Leucate : Une Formule 1 des mers suisse à l’assaut du record de vitesse absolu sur l’eau !

Atteindre un 150 km/h spectaculaire ! C’est le grand saut en avant qu’espère réaliser, en 2024, un équipage suisse. À Leucate, où depuis plus de vingt ans, la glisse est le projet de territoire, on se frotte les mains en espérant que les brevets ainsi testés serviront à des applications dans le secteur maritime. L’engin, qui doit être peaufiné, est attendu dans quelques jours.

Sète, port franc de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale et où on frappait monnaie… suisse et où il y eut longtemps un consul… suisse ; son équipe de foot historique, baptisée les Verts et Blancs en référence au canton de Vaux, en… Suisse… Il y eut aussi le Défi de l’América’s Cup… Les relations entre ce puissant petit pays enclavé et la région Languedoc-Roussillon sont fortes et anciennes.

Battre le record de 2012 de l’Australien Paul Larsen

Elles restent toujours aussi évidentes quand il s’agit de projets à portée internationale. C’est le cas d’une nouveau projet, le Défi SP 80, une Formule 1 des mers, tracté par une sorte de voile de kite surf géante, pris en étau entre la voile et un foil, qui vise tout bonnement à battre le record du monde de vitesse à la voile sur l’eau à Leucate. Le précédent record date de 2012, il y a dix ans, et s’établissait à 121,21 Km/h qu’avait réussi un Australien établi en Angleterre, Paul Larsen. Un record qu’il avait réalisé en Namibie. Cette nouvelle tentative, à Leucate, se fera à vitesse moyenne sur une ligne droite imaginaire sur un mile nautique, 1 852 mètres.

L’intérêt de ce défi – dont le sponsor principal est l’horloger Richard Mille – est double. Continuer à démontrer que la force du vent est une notion fabuleusement moderne de une source d’énergie tout aussi inspirante et d’avenir – de plus en plus de cargos limitent leur empreinte carbone et polluent moins en montant des voiles par souci d’économie – dans un contexte de développement durable.

“À 100 km/h, l’eau autour du foil… bout ! “

Cela peut aussi conduire, in fine, à développer des technologies développées pour ce record du monde qui pourront ensuite équipées davantage de bateaux. Des ailes de cargos, donc, plus performantes, par exemple. Dans l’hydrodynamique. Dans l’eau, le foil subit un phénomène physique connu, la cavitation, au-delà des 100 km : “L’eau bout !”, explique Laura Manon, chargée de la communication. Il s’agit donc d’améliorer notamment ce foil spécial qui doit devenir “superventilant”.

Toute l’année 2024 dévolue au record

L’un des pilotes du projet, Mayeul van der Broek, 29 ans, vise les 150 km/h et devra faire avec un concurrent, à Marseille, Syroco. “Nous avons choisi le plan d’eau de Leucate, confie-t-il, parce que nous en avons étudié les caractéristiques : il est parfait, plat et il y règne beaucoup et régulièrement un vent du Nord. Nous allons nous installer sur le port de Leucate d’ici la fin de l’été pour mettre au point le bateau et nous allons consacrer toute l’année 2024 à ce record.”

Ce record apporte évidemment une grande visibilité à ce défi. “Cela attire en effet des sponsors et nous permet également de former des ingénieurs de l’école Polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse), où j’ai fait ma propre formation. Nous avons signé d’ailleurs un partenariat avec cette école.” Il confirme que “ce défi apportera des débouchés technologiques au transport maritime”. 

La ville de Leucate et le Grand Narbonne en soutien

Les cofondateurs du défi. Photo : Chloé Jobert

Le budget global du projet est de l’ordre 4 M€ à 6 M€. Le défi est mené par une entreprise de 11 salariés, SP 80, créée pour ce défi doublé d’une association d’étudiants. “À Leucate, il y aura toujours une quinzaine de personnes présentes sur site. La ville de Narbonne nous prête des installations sur le port de Leucate et le Grand Narbonne nous met un bâtiment à disposition avec des bureaux.”

“Titane, beaucoup de carbone, d’acier haute performance…”

Mayeul van der Broek est confiant : “Le précédent record date d’il y a plus de dix ans et le monde de la voile a évolué, explosé : le foil s’est démocratisé et fait carrément voler les bateaux. On pense que l’on peut encore aller plus vite. En terme de matériaux, on construit aujourd’hui avec du titane, beaucoup de carbone, d’acier haute performance…”

Et même de l’intelligence artificielle

Et même de l’IA (intelligence artificielle) “pour améliorer les formes aérodynamiques ; on optimise aussi le poids des pièces… Quant au foil, toute l’amélioration va porter sur la création d’une bulle d’air autour de cette pièce majeure pour qu’il n’y ait plus de place pour la vapeur qui pourrait s’en dégager. Du coup, le foil sera moins performant à basse vitesse, mais davantage à haute vitesse. Celui que l’on veut mettre au point est théoriquement sans limite. C’est la clef.”

