“En France, 47 % des féminicides sont commis en zone rurale alors que seules 32 % des femmes y résident”. Le président de Hérault Transports, Thierry Mathieu, qui a signé une convention avec la préfecture, explique comment la gratuité des transports en commun pour les femmes victimes de violences conjugales, dont une “part importante reste invisible” peut les aider dans leurs démarches.
“Quand une femme est victime de violences conjugales, il y a un moment où elle va être amenée à partir. À aller voir des associations qui vont l’aider et il faut un moyen de locomotion, surtout en zone rurale. Car, parfois, quand elles sont sous emprise, elles n’ont même pas accès à un moyen de locomotion.” C’est une première.
Appelée à s’étendre en Occitanie et au-delà, la gratuité des transports en commun pour les femmes victimes de violences conjugales est née d’une discussion entre Thierry Mathieu, président de Hérault Transport – et président de la CAF, Caisse d’allocations familiales – et la déléguée aux Droits des femmes dans l’Hérault, Laurence Samzun. C’est dans ce cadre d’un protocole a été signé ce mardi 26 août pour la gratuité des transports en commun avec la secrétaire générale de la préfecture. Curieusement, sans la présence de la presse.
“Dix voyages solidaires gratuits. On peut même aller jusqu’à un forfait solidarité valable six mois”

“L’Hérault est précurseur en s’engageant pour la gratuité des transports en communs en cas de violences conjugales et hors situation d’urgence, où des dispositifs de prise en charge taxis existent localement”, explique-t-on du côté de la préfecture. Concrètement, comment la victime de violences conjugales s’y prend-t-elle ?
Thierry Mathieu répond : “J’ai souhaité que l’on travaille avec les professionnels qui accompagnent ces femmes victimes. Ce que l’on appelle des prescripteurs : des intervenants sociaux, des policiers, les maisons des femmes ; des associations comme CIDFF, Amicale du Nid, travailleurs sociaux, la CAF, CCAS, etc. Toutes ces victimes pourront ainsi bénéficier, sur demande, un carnet de dix voyages solidaires gratuits. On peut même aller jusqu’à un forfait solidarité valable six mois, renouvelable, sur notre réseau Lio/Hérault transports. Nous avons, à Hérault Transports, 1 800 points d’arrêt et 77 lignes régulières. Nous desservons la quasi-totalité des communes de l’Hérault. Cela permet d’avoir un vrai maillage.” Cela reste un réseau inter-villes ; il faudrait que les intercommunalités et autres Métropoles offrent aussi cette gratuité…
“4 017 situations de violences intra-familiales comptabilisées par la gendarmerie”
Aucune estimation du nombre de femmes victimes pouvant bénéficier de cette mesure. Mais, en 2023, “il y a eu 4 017 situations de violences intra-familiales dans le département de l’Hérault comptabilisées par la gendarmerie. La CAF a distribué 780 aides d’urgence, en 2024, à des victimes. Une aide d’environ 800 € pour qu’elles puissent se “retourner” une fois qu’elles ont quitté leur domicile”.
Seules 15 % des femmes victimes porteraient plaintes, ce dispositif n’est pas contraint par une obligation de justificatif de la situation mais sur attestation dans le cadre d’un accompagnement auprès des associations spécialisées et travailleurs sociaux des collectivités. Cette mesure n’existe pour l’instant que dans l’Hérault. Pas ailleurs en Occitanie. “Sans doute que cela sera élargi à l’Occitanie, sachant que c’est la Région qui a en charge la compétence transports”, précise Thierry Mathieu.
“Une part importante de ces violences reste invisible et échappe aux dispositifs”

Du côté de la préfecture, on explique que “la prise en compte du territoire permet une approche spécifique, car les difficultés de mobilité comme l’accès à l’information et la nécessité d’anonymat complexifient la détection et le départ du domicile conjugal. Une part importante de ces violences reste donc invisible et échappe aux dispositifs mis en place pour les réduire et les traiter. Les conséquences sont lourdes (…) en France, 47 % des féminicides sont commis en zone rurale alors que seules 32 % des femmes y résident”.
“La gravité et la complexité de ces violences nécessitent une action publique forte menée en étroite collaboration avec les acteurs du département et il est indispensable d’assurer un maillage territorial plus homogène. En effet, le désenclavement et la lutte contre l’isolement de par l’éloignement géographique constituent un enjeu majeur pour l’État, par une démarche de partenariat renforcé avec les institutions et acteurs locaux.”
Hérault Transport s’est engagé à solliciter ses prestataires, des sociétés de transport, en vue de leur demander d’intégrer au plan de formation de leurs conducteurs un module de sensibilisation aux situations d’accueil de femme en situation de fragilité, voire de danger. Hérault Transport contribuera à cette sensibilisation au moyen de la newsletter trimestrielle qu’elle adresse à ses prestataires.
“Les plaintes peuvent être déposées aux Maisons des Femmes par le déplacement d’un agent des forces de l’ordre sur site ou par un dépôt de plainte simplifiée”
Il est aussi précisé dans la convention que “le département de l’Hérault est fort de deux structures médico-sociales de prise en charge, allant plus loin que la recommandation nationale à Béziers et Montpellier : les Maisons des Femmes sont pensées comme des guichets uniques permettant un accompagnement global des femmes victimes, alliant le sanitaire et la prise en charge psycho-sociale. De plus, l’Etat soutient les permanences juridiques et d’accès aux droits à Ganges, Clermont l’Hérault, Lodève, Bédarieux, Agde, Sète, Lunel, c’est-à-dire dans la plupart des petites et moyennes villes du département. Il cofinance avec le conseil départemental les six postes d’intervenantes sociales en commissariat et gendarmerie. La possibilité de dépôt de plainte doit également être facilitée en permettant l’accessibilité à la gendarmerie ou au Commissariat de proximité. Les dépôts de plaintes peuvent être effectués au sein des Maisons des Femmes, par le déplacement d’un agent des forces de l’ordre sur site ou par le protocole de dépôt de plainte simplifiée”.
Garde d’enfants, commerces-refuges…
Des initiatives se font jour, çà et là. Il y a quelques mois, la Haute-Garonne inventait la garde d’enfants de femmes victimes de violences. Deux à trois fois par semaine, les assistantes sociales des maisons des solidarités reçoivent des femmes victimes de violences avec des enfants. La sociologue Auréline Cardoso Khoury explique les raisons qui président à ce nouveau service envisagé pour les soulager dans leur parcours pour sortir de ce cercle infernal. À Nîmes et Montpellier, on a aussi imaginé des commerces-refuges, comme Dis-Leur vous l’a également expliqué ICI.
A noter dans ce chapitre sur les violences, celles des violences intrafamiliales non conjugales qui, en 2023, ont fait au bas mot, 82 800 victimes, en hausse là aussi continue. Selon le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure, en Occitanie, l’Hérault, le Gard, la Lozère ou encore les P.-O. affichent un taux déclaré de moins de 2,7 victimes de violences intrafamiliales non conjugales pour 1 000 habitants. Les valeurs les plus basses se retrouvent en Île-de-France et à Marseille, Lyon, Toulouse, Nice, Nantes, Montpellier.
Olivier SCHLAMA
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