Dans une étude inédite, et le rapprochement des données entre ministères de la Justice et de l’Intérieur, on apprend que la moitié des affaires de ce genre sont traitées en moins de six mois. Signe de la mobilisation de la justice.
C’est une première et on s’en frotte les yeux. Cette étude inédite du service statistique du ministère de l’Intérieur a permis de suivre les dossiers de quelque 800 000 victimes de violences conjugales de 2018 à 2023, celles dont la procédure a pu être appariée à une affaire enregistrée par la justice, soit 85 % de l’ensemble. Eh bien, la moitié des affaires de ce genre sont traitées en moins de six mois et pour les trois-quarts, la clôture du dossier de plainte arrive en moins d’un an. Une durée de traitement qui a sensiblement diminué au fil des années. Même si elle varie fortement, et c’est normal, en fonction de la complexité des affaires : “En moyenne, les victimes enregistrées en 2018 ont vu leur affaire terminée en 11,7 mois contre 8,9 mois pour celles enregistrées en 2021. » Signe de la mobilisation de la justice.
Quand l’affaire est jugée par le tribunal correctionnel, soit pour une victime sur trois, ce dernier prononce quasi-systématiquement une mesure de culpabilité (dans 95 % des cas). Pour la moitié des victimes enregistrées par les services de sécurité intérieure, l’affaire les concernant est terminée en moins de 6 mois, si l’on prend en compte le délai entre la date d’enregistrement des faits par les services de sécurité intérieure et l’issue de la procédure pénale, quelle qu’elle soit.
Que devient une plainte après son dépôt ?

Cela est possible pour la première fois, à la faveur du rapprochement des systèmes d’information des services statistiques ministériels de la sécurité intérieure (SSMSI) et de la justice (SSER) permettant de faire le lien entre les victimes de violences conjugales enregistrées par la police et la gendarmerie et le traitement pénal par la justice des procédures associées. Jusque-là, l’Intérieur comptait les victimes dont les plaintes avaient été enregistrées par la police et la gendarmerie, la justice enregistrait, elle, les affaires pour lesquelles les parquets avaient été saisies. Sans moyen de relier les deux. Sans savoir par exemple les affaires avaient mis de temps pour être terminées.
Que devient une plainte après son dépôt ? Comment sont orientées les affaires selon le type de violence subie par la victime ? À quelle décision judiciaire la procédure pénale donne t’elle lieu au final ? L’étude permet de distinguer les victimes dont l’affaire a fait l’objet d’une suite, c’est-à-dire une poursuite ou une mesure alternative aux poursuites, et les victimes dont l’affaire a été classée sans suite. Elle éclaire également sur les décisions de culpabilité prises en cas de poursuite devant le tribunal correctionnel. Enfin, elle met en évidence des différences selon plusieurs facteurs et fournit des éléments sur la durée des procédures.
77 % de poursuites en cas de tentative d’homicide

La part des poursuites varie fortement selon la nature des violences enregistrées par les services de sécurité intérieure : de 77 % en cas de tentative d’homicide, à environ un tiers en cas de viol ou de tentative de viol, violences physiques ou menaces. Elle est même inférieure à 30 % pour les violences sexuelles autres que le viol ou la tentative de viol (29 %), le harcèlement moral (24 %) et les autres violences psychologiques ou verbales (19 %).
Cependant, pour les victimes de violences sexuelles, de menaces et de violences psychologiques ou verbales, la part de celles dont l’affaire donne lieu à des poursuites est multipliée par deux ou trois en cas de violences associées d’une autre nature, en général des violences physiques.
Narcotrafic, criminalité : vers coopération renforcée
Quant aux autres violences sexuelles répertoriées et tentatives d’homicides, cela représente moins de 1 % des 800 000 plaintes. Pour 42 % d’entre elles, l’affaire est classée sans suite par la justice ; soit non poursuivable (36 % des cas) parce qu’il n’y a pas assez de preuves ; à cause d’un désistement de plainte, par exemple (6 %). A contrario, pour 55 % des victimes, leurs plaintes ont bien débouché sur un traitement judiciaire (transmission à un juge, stage de sensibilisation, mesures d’interdiction…)
Après ce coup d’essai concluant, les deux ministères pourront sans doute coopérer de la même façon sur le quantum des peines (leur durée) en fonction du type de violences. Exemple aussi de coopération renforcée, criminalité organisée et narcotrafics.
Olivier SCHLAMA