C’est désormais inscrit dans le Code de la Route : on est passé d’une pratique à une circulation interfiles inscrite noir sur blanc. Belle surprise en ce début 2025 alors que, dans les derniers jours de 2024, cela n’avait plus cours et que le 1er janvier, le gouvernement n’avait fait que prolonger de six mois le fait de doubler entre les voitures à l’arrêt. Deux millions et demi d’engins sont concernés. Surtout dans le Midi.
N’en déplaise aux pisse-vinaigre, au nom de la “fluidité” et même de la Sécurité routière, le gouvernement a enfin légalisé la fameuse circulation interfiles des motards qui vient d’être légalisée. Une première ! Un décret est sorti la nuit dernière. Une très bonne nouvelle après un flou artistique de plusieurs semaines. De quoi apaiser les motards en colère. Comme le dit Eric Thiollier, animateur du réseau d’antennes de la Fédération des Motards en Colère : “Dans les tuyaux depuis plusieurs années, c’était finalement attendu, dit-il. A cause des fortes turbulences – l’organisation des JO de Paris, la dissolution… – il n’arrive que maintenant.”
L’Hexagone compte quelque 4 millions de deux-roues motorisés, dont 2,5 millions qui ne sont pas des cyclos de petite cylindrée. Ce sont ces 2,5 millions d’engins qui sont concernés puisque les seuls à pouvoir circuler sur les autoroutes. “C’est du gagnant-gagnant, ose Eric Thiollier : une moto de moins dans les bouchons, c’est une lace de plus pour les voitures ! C’est la victoire du bon sens.”
Une pratique sûre et facile à comprendre, à pratiquer, à enseigner et à verbaliser, le cas échéant
Quand la circulation est dense voire bouchées, le motard a désormais le droit de doubler entre les voitures, à certaines conditions. “A l’issue des deux campagnes d’expérimentation, la circulation en inter-files (CIF) des motos à deux et trois roues est généralisée, par le décret n° 2025-33 du 9 janvier 2025 relatif aux règles de la circulation en inter-files pour certains véhicules à deux ou trois roues motorisés paru au JO ce jour. La CIF est désormais définie et encadrée par le code de la route. Une sanction spécifique de non-respect des conditions de pratique de la CIF est créée. La généralisation est l’aboutissement d’un processus de plusieurs années d’observations et d’évaluations”, valide la Sécurité routière.
Attention, il y a des règles précises : la circulation en inter-files consiste à circuler entre les voies les plus à gauche en deux-roues ou trois-roues motorisés, lorsque les files des autres véhicules sont à l’arrêt ou roulent à vitesse très réduite.
“Accidentalité stable”
Deux campagnes d’expérimentation successives (2016 – 2021 et 2021 – 2024) ont fait l’objet d’évaluations par le Céréma, un organisme gouvernemental. Le dernier rapport valide les modalités d’une pratique sécurisée. Il indique notamment une accidentalité stable, et souligne que les enjeux sont concentrés sur les conducteurs de deux-roues motorisés qui ne respectent pas les règles définies, principalement la vitesse. Le rapport préconise d’introduire la possibilité d’une verbalisation sans interception des contrevenants, pour agir sur les comportements et réduire les prises de risques.
Sur la base de ce rapport, le gouvernement a décidé de généraliser la CIF dans des conditions garantissant une pratique sûre et facile à comprendre, à pratiquer, à enseigner et à verbaliser, le cas échéant. Les conditions de pratique de la CIF sont donc celles désormais prévues à l’article 412-11-3 du code de la route. Le non-respect d’au moins une des conditions de la CIF est puni d’une contravention de 4eme classe et du retrait de trois points du permis de conduire. Cette infraction pourra être constatée par vidéo-verbalisation.
Encadrer la pratique “de fait” à une circulation interfiles “de droit”.
La circulation en interfiles est donc admise sur toutes les routes et autoroutes avec au moins deux fois deux voies, séparées par un terre-plein central et sur lesquelles la vitesse maxi autorisée est comprise entrtre 70 km/h et 130 km/h. Florence Guillaume, la déléguée interministérielle à la Sécurité routière a souligné qu’il s’agit d’encadrer la pratique “de fait” à une circulation interfiles “de droit”.
Encore un effort et on oubliera aussi ce contrôle technique… Ça risque d’être nettement plus hard. Même si le Portugal et d’autres pays européens manifestent contre cette hérésie, “le Conseil d’État a tranché. Le sujet est ainsi balisé depuis 2014…”, maugrée Eric Thiollier de la FFMC. Cela vient pénaliser – entre 80 € et 120 € le contrôle technique – ceux qui sont dans les clous. Croyez-vous que le propriétaire d’une bécane qui n’est pas aux normes va aller faire un contrôle…? Non.” Et puis le pilote d’un deux-roues entretient son engin. Il sait que c’est ce qui lui garantit de rester en vie en cas de pépin.
Olivier SCHLAMA