(Avec vidéos) Pas moins de 69 décès en Méditerranée en 2024 et déjà 32 morts au 31 juillet. En cette journée caniculaire, bâtiments des Affaires maritimes et des Douanes faisaient de la prévention sur l’eau auprès des nombreux plaisanciers.
Une Méditerranée à l’onde gonflée, aux éclatants reflets Majorelle ; un horizon bleu azur ; des fonds marins transparents au point d’y distinguer nettement des herbiers de Posidonie, refuges protecteurs de nombreuses espèces. Et pétole. Qui l’imagine parfois si dangereuse, Mare Nostrum …? Ce matin, entre Sète et Frontignan, dès potron-minet, entre les nuages de méduses, et eau claire, les plaisanciers n’auraient raté pour rien au monde cette journée parfaite pour écumer la bande littorale, fuyant une météo caniculaire à terre. Souvent, le pique-nique patientait à bord.
Pas moins de 12 226 contrôles dont 2 485 infractions
C’était aussi le jour choisi par quatre administrations – Affaires maritimes, Douanes, gendarmerie maritime et gendarmerie – pour procéder à une série de contrôles qui, ordinairement, se déroulent loin des journalistes. “L’année dernière, les services de l’État en mer ont effectué, sous l’égide de la préfecture maritime, 12 226 contrôles sur la façade méditerranéenne dont un sur cinq (2 485) infractions”, résume David Ranfaing, chef du service mer et littoral de la DDTM 34 (Direction départementale des territoires et de la mer).
À l’issue de cette grosse matinée de contrôles qui n’ont donné lieu volontairement à aucune verbalisation de la part des Affaires maritimes – la pédagogie est affirmée en étendard ce jour-là -, un détail alarme toutefois Eric et Gabriel, les deux contrôleurs aguerris des Affaires maritimes, qui n’ont pas à trop pousser leur bi-150 chevaux semi-rigide pour rattraper un jet-ski fatigué. Celui-ci est chevauché par un couple originaire d’Evian, en vacances, qui possède un appartement à Sète et dont la femme ne porte pas de shorty réglementaire (combinaison qui s’arrête au dessus du genou), obligatoire, d’au moins 2 millimètres d’épaisseur. Les deux contrôleurs vérifient au passage papiers, permis et tous les dispositifs de sécurité traditionnels. Une absence de permis peut engendrer une amende maximum de 1500 €
“La turbine du jet est tellement puissante qu’elle peut provoquer des éventrations”

Solennels, ils leur expliquent que “la shorty c’est indispensable : si vous tombez à l’eau, la turbine du jet est tellement puissante qu’elle peut provoquer des éventrations. On ne rigole pas avec ça. Il y a déjà eu des accidents de ce type. Plusieurs autres choses ne vont pas : depuis cette année, avoir deux coupe-circuits est désormais obligatoire sur toute embarcation à moteur.“ Les papiers sont en attente d’une validation de la préfecture maritime s’agissant de la cession de l’engin. Le duo, qui sortait leur jet pour la première fois (“pour le tester”), opine et révèle s’être mis à l’eau à la Plagette, à Sète. Malheur !
“Frontignan a interdit les jets skis sur son littoral…”
“C’est interdit comme partout sur l’étang de Thau. Il n’y aucune tolérance”, lui révèle Eric. Celui-ci leur explique qu’il n’y a qu’au chenal du port des Quilles, à Sète, que l’opération est possible, sachant que “la ville de Frontignan a interdit cette année les jets skis sur son littoral pour cause de troubles à l’ordre public…” Au final, Eric leur ordonne de rentrer et leur donne 24 heures pour prouver par mail que ce couple est en règle. Une mise en demeure, sinon, risque de poursuites… Un peu électrifié, le duo fait contre mauvaise fortune bon coeur. La femme : “Si je trouve ce genre de contrôle normal ? Oui, bien sûr. En plus on a appris des choses…”
“Préparer, équiper, alerter”

