulin, directeur du développement de Vortex, société co fondatrice de Moov assure que « pour un même trajet pour une seule personne, Moov est comparable au prix d’un taxi ». Ce que nous avons pu vérifier sur un trajet Montpellier-Sète.
“L’idée majeure est quand même celle de réduire le coût par le co-voyage. Tout a été pensé pour encourager cela”, insiste Vincent Dumoulin. “Les véhicules sont spacieux. Ils disposent d’un grand coffre qui permet d’embarquer bagages et colis. L’application MoovApp à installer sur son téléphone mobile, permet très facilement de commander un ou plusieurs trajets directement. Cette formule est idéale pour des déplacements loisirs ou professionnels de 10 à 15 kms, soit environ 20 à 30 minutes de trajet. C’est bien utile aussi la nuit grâce à la disponibilité de 24h/24, sept jours sur sept.”
Vincent Dumoulin : “Nous vivons une profonde mutation. Les acteurs du transport n’en sont pas à l’origine. Ce sont les acteurs du monde du digital, les start-ups et les plateformes qui se développent aujourd’hui sous l’appellation VTC (Véhicule de transport avec chauffeur). Cela a considérablement modifié les usages. Dans les très grandes métropoles, le VTC est devenu un standard. Que ce soit pour commander un VTC ou un taxi, tout le monde passe par une application installée sur son mobile. Tout est dématérialisé depuis la commande jusqu’à la facture. C’est ce que nous proposons dès le départ avec Moov en y ajoutant la possibilité de réduire le coût de son voyage. Lors de la commande du trajet, il suffit de cocher la case « j’accepte d’autres passagers… » ce qui permet de trouver d’autres co-voyageurs intéressés et de les embarquer au fur et à mesure du trajet”.
Si la société Vortex est à l’origine du concept Moov c’est parce qu’elle connait bien le sujet. Depuis 1999 elle est spécialisée dans le transport de personnes avec des véhicules de moins de dix places. Vincent Dumoulin annonce pour Vortex Mobilité un chiffre d’affaires 2017 de à 47 millions d’euros et 2 500 conducteurs en France. L’entreprise finance le projet sur ses fonds propres. Elle a un partenaire technologique la société LRD de Castelnau-le-Lez, qui est également associé à l’entreprise Moov. C’est elle qui développe l’application. “Les compétences transports et informatiques sont indispensables”.
L’usage plutôt que la possession
Le concept de la voiture de transport avec chauffeur évite d’utiliser sa propre voiture. Pas de coût de place de parking, ni de temps perdu à chercher une place pour se garer. Pas besoin non plus de tirer au sort pour désigner celle ou celui qui ne boira pas puisque Le véhicule dispose d’un conducteur. Le temps du déplacement peut aussi être occupé à lire ou à travailler. Pas de frais d‘entretien ou de rendez-vous chez le garagiste à prévoir.
Vincent Dumoulin témoigne : “Nous faisons l’analyse que posséder une voiture individuelle devient un vrai problème. On mesure les contraintes de cette logique qui nous coûte cher. Cela mobilise du capital, on paye les amendes, il y a de plus en plus de réglementations. Parallèlement, les offres comme le VTC se multiplient et deviennent accessibles. Si on pousse l’analyse plus loin et que cela devienne un standard partout, on peut se demander à quoi ça sert d’avoir un véhicule individuel, si on s’en sert moins. On ne va pas la laisser au garage, ça coûte de l’argent.”
Selon le mode de calcul, un véhicule individuel moyen revient, entre 8000 et 9300 euros par an à son utilisateur. Cela équivaut à une dépense journalière de 22 à 25 euros et ce, 365 jours par an. Il y aurait donc là un budget mobilisable vers d’autres façons de se déplacer. Le co-voyage en est-il une ?
Naissance de l’économie de la fonctionnalité
Autrefois, tout le monde rêvait de posséder son automobile. Disposer du dernier véhicule était l’apogée de la modernité. Comme le chantait avec humour Boris Vian, le comble du cadeau d’amour contemporain était matériel. “Viens m’embrasser, et je te donnerai, un frigidaire, un joli scooter, un atomixer… […] aujourd’hui, c’est plus pareil, ça change, ça change…”
Le monde change en effet. Nous sommes en train de passer d’une logique de possession à celle de l’utilisation. On offre de l’usage, on fait cadeau de la fonction, on met du service en présent. Cela a même un nom “l’économie de la fonctionnalité”. Ce sujet tendance est si vaste, que l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, a sollicité en 2017, une étude prospective. “Vers une économie de la fonctionnalité à haute valeur environnementale et sociale en 2050″ est un document de 300 pages téléchargeable librement. Une synthèse de 24 pages est aussi disponible.
