Éducation : Réussir sa vie plutôt que réussir dans la vie

Isabelle Servant en conférence au Centre de l'Arche, jeudi soir à Paris. Photo : DR.

C’est un livre qui fait du bien. Une sorte de bilan de compétences qui ne dit pas son nom. Un plaidoyer, certes idéaliste. Mais une introspection accessible à tous. Après la lecture de Et si je trouvais enfin ce que je veux faire de ma vie ? (1), ponctué de citations bien senties et d’exercices intéressantson s’en trouve plus intelligent et plein d’espoir. Un voyage en tête-à-tête avec soi-même.

L’école qui épanouit : un rêve ! Un moule pour tous aux contours souples laissant la place à chacun, qui perçoit les différences comme des qualités complémentaires. Un enseignement bienveillant qui tient compte des qualités “annexes” de l’élève (sa capacité à s’émouvoir, à être en relation avec les autres…) C’est le message essentiel d’un livre qui fait du bien, intitulé Et si je trouvais enfin ce que je veux faire de ma vie ?, commis par la Montpelliéraine Isabelle Servant (1).

De Montpellier à Paris, ce livre propose “20 grandes questions d’introspection, complété par 20 clés pour passer à l’action”. Il permet en réalité de se poser une question, si peu dans l’air du temps, la seule qui vaille : comment réussir sa vie plutôt que seulement tenter de réussir dans la vie ? C’est un livre rebelle ! D’une franc-tireuse de l’enseignement, d’une Gilet jaune de l’éducation. “On est tous intelligents… différemment !”, proclame cet opus qui en dénombre huit : musicale, corporelle, visuelle et spatiale, intrapersonnelle (intelligence en lien avec la connaissance de soi…), naturaliste, logique, verbale et interpersonnelle (avec les autres). On y trouve des citations bien senties, comme : “Le bonheur est la seule chose qui se double si on le partage”.

C’est un livre où nous n’avons pas mis volontairement une tranche d’âge sur la couverture. Il s’adresse à tous. Car on peut engager cette démarche à tout âge. Son but, c’est d’aider à se révéler à soi-même, à révéler sa singularité.”

Isabelle Servant acquiesce : “C’est un livre où nous n’avons pas mis volontairement une tranche d’âge sur la couverture. Il s’adresse à tous. Car on peut engager cette démarche à tout âge. Son but, c’est d’aider à se révéler à soi-même, à révéler sa singularité.” Le chemin est encore long, opine en substance Isabelle Servant : “Récemment, je suis intervenue dans une école de commerce. Il y avait là 500 élèves. A un moment, j’ai posé une question : “A part de gagner de l’argent, pourquoi travailler”. Eh bien, seuls deux ont levé la main.” Tous auraient pu dire : pour être heureux, s’épanouir, créer… Que sais-je ?” Certes, c’était dans l’un des temples du formatage éducatif mais quand même.

Le dernier opus d’Isabelle Servant. Photo : O.SC.

Ce livre est aussi fait pour les parents et les enseignants qui font ce qu’ils peuvent. Les premiers n’ont que leur propre éducation comme repère et “ils ne peuvent transmettre que ce qu’ils peuvent et “ne peuvent pas transmettre ce qu’ils ne connaissent pas eux-mêmes. C’est un cercle vicieux”. Les seconds, leur… absence de formation. Isabelle Servant qui a déjà écrit deux précédents livres est une experte en la matière.

“J’ai beaucoup appris des systèmes éducatifs de certains pays. En Finlande, que l’on cite toujours comme exemplaire, à juste titre, les instits sont formés pendant cinq ans ! Et la finalité, c’est le bien-être de l’élève, d’en faire un citoyen. En étant bienveillant. En France, vous préparez le concours de prof des écoles et quand vous l’avez, vous êtes balancés dans une classe… J’ai été moi-même enseignante au début de ma carrière dans une Première d’adaptation. J’étais à peine plus âgée que certains élèves et sans formation à la pédagogie…”

(…) Le soir, rentrant à la maison, elle a enfilé sa plus belle robe en secret et nous a gratifiés d’un remerciement incroyable : avec un micro, elle a improvisé une chanson pour nous dire son amour…”

Et si je trouvais enfin ce que je veux faire de ma vie ? est une boîte à outils pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de naître et grandir dans une famille permettant d’exprimer clairement ses émotions, ses désirs profonds et la manière d’arriver à ses fins. Une maman d’élève rapporte : “Pour fêter l’anniversaire de ma fille de six ans, nous lui avons offert le spectacle Disney sur Glace. Elle était ravie. Et elle l’a exprimée de façon extraordinaire. Le soir, rentrant à la maison, elle a enfilé sa plus belle robe en secret et nous a gratifiés d’un remerciement incroyable : avec un micro, elle a improvisé une chanson pour nous dire son amour…”

Isabelle Servant, spécialiste de l’éducation. Photo : DR.

Présidente de l’association Ecoles du monde, acteurs en éducation, Isabelle Servant donne conférences et anime des cafés pédagogiques sur ce captivant sujet : valoriser sa singularité. Car, le “système éducatif français, uniforme et standardisé, n’est pas adapté à chacun”, dit-elle. Au lieu de parler systématiquement de “compétition”, parlons de “complémentarité”… Car, plaide-t-elle, c’est justement les qualités intrinsèques de chacun, ces “qualités dites annexes qui sont de plus en plus demandées dans le monde professionnel !”

Cette capacité à dire ses émotions, à s’épanouir, à valoriser son potentiel… C’est le travail d’une vie. Mais plus tôt, on l’amorce, mieux c’est. Comme disait Brassens, Le temps d’apprendre à vivre, il est trop tard… (Il n’y a pas d’amour heureux). 

Olivier SCHLAMA

  • (1) Editions Eyrolles, 16,90 euros.