Pour l’anniversaire de cet événement, créé par la LPO, plus de 350 animations, sorties, conférences sont organisées dans l’Hexagone. Pour l’occasion, la Ligue a rendu publique une enquête sur les populations des neuf espèces présentes, sous surveillance, sur lesquelles pèsent de nombreuses menaces.
Des sorties “rapaces” nocturnes, à Toulouse (Haute-Garonne) et à Saint-Pons-de-Thomières (Hérault) ; soirée chat-hulant à Château-Neuf du Peuple, à Belmont (Gers), etc. En ce mois de mars 2025, c’est pleins feux sur les rapaces, notamment nocturnes, grâce à plus de 350 animations – sorties, animations de terrain, conférences, points d’observation, projections…- partout dans l’Hexagone. “Ces moments de découverte et de convivialité en famille, c’est quand même mieux que de regarder la TV…”, a plaidé Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO.
Chouettes et rapaces nocturnes ont souffert de croyances infondées et de superstitions tenaces

De quoi sensibiliser et continuer à mobiliser car “on ne protège bien que ce que l’on connaît bien”, selon le slogan de la LPO (Ligue de protection des oiseaux), qui fête cette année la 30e édition de cette Nuit de la Chouette qui s’étale tout le long du mois de mars à laquelle participent plus de deux cents structures (Parcs naturels, CPIE, collectivités locales…) Une sensibilisation qui fonctionne bien : il n’y a qu’à constater le changement de perception de ces oiseaux magnifiques désormais pleinement réhabilités. Alors qu’ils étaient jadis cloués sur les portes des granges, alimentant toute une fantasmagorie éculée. Chouettes et rapaces nocturnes ont en effet souffert de croyances infondées et de superstitions tenaces.
“Une population plutôt en bonne santé, mais…
Pour la première fois, une enquête a été menée sur tout l’Hexagone, un “premier jalon“, a commenté Gaël Charpentier de la LPO. Mais qui devra être consolidée par d’autres à l’avenir. Ce qui a fait dire au président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg que, certes, la population des rapaces nocturnes est globalement en bonne santé mais pointant “leur fragilité” qui ne s’arrangera pas “à cause notamment de la loi d’orientation agricole que l’on est en train de vivre et qui s’exonère de quelque 200 000 km de haies…”
… de nombreux signaux négatifs de notre réseau”

Que dit cette étude inédite qui a porté sur neuf espèces, cinq chouettes et quatre hiboux, mobilisant, durant deux ans, quelque 1 200 bénévoles ? Laurent Couzi, de la LPO, en a tracé les grandes lignes : “Il y a eu 35 000 points d’écoute de bénévoles.” Et de résumer : “Globalement, et à première vue, les populations de rapaces nocturnes ne se portent pas si mal” mais “il y a de nombreux signaux négatifs remontent de notre réseau ; un sentiment, qui tendent à prouver que ces populations ne se portent pas si bien que cela. Cela n’a rien de scientifique mais certains voient moins certaines espèces…”
Des dizaines de milliers d’Effraie tuées par des collisions chaque année avec des voitures

De nombreuses menaces pèsent sur leurs conditions de vie. À l’instar de la raréfaction des habitats les empêchant de se reproduire ; l’utilisation de produits phytosanitaires dans l’agriculture qui fait des dégâts : en détruisant les insectes, ils privent les rapaces insectivores de nourriture ; le réchauffement climatique ne fait rien à l’affaire tout comme la pollution lumineuse ; la destruction et la mortalité routière. Notamment pour les Effraie : “On parle en dizaines de milliers d’individus qui sont tués, percutés par des voitures ; ce sont des oiseaux qui volent au ras du sol à la recherche de proies et de petites mammifères mais ils ne volent pas vite et ne regardent pas assez avant de traverser la route, surtout les jeunes émancipés…”, a révélé Laurent Couzy.
“Mal connus et largement répartis ou très localisés”

Un projet qui a été difficile à mettre en oeuvre parce que les rapaces nocturnes sont “mal connus et largement répartis ou très localisés” : “Ils se rencontrent dans différents habitats, des milieux rupestres pour l’imposant Grand-duc d’Europe (2 000 à 4 000 couples) aux zones humides pour le rare Hibou des Marais (40 à 120 couples), en passant par les forêts pour le Hibou Moyen-Duc (26 100 couples). Un seul, le Petit-Duc scops (17 100 couples), est un migrateur (eh oui) qui hiverne principalement en Afrique subsaharienne et que l’on retrouve l’hiver dans nos contrées méditerranéennes. Certaines espèces sont plutôt généralistes et fréquentent aussi bien les zones périurbaines que rurales, telles la Chouette hulotte (260 800 couples), la plus commune dans l’Hexagone.”
D’autres sont inféodées à des niches écologiques particulières comme la Chouette de Tengmalm (1 000 à 3 000 couples) et la minuscule Chevêchette d’Europe (1000 à 1500 couples) qui ne se rencontrent que dans les forêts de montagne.
“La disparition des haies et la diminution des proies, affecte particulièrement la Chevêche d’Athéna”

Ce bilan souligne également les nombreuses menaces pesant sur ces espèces vulnérables. L’intensification agricole, entraînant la disparition des haies et la diminution des proies, affecte particulièrement la Chevêche d’Athéna (101 300 couples). Déjà très exposée aux collisions routières, l’Effraie des clochers (87700 couples) est aussi victime de la raréfaction des vieilles granges ou des difficultés d’accès aux combles des édifices rénovés dans lesquels elle a pris l’habitude de faire son nid.
3 000 nichoirs à venir en France dont 363 en Occitanie

Ce n’est pas tout. La LPO va installer 3 000 nichoirs répartis dans 60 départements (363 en occitanie dans six départements) dans le cadre du projet Une chouette, un village, financé par le jeu à gratter Mission Nature de la Française des Jeux en collaboration avec l’Office français de la biodiversité (OFB). Pour Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO : “Après avoir longtemps été persécutés en raison de superstitions tenaces, les rapaces nocturnes sont désormais menacés par la dégradation de leurs habitats naturels. A nous de tout mettre en œuvre pour protéger ces oiseaux fascinants, essentiels au bon fonctionnement des écosystèmes.”
C’est un projet d’un budget de 1,4 M€ qui s’étale sur trois ans et cinq ans de suivi consistant à construire des nichoirs mais aussi à créer plus de 10 km de haies et à restaurer plus de 1 500 hectares de milieux. Notamment en direction de l’Effraie des clochers et la Chevêche d’Athéna, symboles du patrimoine naturel de nos campagnes : ce sont deux espèces dont le devenir est lié à celui de l’homme et de l’agriculture.
Olivier SCHLAMA