“Issu d’une famille de voileux ; la voile, une passion…”

XavierLepercq, Mayeul Van den Broek et Benoît Gaudiot. Ph. ©Guillaume Fischer SP80

Comment lui est venue cette idée de tenter de battre le record de vitesse sur l’eau ? “Je suis issu d’une famille de voileux, dit-il. J’ai grandi en Bretagne. Chez nous, on a toujours navigué. C’est une passion. Le défi est suisse parce que nous avons tous les trois, fondateurs du défi de Sanary-sur-Mer et de Lyon, effectué nos études à Polytech de Lausanne.”

Au-delà du record, certains brevets de technologies prototypées pourront servir ultérieurement à d’autres projets qui pourront, eux aussi, s’inscrire dans notre territoire”

Michel Py

Maire de Leucate et vice-président du Grand Narbonne, Michel Py se frotte les mains de voir arriver un projet qui complète tout un écosystème bâti depuis 20 ans autour de la glisse “première économie intégrée du territoire”, formule-t-il. “Il va y avoir une longue séquence de mise au point du bateau sur site. C’est un projet qui bénéficiera, dans la zone d’activités de la commune  des locaux de notre future Manufacture de la glisse qui accueillera, elle, plus tard des entreprises du secteur de la glisse qui veulent passer du stade artisanal au stade semi-industriel.”

Ce défi – qui sera aussi concurrencé par un autre, à Marseille, celui-là ! baptisé Syroco et piloté par Alex Caizergues, kitesurfer français le plus titré – c’est aussi la certitude d’une immense “exposition médiatique de notre territoire avec un retentissement possiblement mondial. Et, au-delà du record, certains brevets de technologies prototypées déposés dans le cadre de ce défi pourront servir ultérieurement à d’autres projets qui pourront, eux aussi, s’inscrire dans notre territoire”.

“Aujourd’hui, l’économie de la glisse à Leucate, ce sont 30 entreprises, près de 16 M€ de chiffre d’affaires”

Ce défi s’inscrit parfaitement dans le projet de ce territoire de faire du vent une force. Dont le Mondial du Vent est le porte-drapeau. Il a déjà généré depuis 27 ans tout un éco-système économique qui s’y est développé douze mois sur douze ; les stars de la discipline y ont cru dès la premier jour.

Comme le confirme le maire de Leucate : En créant le Mondial du Vent il y a 27 ans, nous expliquait Michel Py en avril dernier, nous avons fait un pari fou ; celui de transformer le vent en or, de faire des sports de glisse une économie touristique à part entière, avec l’ambition aussi de faire vivre Leucate douze mois sur douze, en attirant une clientèle hors saison. A l’époque, nous passions pour des hurluberlus. Aujourd’hui, l’économie de la glisse à Leucate, ce sont 30 entreprises, près de 16 M€ de chiffre d’affaires : nous avons créé une filière ex nihilo, et Leucate est devenue capitale de la glisse.” Pour un budget de 350 000 € par an.

Olivier SCHLAMA

L’Occitanie, leader des sports de glisse

La Région Occitanie est dans le top 10 mondial des destinations des sports de glisse. C’est la première région de France pour le kitesurf (15 000 pratiquants, 120 acteurs économiques, 1 000 emplois, 12 champions du monde) ; première région de France également pour la formation de Kitesurf. Il existe le Défi Wind de Gruissan qui est le plus grand rassemblement de windsurfers au monde (12 au 21 mai) ; le championnat du monde de windsurf vitesse du 21 au 30 avril 2023 à la Palme ; le Wingfoil event du 22 au 24 septembre 2023, à Mauguio, près de Montpellier ; et l’élite mondial junior wing et kite du 28 septembre au 1er octobre 2023 à Fleury d’Aude.

Avec 200 km de côtes et plus de 200 jours de vent par an sur le littoral méditerranéen, avec la chaîne des Pyrénées sur 400 km et plus de 200 jours de soleil par an, les conditions de pratique de la glisse y sont optimales, pour des activités de loisirs comme pour les sportifs de haut niveau.

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