Inédit : On peut lire les cahiers de doléances audois dans les 433 communes du département !

C’est une première en France : le département de l’Aude est le seul en France à rendre publics ces cahiers et qui avaient été remisés après 2019. Un acte profondément démocratique.

Les mots pour adoucir les maux. C’est une tradition française depuis la Révolution de 1789 et même avant (sous Louis IX en 1247) et ses cahiers de doléances. Comme ce fut le cas en 1945 pour présider à la reconstruction de la France. Tradition respectée dans l’esprit : il est toujours de tradition de créer un comité Théodule pour mieux… enterrer un problème aigu dans la société et ne plus en entendre parler… Il y a un siècle, le Midi s’enflammait comme Dis-Leur vous l’expliquait ICI.

Le département de l’Aude, pionnier en la matière, décide, aujourd’hui, de les rendre publics

C’est aussi la tradition qui fit émerger les cahiers de doléances proposés à la suite du mouvement des Gilets jaunes, en 2019, avec 16 000 mairies mobilisées. Sorte de volonté d’autoguérison par la parole façon psyché d’une crise sociale aiguë. Depuis, ces doléances ont été purement et simplement confisquées. Cachées aux archives départementales. Une pétition avait été lancée en 2024 par des élus proches du PCF qui en demandaient leur “libération“, malgré les obstacles juridiques (non-anonymisation des contributeurs). Six ans plus tard, alors que les maux, eux, persistent, le département de l’Aude, pionnier en la matière, décide, aujourd’hui, de les rendre publics.

“Ce que l’on retrouve dans les cahiers de doléances, reste d’actualité”

Les cahiers de doléances audois. Ph. DR

Hélène Sandragné, présidente de la collectivité, explique le pourquoi de cette première en France : “J’ai parcouru les cahiers de doléances de mon canton, dit-elle. La première chose qui m’a interpellée c’est que six ans après, ce que l’on retrouve dans les cahiers de doléances, reste d’actualité. Des expressions. Des colères. Des désespérances. Des critiques. La nation aurait pu en faire quelque chose depuis. Dans cette histoire, nous sommes précurseur. Nous avons, par exemple, un Cese (comité économique, social et environnemental) qui a eu cette idée de rendre les cahiers de doléances audois accessibles ; très peu de départements en ont.”

Cette photo sociétale d’une époque et de ses problèmes, il s’agit de les “restituer et c’est le cas depuis ce 7 avril. C’est comme une boucle : ils sont partis, ces cahiers, du territoire audois, pour aller au préfet, puis, à Paris et sont redescendus pour être mis sur… une étagère… Le Cese a fait un travail ingrat. Ses membres ont tout lu ; il y avait 2 000 contributions sur 95 cahiers qui ont ensuite été anonymisés.” Au final, l’expression de ceux qui les avaient noircis occupe désormais 19 cahiers de doléances, un par canton. Ils sont en ligne sur le site du conseil départemental, en libre accès.

Même si les sujets abordés relèvent presque tous de problématiques nationales, c’est une autre façon de faire vivre la démocratie”

Hélène Sandragné précise : “Il y a aussi eu une restitution publique de ce travail avec un débat, le 6 décembre 2024. Nous avions commandé à quatre artistes une lecture théâtralisée des cahiers.” Une représentation s’était tenue dans la bien-nommée salle Gaston-Deferre, père de la décentralisation : “On constate en lisant ces cahiers que les citoyens aspirent à des décisions prises au plus proche d’eux ; les gens sont d’ailleurs plutôt indulgents envers leurs élus de proximité, les maires notramment. Une association a ensuite été créée pour permettre la diffusion et la publicité de ces cahiers de doléances.”

La présidente du département de l’Aude précise : “On est en train de diffuser ces cahiers, une fois dupliqués, aux 433 commune audoises. Il est important que les maires les diffusent de leur côté. C’est une politesse démocratique. Et même si les sujets abordés relèvent presque tous de problématiques nationales, c’est une autre façon de faire vivre la démocratie.” D’être aussi encore plus proche des habitants. “Tout cela s’imbrique : nous faisons aussi un budget citoyen ; nous avons donc un Cese ; on a un conseil départemental des jeunes… Il faut le faire vivre, ce lien. Et cela prend des formes diverses…”

“C’est important : aujourd’hui la démocratie est malmenée”

Cette démarche n’est en rien scientifique. “Nous prenons ce matériau et nous le restituons en l’état. Il y a quelques départements où l’approche est scientifique”, note encore Hélène Sandragné. Et, au final, “le gouvernement a fini par se réveiller : le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale a annoncé l’engagement du gouvernement en reprenant ces cahiers de doléances. Un comité composé de parlementaires et d’élus locaux et de membre du Cese sera créé au niveau national. Notre département a candidaté pour entrer dans le groupe de travail. C’est important parce qu’aujourd’hui la démocratie est malmenée…”

Olivier SCHLAMA

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