Moins de poubelles – sur la plage – c’est moins de déchets et de plastiques en mer. Il fallait le gamberger. C’est une petite commune qui fait de grandes choses pour l’environnement qui réussit ce tour de force. Et ce, bien avant l’interdiction légale de fumer sur les plages.
Portiragnes – 3 500 habitants permanents, 30 000 touristes l’été – , près d’Agde et Vias, s’enorguellirait presque de ce que certains imaginent comme une lubie ou, pire, une initiative contre-productive. Faux ! C’est peut-être contre-intuitif mais enlever des poubelles sur la plage réduit les déchets et surtout les plastiques dont certains finissent invariablement en mer.
La commune avait, il y a quelques années démultiplié les poubelles sur la plage mais les déchets attirant les déchets, la situation ne s’est pas améliorée. Au contraire : comme partout sur le littoral héraultais, les anciennes poubelles sont régulièrement offertes aux quatre vents qui, ici, parfois, souffle violemment ; il n’y a qu’à voir l’érosion qui y sévit. Et certains emballages et plastiques s’envolaient pour amerrir dans la Méditerranée.
Même quand les poubelles étaient pleines, les gens croyaient bien faire en déposant leurs propres déchets au pied des poubelles mais cela faisait empirer les choses”
Gwendoline Chaudoir, maire de Portiragnes
“Même quand les poubelles étaient pleines, réaffirme Gwendoline Chaudoir, les gens croyaient bien faire en déposant leurs propres déchets au pied des poubelles mais cela faisait empirer les choses. Là, les touristes comme les habitués repartent avec leurs déchets comme on le fait tous en montagne ou en les déposant aux grands points d’apport volontaires situés aux neuf entrées de cette plage.” Il a d’abord fallu convaincre les habitants. Et installer tout un réseau de tri sélectif aux entrées de la plage de Portiragnes. Des bacs de 660 litres et des colonnes de 5 mètres cubes à quelques dizaines de mètres de la plage.
La maire, Gwendoline Chaudoir ajoute : “On s’est aperçus que plus on installait des points d’apport sur les plages plus on drainait de déchets sur la plage. Quand les poubelles étaient pleines, les gens continuaient à poser leurs déchets, couches, bouteilles, dessus, à côté… Nous avons eu des réclamations la première année mais cette année rien ne nous est remonté. Habituellement, on recevait des photos de poubelles débordant d’ordures ; on n’en a pas eu cette année. Nous n’avons enlevé que les poubelles sur la plage. En amont, nous avions signé la charte zéro plastique. Agde a aussi expérimenté la plage sans poubelles sur quelques plages.”
Sur cette plage classée en partie Natura 2000, Il a aussi fallu “intensifier le ramassage manuel avec quatre saisonniers qui interviennent tous les jours trois heures en saison avant l’arrivée des touristes”, précise Caroline Levannier, l’élue chargé de ce dossier. S’agissant des premiers résultats, ils sont “compliqués à établir mais le message est bien passé. C’est entré dans les moeurs. D’autant que cela s’inscrit dans une éthique plus globale d’une plage plus naturelle, plus jolie avec moins de mécanisation pour la nettoyer”. Le “surcoût, si surcoût il y a, il n’est pas totalement estimé : on a davantage de saisonniers, moins de passage de cribleuses…”
L’expérience concluante de la côte atlantique
Les tortues Caouanne qui sont venues pondre, notamment sur le littoral héraultais, n’a pas été l’élément déclencheur d’une prise de conscience qui préexistait. Mais c’est aussi, cette plage, une zone de nidification des gravelots. “Cela fait un moment que nous sommes sensibilisés à cette question des plastiques, contextualise la maire Gwendoline Chaudoir. Nous avons signé la charte Plages sans déchet plastique. Et nous travaillons au niveau de l’agglo sur les déchets dans le fleuve Hérault, Portiragnes est situé dans l’ancien delta de l’Orb et aussi sur la problématique des inondations qui lessivent tout. Nous avons à traiter cette question des déchets plastique depuis des années.”
“Pour certains habitants, c’était comme si nous leur enlevions un service. Ce qui est faux”

Gwendoline Chaudoir, qui s’est inspirée de ce qui se fait depuis des années sur la côte Atlantique, complète : “Supprimer les poubelles supprimées sur la plage, cela ne s’est pas fait du jour au lendemain ; il a fallu lancer tout un processus. Pour certains habitants, c’était comme si nous leur enlevions un service. Ce qui est faux : nous avons davantage de saisonniers qui interviennent tous les jours pour enlever les déchets jetés par incivilité qui peuvent joncher la plage et aussi un nettoyage raisonné : année après année, nous réduisons l’intervention des cribleuses mécaniques qui nous enlèvaient pas mal de coquillages qui nous permettent de stabiliser les plages soumises à l’érosion.” Brindilles, laisses de mer sont si importantes…!
Quand vous découvrez un chemin de randonnée magnifique, au bord d’un lac, il ne vous vient pas à l’idée d’avoir une poubelle tous les deux cents mètres”

Alors, des poubelles sur la plage, une fausse bonne idée…? “Moi, explique encore Gwendoline Chaudoir, qui vais de temps en temps en montagne, quand vous découvrez un chemin de randonnée magnifique, au bord d’un lac, il ne vous vient pas à l’idée d’avoir une poubelle tous les deux cents mètres. On a l’automatisme de prévoir un sac pour les déchets du pique-nique que l’on ramène chez soi. Là, on ne va pas jusque là. Il n’y a certes plus de poubelles sur la plage mais nous avons toute une implantation organisée par le Syctom, syndicat qui organise la collecte des déchets dans notre agglo. Sur l’espace urbain et non plus sur la plage, nous avons créé des points d’apport volontaires à toutes les entrées de plage avec du tri. Avec tout un travail de communication.”
Tout a commencé par un appel à projets auquel répond le syndicat mixte des ordures ménagères, Syctom avec un partenariat avec Citeo – par ailleurs, Portiragnes va proposer des cendriers de plage. S’en est suivi un partenariat exemplaire avec le Sictom, Syndicat des déchets Agde Pezenas associant 58 communes, France Nation Verte, Citéo et le soutien de la Région Occitanie. Le syndicat a financé les points d’apports volontaires et la campagne de communication que Portiragnes s’est occupée de déployer.
Olivier SCHLAMA
– Année 2023 : 154 tonnes d’ordures ménagères, rapport kg / hab OM : 303 kg / hab.
– Année 2024 : 184 tonnes d’ordures ménagères, rapport kg / hab OM : 293 kg / hab.
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