Méditerranée : L’oursin, un animal qui ne manque pas de piquant

L’oursin est partout chez lui. Aristote adorait l’architecture interne de la coque de l’animal, et plus particulièrement son appareil dentaire, que l’on a appelé lanterne d’Aristote ; Apicius le gourmand en farcissait les tétines de truie. Les Gaulois utilisaient quant à eux son fossile dans les rites druidiques. Mais son fonctionnement est finalement peu connu. Les explications savantes du directeur de l’aire marine protégée du Cap d’Agde, Renaud Dupuy de la Grandrive, nous piquent d’intérêt pour un animal qui partage 70 % de gènes avec l’homme…

Disons-le de suite, la dégustation des oursins de notre région est terminée ! Pour permettre leur reproduction, leur collecte personnelle ou professionnelle n’est plus autorisée, comme chaque année entre le 16 avril et le 31 octobre.
Il est vrai que cet animal de la classe des échinodermes (comme les étoiles de mer), est plutôt connu pour ses qualités gustatives, appréciées à même l’oursin cru ou accompagnées, en Méditerranée notamment (dans les pâtes en Sicile) mais aussi au Japon (sushis, sushimi), en Espagne (jusqu’en conserve), dans les Antilles (blaff), La Réunion (carry), en Nouvelle Zélande ou au Chili.
Il est consommé dans les pays méditerranéens depuis l’Antiquité. Aristote adorait l’architecture interne de la coque de l’animal, et plus particulièrement son appareil dentaire, que l’on a appelé “lanterne d’Aristote” ; Apicius le gourmand en farcissait les tétines de truie. Les Gaulois utilisaient quant à eux son fossile dans les rites druidiques.
Aujourd’hui les oursinades régionales de Sausset, Cassis, ou Sète et Cap d’Agde en Occitanie ont d’ailleurs un grand succès et même si ce mets de choix est encore assez cher, il n’atteint pas les sommes folles de Paris où l’unité peut se vendre à plus de 6 € selon la saison !

On mange son corail, cinq glandes sexuelles que sont ces gonades de couleur orange à rouge chez les femelles et crème chez les males. Le goût est évidemment bien iodé mais sa saveur est riche et complexe, jusqu’à la noisette.”

Dénommé aussi hérisson de mer, châtaigne de mer ou “oeuf de mer”, c’est un animal très singulier. On mange ainsi le corail (qui n’a rien à voir avec son cousin, animal lui aussi, corallien), cinq glandes sexuelles que sont ces gonades de couleur orange à rouge chez les femelles et crème chez les males. Le goût est évidemment bien iodé mais sa saveur est riche et complexe, jusqu’à la noisette. C’est un aliment riche en protéines, minéraux, oméga 3, avec peu de graisse et de sucre. Plus singulière est la présence de neurotransmetteurs cannabinoïde (comme dans le cacao et le cannabis) aux effets possiblement euphorisants.

Les espèces comestibles sont récoltées à la main avec différents outils selon les saisons : une pique très courte, un crochet, mais aussi à la radasse (amas de filets) ou au gangui dans les secteurs autorisés (nasse d’environ deux mètres d’ouverture). Lors de l’ouverture, les plus longues épines de l’oursin sont brisées pour éviter les blessures. Le test de l’oursin est ensuite découpé au tiers inférieur. L’instrument le plus communément utilisé pour ouvrir l’oursin est le ciseau ou une pince spéciale et ajourée appelée goulindion par les pêcheurs méditerranéens et u gulinaghju en Corse.

Apparu avant les dinosaures…

Apparu il y a 450 millions d’années, soit bien avant les dinosaures, on peut trouver des fossiles d’oursins dans les roches calcaires comme la craie.
Ils sont présents dans toutes les grandes mers du monde et à toutes les profondeurs (environ 950 espèces existantes actuellement). En Méditerranée c’est une dizaine d’espèces telles les oursins violets, noirs, grimpeurs, coeur de Méditerranée, lance gris, granuleux, melon, diadème (espèce protégée, aux piquants très venimeux), spatangue pourpre…
Mais tous ne sont pas comestibles. Les oursins violets sont les plus recherchés, les noirs sont moins bons et ceux venant de la mer ont un goût en général plus fin que ceux des étangs. Ce sont pour la plupart des herbivores mais ils peuvent aussi mettre à leur menu des bryozoaires, foraminifères, ophiures, gastéropodes et autres débris et restes d’animaux. Ils broutent les algues sur le fond ou les posidonies avec leur bouche à cinq dents. Ils se déplacent lentement grâce à leurs piquants articulés, mais ils ont aussi de petites ventouses appelées podia ou pieds ambulacraires.

Une espérance de vie probablement supérieure à la nôtre grâce à un système immunitaire très performant

Singularité biologique, les oursins n’ont pas de tête, leur bouche est située sur la face inférieure et leurs yeux sont remplacés par des cellules spécialisées invisibles. Ils n’ont pas non plus de véritable cerveau, et leur système nerveux est fait de cinq fibres qui tapissent l’intérieur de la carapace.
A force de les étudier, on s’aperçoit qu’ils ont 70 % de gènes en commun avec nous ! Et une espérance de vie probablement supérieure à la nôtre grâce à un système immunitaire très performant. Soumis à une forte pression de récolte, qui peut aussi modifier l’équilibre des petits fonds côtiers méditerranéens, on se met à l’élevage (échiniculture) un peu partout (Ile de Ré par exemple), mais globalement, l’oursin reste un animal sauvage qu’on comprend encore assez mal et qu’il convient de respecter lors de sa récolte en période, taille et quantité autorisées.

Renaud DUPUY de la GRANDRIVE