C’est sur cette nouvelle donne que s’appuie aujourd’hui Vincent Dumoulin, qui explique : “Notre idée est de reprendre les codes du véhicule de transport avec chauffeur (VTC) mais en axant la logique sur le co-voyage. La philosophie est de partager son voyage avec d’autres. Par exemple quand on va à son travail situé en zone économique dense, quand on sort le soir on va souvent tous au même endroit. Quand on va à la gare ou à un aéroport il en est de même. Les véhicules Moov sont adaptés et l’algorithme de l’application sait calculer l’intégration des co-voyageurs et répercuter la baisse de prix à chaque personne transportée. Notre conviction est que l’on peut diminuer la facture du voyageur en lui évitant de sortir sa voiture qui lui coûte cher”.
Nous sommes tous des “navetteurs”
Les voyageurs qui quittent leur commune de résidence pour aller travailler sont de plus en plus nombreux. Une nouvelle appellation est apparue pour les nommer : les navetteurs. Selon l’Insee, en France, deux tiers des personnes ayant un emploi sont des “navetteurs”. En Occitanie, ils représentent un peu plus de la moitié (56,6 %). Selon une autre étude de l’Insee, qui date de 2013, en Occitanie, 93 % des déplacements domicile-travail faisaient moins de 50 kms dont un tiers moins de 10 kms. La grande majorité se fait en voiture (92 %). A Montpellier, ils ne sont que 6,5 % à utiliser les transports en commun.
Une étude de l’Ademe, publiée en 2017 témoigne de la progression rapide de l’usage par les français des VTC. De 3% en 2014 ils étaient 10% à avoir utilisé un VTC en 2016. Elle démontre également, que si le VTC est un concurrent sérieux des taxis, cela ne concerne qu’un tiers des voyages. Le VTC remplace 14% des déplacements en véhicule personnel et 26% en transports collectifs. La dynamique VTC est en marche, l’étude prévoit “un très net accroissement du marché des VTC à venir”.
Pour le covoiturage, la même étude constate que 17 % des Français y ont recours pour de la courte distance dont : 41% sont à la fois passagers et conducteurs, 25% uniquement passagers, 5% pratiquent au moins une fois par semaine. Et la même étude révèle que la principale motivation qui pousse à pratiquer le co-voiturage est l’économie réalisée par les utilisateurs, surtout chez les jeunes.
Sur les 15 premiers jours de test, Vincent Dumoulin affirme constater “une vraie adhésion des usagers (…) Cette période nous permet de standardiser l’offre au plus près des attentes de nos voyageurs. On devrait être au point mort d’ici la fin de l’année. Dès 2019, nous avons la volonté de développer nationalement Moov sur des villes comme Rennes, Strasbourg et aussi sur des plus petites. Partout où l’offre VTC n’existe pas aujourd’hui. Moov est un des pans de notre réflexion sur la mobilité en véhicule léger. En région parisienne Vortex vient de mettre 250 véhicules en auto-partage. Peut-être que demain le co-voyage deviendra un réflexe. Notre logique est d’organiser la convergence de tous ces métiers”.
Moov recrute… “un contre-pied à Uber”
Moov est actuellement en phase de recrutement des conducteurs. Pour candidater ils doivent disposer de la carte professionnelle VTC conformément à la législation en vigueur. “Dans la démarche du co-voyage initiée par Moov, ce que l’on appelle la mobilité douce, il y a l’idée du respect de l’environnement assortie à une logique sociale.” insiste Vincent Dumoulin : “Nous considérons que ces nouvelles mobilités ne peuvent pas s’affranchir des standards sociaux français. Nous nous inscrivons dans la logique du modèle social français. Tous nos conducteurs sont salariés à temps plein. Ils sont rémunérés selon le standard de la convention collective des transports des voyageurs. C’est un peu le contre-pied de Uber”, conclut-il.
La disponibilité 24h/24 et 7j/7 de Moov, ainsi que la capacité de partager le coût, peuvent sans doute réondre aux attentes de parents, des jeunes, des groupes qui cherchent une solution de transport fiable, économique et surtout sécurisée lorsqu’il n’y a plus ni taxi, ni transport en commun. Si Moov n’est pas encore la solution pour totalement abandonner son véhicule personnel, elle pourrait sans doute y contribuer…
JJF
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