Université de Montpellier : Anne Fraïsse : “Se transformer en EPE permet d’avoir plus de force”

ceremonie des voeux 2025

L’université Paul-Valéry se transforme en Établissement public expérimental avant de devenir un Grand Établissement. De quoi s’associer avec des écoles reconnues, offrir une plus large gamme de formations et de rayonner au niveau national et international. Ce qui ne résout pas le déficit…

En 2025, l’Université Paul-Valéry de Montpellier se transforme en EPE. Derrière l’acronyme, c’est un changement profond. Cet Établissement Public Expérimental, dont fait partie l’École nationale supérieure d’architecture de Montpellier (Ensam) et le Centre international de musique médiévale (CIMM), sont également établissements-composantes. Cet EPE préfigure ce que deviendra in fine université et ses partenaires : un Grand Etablissement qui en sera l’aboutissement. Présidente de l’Université, Anne Fraïsse nous explique les enjeux de cette transformation.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est cet EPE ?

Par définition, l’EPE est un outil souple qui permet des regroupements d’établissement dans des buts variés. Le nôtre regroupe des écoles du service public avec l’Université dans une communauté autour de la culture, des arts, des ICC. Avec deux écoles qui ont déjà intégré l’EPE : l’école d’architecture et le Centre international de musique médiévale. Nous espérons que d’autres écoles qui, actuellement, ne sont que partenaires, nous rejoindront. Comme des écoles d’art de Montpellier qui pourraient nous rejoindre dans le futur Grand Établissement.

Nous montons un projet en commun ce qui en recherche correspond au projet Miranda {Un pôle d’excellence en recherche-création dans les domaines des arts, de la culture et du patrimoine, ancré dans l’écosystème territorial et moteur de la démocratisation culturelle, Ndlr}. Ces écoles publiques sont déjà nos partenaires avec lesquels nous sommes engagés dans des projets communs ; nous avons même des formations et des recherches communes.

Quels en seront les projets saillants ?

C’est une structuration administrative. Les projets seront compris dans tout ce qu’il y a dans le périmètre de l’EPIA Miranda ; tout ce qui est autour de la recherche-création et qui correspond à ce que font nos partenaires. Nous mettons en place tout ce qui est autour de ce sujet, c’est-à-dire un travail d’analyse sur les propres créations artistiques d’artistes. L’EPE et le Grand Etablissement ensuite vont faciliter les projets que nous avons. Cela permet d’avoir plus de force. Les étudiants de l’école d’architecture, par exemple, deviennent aussi les étudiants de l’université. Par rapport à des écoles plus petites que nous, ça leur permet d’avoir un certain nombre de propositions de notre université auxquelles ils ne pouvaient pas avoir accès auparavant.

Cela élargit-il la gamme des études pour les étudiants ?

Tout à fait.

Est-ce aussi une façon de rayonner au niveau national et international ?

Certainement. L’école d’archi’ est connue. Travailler ensemble nous rend plus visibles. C’est aussi le but.

D’autres universités sont-elles engagées dans cet voie vers le Grand Etablissement ?

Nous sommes la seule université de lettres à nous inscrire dans cette démarche. En revanche, il y a déjà pas mal d’EPE par ailleurs. Les autres structurations précédentes, c’était la fusion ou la Comue. Et il est à peu près certain qu’il n’y en aura pas d’autre. La Comue qui était, elle, le regroupement des établissements juxtaposés, il y en a de moins en moins et il y en aura de moins en moins.

Vous étiez donc précurseure d’avoir refusé la fusion il y a plusieurs années ?

Oui, pour la fusion. La Comue (Communauté d’établissements), j’y étais favorable mais avec une autre proportion de représentativité pour notre université. L’EPE, ce qui est intéressant, c’est que les écoles qui nous rejoignent gardent leur autonomie.  Elles ont out à y gagner en ce sens qu’elles restent l’école qu’elle sont et elles ont en plus les avantages de s’associer à l’université. Cela replace l’université au coeur de ce domaine de la culture et de l’ICC (les industries culturelles et créatives). Cela renforce les partenariats. Ces écoles dépendent du ministère de la Culture et non pas de l’Education nationale. Cet EPE est donc aussi une façon de travailler une transversalité.

