Arts : Enchères gagnantes dans le New Jersey, pour le musée des Augustins

Le fragment acquis par le musée des Augustins à Toulouse. Photo Nye & Company.

Le musée des Augustins a abrité en 2001 la première exposition monographique consacrée à Nicolas Tournier, qui réunissait pratiquement toute la production connue à l’époque, soit une trentaine de tableaux. Avec cette œuvre, récemment acquise, il conserve désormais dix tableaux du peintre.

Au début du IVe siècle, quatre empereurs se partagent l’Empire, dont deux en Occident : Maxence e, Italie et Constantin sur le Rhin. Ce dernier décide en l’an 312 de partir dans la péninsule affronter son rival. Il engage la bataille décisive le 28 octobre, à quelques kilomètres au nord de Rome, près du pont Milvius.

Après avoir reçu en songe, selon certains auteurs, l’injonction du Christ d’inscrire un signe chrétien, le chrisme (ou “monogramme du Christ” formé par deux majuscules de l’alphabet grec), sur les étendards de son armée, Constantin l’emporte malgré son infériorité numérique, tandis que l’empereur Maxence et ses troupes, adossés au Tibre qu’ils ne parviennent pas à franchir dans leur déroute, s’y noient en grand nombre (la suite sur le site Universalis.fr).

Pas de certitude, mais de fortes présomptions

La bataille de Constantin contre Maxence,, musée des Augustins. Photo © Daniel MARTIN

C’est cette bataille que raconte la grande toile (550X260) signée Nicolas Tournier et conservée au musée des Augustins, à Toulouse. Dans le fragment acquis récemment par le muée, “on voit deux guerriers en gros plan qui semblent observer un phénomène et dont l’un semble se protéger d’une lumière trop vive. Les autres soldats contemplent le même spectacle. Il pourrait s’agir du signe miraculeux en forme de Croix qui surgit dans le ciel de Rome et qui préfigure la victoire de Constantin et sa conversion au christianisme…”

Au musée des Augustins, on précise que “le fragment ne peut être appliqué directement au tableau du musée, La Bataille de Constantin contre Maxence, et d’autres parties semblent manquer. Actuellement, l’hypothèse la plus vraisemblable est que ces spectateurs se trouveraient de l’autre côté du pont par rapport à Constantin” (à droite de la toile ci-dessus).

Avertis par un collectionneur privé

La restauration (*) de ce grand tableau menée en 2015-2016 par Florence Meyerfeld et Jérôme Ruiz a permis de rendre la lecture de l’oeuvre plus aisée et de retrouver des couleurs intenses en dépit de l’histoire tourmentée de cette immense toile, dont la réapparition américaine de ce fragment constituerait un témoignage éloquent.

L’achat de cette toile par le musée s’est déroulé très rapidement. Un collectionneur privé a repéré cette toile quelques jours avant dans le catalogue d’une vente aux enchères prévue en septembre dans le New-Jersey, aux Etats-Unis.

Connaissant bien la peinture française du XVIIe siècle, il a fait le rapprochement avec le tableau du musée des Augustins. N’ayant pas d’attache avec le musée, il a alerté le directeur de la publication La Tribune de l’Art, journal en ligne spécialisé dans l’actualité de l’histoire de l’art. Ce dernier a immédiatement contacté le musée.

Les experts américains seraient passés à côté

Après un court délai de réflexion, la conservation du musée a jugé hautement probable que cette toile soit bien de la main de Nicolas Tournier. Et c’est ainsi que le musée a pu participer à distance à cette vente aux enchères et acquérir cette peinture pour une somme particulièrement intéressante : seulement 6000 €, “Sans doute que les experts américains n’ont pas reconnu la main de Tournier”, se réjouissait sur France 3 Occitanie le directeur du musée des Augustins, Alex Hémery.

Le musée des Augustins, “lieu de référence” pour Tournier

Cette nouvelle acquisition confirme le statut de “lieu de référence” du musée des Augustins pour le peintre. Le musée toulousain possède en effet une dizaine d’oeuvres de cet artiste né en 1590 à Montbéliard (Doubs) et mort à Toulouse en 1639.

Quatre des dix toiles de Tournier conservées aux Augustins sont présentes au musée depuis la Révolution française. Il s’agit des peintures religieuses de sa période languedocienne. Deux pendants, un Saint Paul et un Soldat, acquis en 1991, datent de la période romaine du peintre. En 2015, le musée faisait l’acquisition d’un Saint Pierre également peint à Rome. En 2017 Le Portement de croix provenant des Pénitents Noirs de Toulouse revenait dans les collections du musée. Et en 2019, le musée recevait Le Roi Midas d’un généreux donateur.

Un long passage dans l’Aude pour l’artiste

Il faut noter, par ailleurs que Nicolas Tournier a habité à Carcassonne (1623) et que dans l’Aude il a notamment réalisé une peinture pour le chœur de la cathédrale Saint-Just de Narbonne : dans un cadre rond doré en place, Tournier représente une Vierge à l’Enfant assise et entourée de Sainte-Madeleine et de Sainte-Catherine… (**).

Philippe MOURET

(*) Cette restauration a été menée avec le généreux soutien de la Fondation du Crédit Agricole –Pays de France et de la Fondation d’entreprise Crédit Agricole Toulouse 31.
(**) Tout sur Nicolas Tournier, peintre montbeliardais en Languedoc sur le site De Artibus Sequanis.

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