Dix contrôles effectués par les Douanes, elles aussi de sortie, avec deux infractions relevées pour matériels de sécurité non conformes et cinq contrôles des Affaires maritimes le matin à Sète et sans doute autant au Grau-du-Roi et Marseillan. Cette campagne de sécurité nautique a été initiée par la préfecture maritime de Méditerranée. “Actuellement, en même temps que nous, les brigades nautiques du Grau-du-Roi et de Marseillan sont en action sur l’eau, confie David Ranfaing de la DDTM 34. Notre dispositif est permanent. Au total, huit administrations sont associées. Notre but, c’est la sécurité en mer et la sauvegarde de l’environnement. Et de dérouler les préceptes de base résumés par un signe : PEA, l’assurance vie en mer : préparer, équiper et alerter”, souligne David Ranfaing.
Et : “Il faut connaître la météo, les particularités de la zone, avoir conscience de son état de santé et de celui de ses passagers, prévenir un proche de ses intentions et de l’heure de retour prévue ; Équiper : vérifier son matériel, porter une brassière et une tenue adaptée à la pratique, avoir un moyen de communication en état de marche, être en mesure de se signaler visuellement auprès des moyens de secours ; Alerter : en cas de difficulté : VHF 16 et le numéro d’urgence 196 depuis n’importe quel téléphone pour joindre les secours (numéro valable partout en France).”
En 2024, le Cross-Med a enregistré 4 310 interventions de sauvetage ou d’assistance en Méditerranée dues à l’impréparation d’une sortie en mer, à de l’inconscience…”
David Ranfaing, de la DDTM 34

David Ranfaing pointe : “En 2024, le Cross-Med (Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage en Méditerranée) a enregistré 4 310 interventions de sauvetage ou d’assistance en Méditerranée dues à l’impréparation d’une sortie en mer, à de l’inconscience… Nous en sommes déjà à 2 500 à ce jour pour cette année, dont 260 rien que pour l’Hérault et 66 Gard. À 75 %, cela concerne la plaisance. Et surtout : la Méditerranée n’est pas un lac et peut faire des victimes. “Nous avons eu 69 morts en 2024 et nous en sommes à 32 décès le 31 juillet en 2025. Cela peut être des noyades mais pas seulement. Et nous n’y intégrons pas des migrants.”
Parmi les nouveautés : l’attestation de location

Il est 10h30 en ce mardi matin, les bâtiments des Douanes et des Affaires maritimes dont la vedette (coût 2 M€) qui arbore fièrement ses 25 ans de service et qui peut aller contrôler quiconque jusqu’à 60 miles, sortent à pas de velours du plan d’eau intérieur du siège des Phares et Balises. Dans le port, ils croisent çà et là des plaisanciers qui voguent tous au pas… Eric, contrôleur des affaires maritimes : “Il y a des nouveautés cette année comme l’attestation de location obligatoire pour le loueur afin qu’il s’assure que la personne qui va piloter son embarcation ait bien son permis de naviguer.” On n’évoquera pas ici les go fast qui, nuitamment, fusent sur la mer ou les loueurs miteux qui viennent vous chercher derrière le Théâtre de la Mer pour vous louer au “black” leur jet ski…
Sur ce littoral la population est plutôt familiale ; les comportements ne sont pas forcément ceux qui ne veulent pas respecter la loi. On est plutôt dans une logique d’impréparation et de méconnaissance”

Direction Frontignan, le bi-moteur fait feu de ses deux fuseaux. La mer est d’huile. Un pratiquant de paddle semble costaud : il avance à bonne allure. On ne l’approchera pas : il respecte scrupuleusement la règlementation, embarquant une bouée ; habillé d’une shorty pour pouvoir s’aventurer au-del) de la limite des 300 mètres. Et cette réflexion de Eric, le contrôleur : “Souvent quand un plaisancier loue un bateau ou que l’on sort le sien quelques fois par an à peine, on ne fait pas forcément d’effort…” David Ranfaing ajoute que “sur ce littoral la population est plutôt familiale ; les comportements ne sont pas forcément ceux qui ne veulent pas respecter la loi. On est plutôt dans une logique d’impréparation et de méconnaissance.”
Plusieurs contrôles se succèdent ainsi auprès des plaisanciers, tous en règles. Eric et Gabriel expliquent que parmi les règles récentes, il faut aussi qu’un nom et un numéro de téléphone figurent sur chaque partie de son embarcation (voile, flotteur, etc.)
Rendre la Méditerranée plus belle

“Aujourd’hui, prolonge Eric, les plaisanciers ne peuvent pas dire qu’ils ne savent pas. Il existe des applications reconnues comme Donia ou Nav and Co grâce auxquelles on a accès facilement aux caractéristiques de son environnement maritime, d’un port, les règles et même les arrêtés préfectoraux, zones de mouillages autorisées, restrictions et particularités locales, etc. Les infos sont à la portée de tous.” Il en ajoute une qui ne l’est pas forcément, stoppant les moteurs pour admirer un herbier de Posidonies dont un seul mètre carré produit pas moins de 10 litres à 15 litres d’oxygène par 24 heures. De quoi rendre la Méditerranée encore plus belle.
Olivier SCHLAMA
👉Bilan de l’opération du jour : 66 contrôles effectués auprès des divers usagers, plaisanciers, véhicules nautiques à moteur (jet-skis)… pour 17 infractions constatées, dont 11 pour matériel de sécurité (absence ou non conformité) et 4 pour non respect de la vitesse ou de la zone de navigation.