Aveyron/avenir de la Sam : Le gouvernement nomme un “Monsieur industrie”

La réunion de crise ce lundi à Bercy avec les salariés, Bruno Le Maire et Carole Delga a débouché sur la nomination de Jean-Pierre Floris pour une mission de réindustrialisation du bassin de Decazeville. Le ministère, “insatisfait de l’attitude de Renault”, fait pression pour qu’il accorde des primes extra-légales aux 333 salariés sur le carreau.

Sinistrée, en liquidation judiciaire, la Sam, Société aveyronnaise de métallurgie, joue peut-être en ce moment le rôle dans la présidentielle de 2022 de Whirlpool en 2017. C’était le dernier bastion, après Bosch, de cette ruralité industrieuse qui avait fait la fierté du bassin de Decazeville et, plus largement, de l’Aveyron. Les SAM ne produisent plus dans leurs ateliers aveyronnais ni carters ni support d’essuie-glace, ces pièces jusque-là destinées à leur principal client et actionnaire minoritaire, Renault, qui n’a pas levé le petit doigt pour la sauver.

De Clarybde en Scylla…

L’objectif pour la Sam était, pourtant, en 2021, de trouver un repreneur et d’augmenter sa production, davantage robotiser ses lignes et entrer de plain-pied dans l’électrique pour atteindre un chiffre d’affaires d’au moins 45 M€ en 2023. Las. La fonderie aveyronnaise est allée de Clarybde en Scylla…

333 salariés anéantis

La fin de la Sam laisse anéantis 333 salariés installés à Viviez, près de Decazeville. Alors que Macron et son ministre de l’Economie, Bruno Le Maire se déploient sur le thème de la réindustrialisation de la France et que l’Etat, actionnaire à 15 % de Renault, client unique de la SAM, n’a même pas cautionné un possible repreneur ! Il y a un peu plus d’un an, en mai 2020, le gouvernement avait pourtant annoncé un plan de 8 milliards d’aides pour la filière automobile, finançant aussi des centaines de millions de prêts garantis…

“Une vraie volonté d’avancer”

Enfin, alors que le thème de la réindustrialisation de la France s’impose dans la campagne pour la présidentielle, la Sam, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie ; Agnès Pannier-Runacher, ministre chargée de l’industrie, des représentants des salariés et des élus, dont Carole Delga, présidente PS de la Région Occitanie, participaient à une réunion à Bercy ce lundi matin. “C’était une réunion très franche. Il y a une vraie volonté partagée par tous d’avancer”, résume-t-on à Bercy où l’accompagnement des salariés est la “priorité”.

Des reclassements rendus impossibles

Oui, mais Renault avance à reculons… Le constructeur, qui a donc refusé la dernière offre de reprise, s’est fait remonter les bretelles. Selon le ministère de l’Economie, le constructeur a bien fait des propositions de reclassement aux salariés “mais toutes ses usines de production en France sont très éloignées de l’Aveyron…” Proposition de Gascon pour 333 personnes privées d’emplois… Ce n’est pas tout.

“On peut rien leur imposer…”

Photo d’illustration

Renault a, certes, abondé un fonds, à hauteur de 1 M€, dans le cadre des strictes obligations légales en pareil cas (sur la formation, par exemple, mais c’est, en quelque sorte, le minimum syndical qu’il s’engage à faire. L’Etat fait pression sur Renault, “même si on ne peut rien leur imposer car c’est une entreprise privée et l’Etat n’y détient que 15 % du capital (…) Nous ne sommes pas satisfaits de l’attitude de Renault. Nous lui demandons d’être responsable”, pour qu’il mette davantage la main à la poche.

Primes supra-légales demandées pour chaque salarié

L’Etat aimerait “qu’il finance, par exemple, ce que l’on appelle dans le jargon les primes supra-légales”, indique-t-on du côté de Bercy. De quoi obtenir un peu plus d’argent que ce que la loi permet, compte tenu du contexte. “La copie n’est pas complète et nous serons vigilants à ce qu’elle le soit”, indique-t-on dans l’entourage de Bruno Le Maire. Bercy exige un “accompagnement individualisé des salariés. Le fonds de conversion de 50 M€ doit être activé et doit comprendre des mesures d’accompagnement renforcées, comme l’aide à la mobilité (possibilité de 15 000 € d’aide par salarié).”

Veille de Noël, le site symbole connaît une descente aux enfers. Fermeture de la mine de charbon à découvert mettant plus de 4 000 mineurs sur le carreau ; arrêt des activités sidérurgiques (quelque 3 000 emplois), à l’image de Vallourec…

“Syndrome decazevillois…”

Depuis plusieurs mois, chefs de parti et candidats à la présidentielle se succèdent : Mélenchon, Roussel (PCF), Poutou (NPA), Bayou (EELV), Le Pen ont fait le voyage. Dans la Dépêche, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, emphatique, a déclaré : “Nous construisons l’industrie du futur.” À Decazeville, chef-lieu, le futur ce sont les fins de mois difficiles à deux semaines de Noël… Les manifs s’y succèdent ; les salariés occupent le site de la Sam ; et le 1er décembre, plus de 6 000 personnes ont, par exemple, manifesté leur colère. Jospin parlait naguère de “syndrome decazevillois”. C’est plus que jamais d’actualité. Il n’y a qu’à ouvrir les yeux pour le constater : la maternité a fermé depuis peu, nombre de PME sont en difficulté, et les services publics sont à la traine…

Pourtant tournée vers l’électrique et l’hybride

Selon les salariés, la SAM consacrait une bonne partie de son activité désormais à l’équipement des voitures électriques ou hybrides. Pourquoi Renault n’y fait-il pas davantage appel ? Parce qu’il se fournit davantage dans les pays low cost…? Sans doute. Même si Bercy affirme que la SAM avant d’arrêter sa production, “son chiffre d’affaires dans l’hybride ou l’électrique est de 20 % à 30 %”.

Un Monsieur industrie nommé

Pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être, le gouvernement a activé un fonds de reconversion. Et a nommé, conjointement avec Carole Delga, “un spécialiste du sauvetage industriel” en la personne de Jean-Pierre Floris, “un industriel retraité dynamique qui a déjà dirigé des usines”, qualifie-t-on en haut lieu. L’homme fut délégué interministériel à la restructuration des entreprises de 2017 à 2019. “Il sera sur place ce mardi 14 décembre si les salariés l’acceptent en AG” pour une mission de choc. Sa mission est une “blitzkrieg” économique de trois mois “à la fois pour le site de la SAM à Decazeville et en faveur de tout le bassin.” Il y aurait, ajoute Bercy, des “industriels intéressés en France ou à l’étranger qu’il ira voir” pour installer des usines. Un comité de suivi est prévu toutes trois semaines. Avec un premier et délicat point d’étape début 2022.

“La Région pleinement mobilisée”

Carole Delga, qui a “demandé rendez-vous à Jean-Dominique Sénard, le PDG de Renault,  a réagi : “Je déplore une nouvelle fois l’attitude de Renault qui tarde à présenter des garanties et des accompagnements aux salariés d’une usine dont ils étaient les seuls clients”, insistant sur les “primes extra-légales que les salariés doivent obtenir”. La présidente de la Région ajoute que sa collectivité est “pleinement mobilisée pour consolider l’activité sur le site mais aussi pour apporter des pistes de diversification hors automobile pour le bassin industriel de Decazeville.”

Olivier SCHLAMA