Dérives sectaires : Vers de nouveaux délits pour mieux réprimer les gourous

Ce mercredi, face à la hausse du nombre de signalements à la Miviludes, la secrétaire d’Etat, Sabrina Agresti-Roubache, doit présenter un projet de loi visant à muscler l’arsenal juridique, avec notamment la création d’un abus de faiblesse lié à un état de sujétion psychologique ou physique et d’un délit d’abandon de soins. Les champs de la santé et du bien être sont particulièrement visés.

La crise sanitaire a accéléré l’emprise des dérives sectaires sur la société. Débordée, la Miviludes, bras armé du gouvernement dans cette lutte immense, fait état de 4 020 signalements en 2021 (soit + 33,6 % ne serait-ce que par rapport à 2020). “Les chiffres de 2022 et de 2023 seront connus en début d’année prochaine. Mais on sait déjà que la tendance est à la hausse continue”, a expliqué Donatien Le Vaillant, chef de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), en amont de la présentation d’un projet de loi ce mercredi en conseil des ministres par Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’Etat chargée de la Citoyenneté et de la Ville. Des signalements notamment dans les domaines , du “bien être”, de “l’alimentation”, entre autres. Et surtout de la “santé” qui représente 25 % des saisines de la Miviludes.

Des dérives sectaires qui “ont changé de visage”, à cause des réseaux sociaux notamment avec des “gourous 2.0 qui s’adressent à de véritables communautés”,

Cette future loi – la question des moyens doit être abordée ce mercredi, sachant qu’à peine 1 M€ va chaque année aux associations d’aide aux victimes – est censée venir compléter la loi historique, dite About-Picard, qui a pris un coup de vieux depuis 2001, ne tenant pas assez compte de dérives sectaires qui “ont changé de visage”, à cause des réseaux sociaux notamment avec des “gourous 2.0 qui s’adressent à de véritables communautés”, a-t-on explicité au cabinet de la secrétaire d’Etat. Les signalements ont été multipliés par deux depuis 2010 et “ce n’est que la partie émergée de l’iceberg…” “Tout ceci est un constat partagé”, a-t-il été précisé, comme Dis-Leur vous l’avait expliqué ICI.

“La prévention est la meilleure des armes”

Cette future loi, dont les sept articles devront suivre le chemin du Parlement et espérer aboutir d’ici plusieurs mois, permettra la mise en place “d’une stratégie nationale pluriannuelle et interministérielle”, est-il promis, avec “une quarantaine de mesures”. Grosso modo, ce plan se décline en trois axes. D’abord, “la prévention qui est la meilleure des armes. Nous allons multiplier les missions d’information sur la dangerosités des dérives sectaires pour toucher un maximum de citoyens ; il y aura, notamment, une campagne nationale de sensibilisation dans les prochains mois pour libérer la parole des victimes et mieux protéger les enfants.”

Référents formés, “sous la coordination de la Miviludes”

Autre axe, améliorer l’accompagnement et l’accueil des victimes. “Il faut nous améliorer.” Le projet de loi devrait évoquer la mis en place de référents spécialisés et formés, “sous la coordination de la Miviludes” et dans “l’ensemble des services locaux de l’État. Des conventions seront passées avec des associations d’aide aux victimes, y compris des associations généralistes comme France Victimes.” Et il sera demandé aux préfets la “plus grande implication” sur ce sujet.

Renforcement de l’arsenal juridique

Le troisième axe concerne le renforcement de l’arsenal juridique. C’est là le coeur du projet de loi pour “mieux réprimer les auteurs” et “mieux accompagner les victimes et leurs proches”. Pour cela, le projet de loi se propose de créer de nouveaux délits dans le Code Pénal. Le premier c’est un abus de faiblesse lié à un état de sujétion psychologique ou physique. Ces situations de sujétions se manifestent par“l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement”.

“Réprimer directement l’auteur et une juridiction judiciaire pourra mieux reconnaître ce préjudice et mieux indemniser la victime”

“On pourra ainsi réprimer directement l’auteur et une juridiction judiciaire pourra mieux reconnaître ce préjudice et mieux indemniser la victime.” Au cabinet de la ministre, on ajoute : “Certains délits de violence en bande, escroqueries, etc. sont souvent perpétrés dans un contexte sectaire. Nous voulons également renforcer l’accompagnement des victimes ; qu’il y ait davantage d’associations. La seule actuellement qui peut se porter partie civile, c’est l’Unadfi. Nous voulons instaurer un agrément pour les associations qui seraient volontaires au bout d’une procédure validée par le ministère de la Justice.”

Ce nouveau délit sera passible de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende. Et de cinq ans de prison et 750 000 € d’amende quand il y a des circonstances aggravantes comme une victime mineure, vulnérable, enceinte, etc. Cela pourra aller jusqu’à 7 ans de prison et 1 M€ d’amende si les faits sont commis en bande organisée et par le dirigeant de la communauté sectaire.

Autre délit, l’abandon de soins

Autre délit qui pourrait être créé : l’abandon de soins pour réprimer des pratiques de non professionnels aux conséquences parfois graves ou dramatiques qui sera, lui, passible de un an de prison et de 15 000 € d’amende. Cet nouvel arsenal serait complété par un article de loi “facilitant les sanctions disciplinaires des praticiens déviants.” Avec une transmission obligatoire de procédures touchant tel ou tel médecin, infirmière, etc. vers leurs ordres disciplinaires respectifs. “Cela concernera les sept ordres d’état du secteur de la santé”.

Olivier SCHLAMA

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