Grâce à une opération conjointe franco-espagnole 2,4 tonnes de pollen de cannabis ont été saisies le 15 juin. “C’est comme la pièce du boucher pour les amateurs de viande…”, rapporte Dominique Sistach, sociologue à l’université de Perpignan, à propos de ce produit beaucoup plus concentré et plus cher.
Le 15 juin, au large des côtes franco-espagnoles, une opération conjointe de lutte contre le trafic de stupéfiants en mer, conduite entre le Service de garde-côte des douanes (SGCD) de Méditerranée et la Dirección Adjunta de Vigilancia Aduanera (Dava) espagnole, a permis de saisir 2,4 tonnes de pollen de cannabis. Selon différentes sources, cela représenterait pour les trafiquants plus de 25 M€ à la revente ! C’est la plus importante saisie de ce type depuis septembre dernier où les autorités avaient déjà saisi 4,3 tonnes, mais cette fois-là, de résine de cannabis.
Go fast à plus de 50 milles nautiques des côtes
Le 15 juin, en début d’après-midi, c’est d’abord l’hélicoptère de la douane française, déployé en Espagne, qui a identifié un go fast chargé à plus de 50 milles nautiques des côtes. L’embarcation est stoppée et manifestement en attente d’ordres de déchargement. “Immédiatement, cette information a été transmise au Centre opérationnel douanier maritime (CODM) de Méditerranée et au patrouilleur de la douane française DFP3 (le Jean-François Deniau, basé à la Seyne), déployé dans la zone, qui s’en est rapproché discrètement. En parallèle, les services espagnols sont venus en appui du dispositif en déployant trois vedettes rapides et en relevant l’hélicoptère français qui, lui, gardait le contact visuel avec le go fast jusqu’à la phase d’intervention.”
61 ballots jetés en mer soit 2,440 tonnes de pollen de cannabis
En début de soirée, l’ordre d’intervenir est donné à l’ensemble du dispositif. Dès l’intervention lancée, les trafiquants prennent alors immédiatement la fuite, en jetant les colis de stupéfiants en mer. L’ensemble des moyens déployés sur zone, en soutien du patrouilleur DFP3, a permis de récupérer 61 ballots jetés à la mer pour un total de 2,440 tonnes de pollen de cannabis. Les conditions météorologiques dégradées et la nuit tombée ont rendu la poursuite des opérations de recherche difficiles. Cependant, les autorités estiment que “la quasi-totalité des marchandises jetées à la mer ont été récupérées”.
Cette opération, baptisée Narcops, mettant en œuvre un dispositif aéromaritime conséquent, a été organisée au nord des Baléares, dans les eaux internationales. Grâce à l’action des moyens français et espagnols, un schéma tactique efficace a pu être mis en œuvre pour contrer un trafic de cannabis par go fast au large des côtes de la région autonome de Catalogne.
Lutte contre les trafics illicites
L’affaire est désormais suivie par les juridictions espagnoles. La marchandise a, elle, été remise aux autorités espagnoles, comme l’a fait savoir le procureur de la république de Toulon où siège la préfecture maritime de Méditerranée française. “En tant que représentant unique du gouvernement et de chacun de ses membres en mer, le préfet maritime de la Méditerranée coordonne l’activité de l’ensemble des administrations concourant à l’action de l’État en mer. La lutte contre les trafics illicites est l’une des prérogatives qu’il exerce dans ce cadre”, réexplique-t-on à Toulon.
À ce titre, le préfet maritime a suivi l’opération conjointe de lutte contre les trafics de stupéfiants en mer Méditerranée qui s’inscrit dans le cadre de la coopération européenne entre les services douaniers spécialisés, prévue par la convention européenne de Naples II.
Cette saisie met en lumière ce fameux pollen de cannabis. Comme l’explique l’addictologue Hélène Donnadieu-Rigole du CHU de Montpellier : “Ce pollen est bien sûr issu de la fleur de cannabis et il est beaucoup plus fort que la résine car nettement plus concentré”, dit-elle.
“C’est comme la pièce du boucher pour les amateurs de viande…”
Sociologue à l’université de Perpignan, Dominique Sistach va plus loin : “Avant de la laver, les producteurs de cannabis placent l’herbe sous des bâches ; frapper dessus et tamisent ainsi le pollen”. Ce pollen, une fois extrait – il est notamment produit au Maroc -, se fume sous forme de joint. Il est beaucoup plus fort en substance active, le cannabinoïde. Beaucoup plus puissant. C’est la forme la plus brute, la plus herbacée avec une forte teneur en THC et de CBD, de l’ordre de 40 %, comme on me l’a confié dans un socios, à Barcelone. C’est une marchandise très chère. En comparaison, l’herbe, c’est environ 20 % et 35 % de THC. Quand on fume ça, on est totalement défoncé ; faut boire deux litres d’eau… Il est beaucoup plus cher à l’achat. Un dealer ma donné cette formule : “C’est comme la pièce du boucher pour les amateurs de viande…”
Dominique Sistach se souvient que la plus grosse prise mondiale est de l’ordre de 24 tonnes, en Californie, à la frontière entre USA et Mexique. “Là-bas, la marchandise y est acheminée en semi-remorques…! Ce sont des quantités énormes qui transitent dans le monde. Il y a quelques années, on parlait de grosses quantités quand on saisissait 300 kg ou 400 kg de drogues…”
Au plan économique, Dominique Sistach ajoute : “Quand on regarde une carte d’Europe, seul un pays sur trois ne produit pas de cannabis… Et l’ouverture à la consommation en Allemagne demande d’augmenter les capacités de production…”
Olivier SCHLAMA