En quinze éditions, ImageSingulières était devenu l’un des rendez-vous incontournables pour les amateurs de photographie en Occitanie. Mais l’édition 2023 aura été la dernière de l’histoire, en tout cas sur le territoire de la commune de Sète qui en était le berceau. Faute de moyens, l’équipe dirigeante cesse ses activités sur le site héraultais, mais envisage d’écrire une nouvelle page en images, toujours en Occitanie. Les amoureux de la photo attendront Visa pour l’Image à Perpignan (du 2 au 17 septembre) ou profiteront du magnifique rendez-vous des Rencontres d’Arles (jusqu’au 24 septembre) dans le département voisin des Bouches-du-Rhône. Voici le texte intégral du (long) communiqué de l’association CéTàVOIR :
Arrêt des activités à Sète et nouveau projet
L’association CéTàVOIR fêtera ses 20 ans en novembre prochain. Vingt ans durant lesquels Valérie Laquittant, directrice, Gilles Favier, directeur artistique, les membres du conseil d’administration et l’équipe de CéTàVOIR se sont mis au service de la photographie documentaire. Vingt ans à porter de nombreux projets territoriaux, nationaux et même internationaux, dont les piliers sont la résidence de photographe créée en 2007, le festival ImageSingulières créé en 2009, et le centre photographique documentaire ImageSingulières, qui avait vu le jour sous le nom de Maison de l’image documentaire (MID) en 2011.
En deux décennies, nous avons exposé près de 400 photographes, sans compter les milliers présentés en projections, de grands noms mais aussi des photographes émergents que nous avons contribué à faire connaître.
Nous avons accueilli près de 720 000 visiteurs, sans compter les publics scolaires et ceux issus de la politique de la ville qui ont bénéficié d’actions de médiation et d’éducation à l’image.
Nous avons accueilli en résidence 18 photographes et un collectif, avec Christian Caujolle, en indispensable maître d’œuvre, et coédité 18 livres photographiques qui constituent une collection de référence dans le champ de l’édition.
Nous avons porté trois grandes commandes photographiques : La France vue d’ici (avec Mediapart) Jeune Génération (avec le ministère de la Culture), D’OC 6 regards sur l’Occitanie (avec l’ETPA).
Enfin, grâce à une très large couverture presse et à la présence à Sète de nombreux médias nationaux, nous avons contribué activement à la notoriété de la ville et de la région Occitanie.
Mais tout cela ne s’est pas fait sans difficulté, et aujourd’hui nous devons nous rendre à l’évidence : nous sommes malheureusement arrivés à un point de rupture qu’il convient d’expliquer ici avec précision et transparence.
N’étant pas parvenus à obtenir des conventions pluriannuelles avec nos partenaires institutionnels et financiers, nous ne pouvons anticiper et sommes dans l’impossibilité de nous projeter à moyen terme.
Ne disposant pas de suffisamment de lieux fixes dédiés à nos activités à l’année et au festival, nous sommes contraints à des changements réguliers d’espaces dans des conditions très précaires (nettoyage, mise en sécurité, travaux de rénovation et de maintenance importants…).
Cette incertitude récurrente nous met en difficulté pour concevoir bien en amont, comme il se doit, la programmation artistique et prévoir la scénographie des expositions.
La mise en état des lieux pour accueillir œuvres et public dans de bonnes conditions de visite et de sécurité a par ailleurs très souvent reposé sur nos équipes (directeur artistique, salariés, bénévoles), assistées de quelques prestataires extérieurs rémunérés. Notre situation financière actuelle ne nous permet plus d’avoir recours à ces prestataires, pourtant indispensables.
Les coûts humains et financiers ne sont plus tenables. Les équipes sont fatiguées et, sans aucune perspective d’évolution positive, se démotivent. Plusieurs salariés nous ont quittés pour de meilleures conditions de travail et de rémunération. Dans ce contexte fragilisé, il nous est difficile de stabiliser notre équipe dans la durée.
Par ailleurs, il n’est plus envisageable aujourd’hui de reposer la réussite du projet sur l’investissement professionnel et personnel de l’équipe dirigeante, lasse de compenser les conséquences d’un budget insuffisant par le recours à ses moyens personnels (accueil de photographes à son domicile, matériel mis à disposition, tâches multiples exercées hors cadre de la fonction, volume très important d’heures supplémentaires non rémunérées…).
Avant d’en arriver à ces constats, avant même la pandémie, nous avions réfléchi à recentrer nos actions, à réduire notre impact écologique, et avions mis en place des mesures pour améliorer les conditions de travail des équipes, les conditions d’accueil des auteurs et des publics.
Nous avons tenté de réduire la part du festival pour privilégier le travail sur la durée et sur le fond avec le développement des activités du Centre photographique. Nous avons bénéficié pour cela de deux accompagnements (Dispositif local d’accompagnement – DLA) afin de consolider notre stratégie de développement, mais aussi pour tenter de trouver une solution à la volonté affichée de Gilles Favier, qui incarne ImageSingulières, d’arrêter la charge de la direction artistique.
Les nombreuses tâches et missions incombant à sa fonction, associées à la nécessité d’une parfaite connaissance du secteur de la photographie et d’un riche réseau professionnel, mais aussi une rémunération notoirement insuffisante au regard du profil et des compétences nécessaires au poste et à la notoriété du festival, ne nous ont pas permis de trouver un candidat ou une candidate pour sa succession.
Durant plus de quatre ans, nous avons présenté un projet de Centre photographique réhabilité et durable à nos partenaires, en premier lieu à la Ville de Sète. Mais celle-ci attendait de nous un événement avec une forte visibilité, alors que nous souhaitions privilégier une activité à l’année. Il était alors devenu impossible d’opérer un choix entre ces deux piliers du projet, le festival – vivement souhaité par les partenaires – et le Centre photographique.
Malgré une gestion extrêmement rigoureuse, notre situation financière s’est encore dégradée au cours de l’exercice clos au 31/12/2022, avec un déficit de l’ordre de 40 000 € (qui fait suite à un déficit de 16 000 € en 2021). Nous avons notamment dû faire face à des augmentations significatives des coûts de production des expositions, à l’augmentation des frais de déplacement des photographes, à un ajustement des rémunérations sur les grilles de salaires de notre convention collective, et à la diminution ou à la stagnation des subventions publiques.
Cette situation comptable nous inquiète vivement, nous interroge fortement quant à la continuité d’exploitation de notre association dans les conditions actuelles, et nous met désormais face à nos responsabilités.
Gilles Favier et Valérie Laquittant nous ont fait part de leur désir de poursuivre certaines des missions de CéTàVOIR sur un nouveau territoire, où ils souhaitent s’installer afin d’y développer une réflexion basée sur une transition écologique de nos pratiques et sur le développement d’activités pérennes. Nous souhaitons accompagner cette relocalisation et nous inscrire dans les directives d’écoresponsabilité, portées notamment par le ministère de la Culture.
Ces constats partagés collectivement permettront de faire évoluer notre projet pour le préserver, mais aussi pour le mettre en adéquation avec nos valeurs et les problématiques actuelles.
Ainsi, les membres du conseil d’administration, en plein accord avec l’équipe dirigeante, ont pris la décision de cesser les activités actuelles de CéTàVOIR sur le territoire de Sète et son agglomération à la fin de l’année 2023, et de se relocaliser sur un nouveau territoire, toujours en région Occitanie, pour lancer de nouveaux projets dont la teneur vous sera communiquée au mois de septembre.
Le conseil d’administration de CéTàVOIR