Comment sa s’exprimer cette nouvelle offre ?

On est en train de travailler avec nos partenaires dans tous les domaines, que ce soit le campus, les formations, la recherche… Pour voir ce que l’on peut bâtir de façon à structurer l’ensemble. Le travail commun va nous permettre d’aller plus loin.

Combien y a-t-il d’étudiants à l’université Paul-Valéry ?

Les effectifs sont restés à peu près stables, après une montée et une très légère descente. Si on compte que les LMD (licences, master, doctorats), nous avons à peu près 22 000 étudiants et 23 000, au total, avec les DU et les formations qui ne font pas partie des LMD.

Quelle est la situation financière de l’université ?

C’est l’unique problème de Paul-Valéry. Nous avons fait une grande poussée en recherche ; nous sommes dans les classements internationaux. En revanche, notre dotation de l’Etat, qui est d’un peu plus de 100 M€ (sans parler des ressources propres), est dramatiquement insuffisant et très mal proportionné par rapport aux autres universités. C’est une très grande injustice. Ce que je dénonce, non seulement le fait d’être en déficit (de 7,5 M€ cette année), c’est aussi la répartition des dotations d’Etat qui ne sont pas réparties comme il le faut. Pour les formations, l’entretien des bâtiments…

Et là quand on voit les chiffres… On est à moins de 4 000 € par étudiant (tout compris) alors qu’il est de plus de 5 000 € dans d’autres universités comparables à la nôtre. C’est l’injustice totale. Cela veut dire que les étudiants d’une même discipline ne reçoivent pas un financement identique quelle que soit l’université où ils étudient. Et ça cela fait des années que je soulève ce problème.

Cela est dû à quoi ?

Atrium de l’Université Paul-Valery. Ph. MaximeFlori-7

Il y a des explications anciennes : autrefois, il y avait les normes dites San Rémo. Elles définissaient l’étudiant de lettres “valait” deux fois moins qu’un étudiant de sciences et quatre fois moins qu’un étudiant d’une prépa’.

Un jour, le ministère a décrété que ce n’était plus correct. Ce qui était vrai. L’État a voulu en changer mais il n’y est pas arrivé. Et il a donc bloqué tout le système… À ce moment-là, on a eu notre dotation avec toujours un peu plus mais en partant de ce système injuste. Il n’y a pas eu de rattrapage. Et même l’État, en pensant agir justement, c’est-à-dire en gardant la même proportion pour tout le monde dans les augmentations, notamment, n’a fait qu’accentuer les inégalités.

Toutes les universités sont-elles dans ce cas ?

Cet écart de budget entre universités s’est creusé. Il est bien plus important qu’il y a 20 ans. En revanche, toutes les mesures où l’on nous enlève de l’argent en nous imposant des dépenses – salaires et pensions de retraites qui augmentent, par exemple – mais l’Etat ne paie pas la différence ! Et, proportionnellement, cela touche davantage les universités pauvres. Parce qu’elles n’ont pas ou très peu de fonds de roulement. Et c’est ça qui est ponctionné en priorité. Certaines, qui ont pu créer des fonds de roulement, ce sont celles qui avaient une dotation plus importante, qui étaient les plus riches à l’origine et qui ne le dépensaient pas entièrement. Ces 100 M€ de budget ne couvrent pas missions que l’Etat nous donne. Et nous n’avons plus de fonds de roulement…

Que fait l’État ?

Pour arriver à passer encore cette année, on va encore baisser les parts de l’investissement et du fonctionnement. Le déficit, même s’il est affiché à – 7,5 M€, il est beaucoup plus proche en réalité de 10 M€ à 12 M€ et il va s’aggraver si rien n’est fait. Chaque année, l’Etat fait pareil : il nous met juste le nez hors de l’eau pour que l’on puisse passer et tout retombe ensuite… C’est très difficile parce que tout ça se fait à moyens constants : si on donne à une université, on le prend à d’autres. J’ai passé ce dernier mandat de présidente d’Université à dénoncer cela et de m’entendre dire – ce que je m’entendais dire il y a 20 ans ! – que : “Oui il faut vraiment envisager cette redistribution”

                                                                                   Propos recueillis par Olivier SCHLAMA

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