Cinquième édition – gratuite- et très riche, du 18 au 24 novembre, en différents lieux. Lutte contre l’obscurantisme, fraternité… Au programme : François Tosquelles, Jorge Semprún, Manolo Valiente, Josep Cabrero Arnal, Federico García Lorca, Antonio Machado, Renée Laffont…
La liberté, la lutte contre l’obscurantisme, la fraternité… Manuella Parra n’a de cesse d’être une passeuse de mémoire et de dignité. De faire parler de grands témoins, de recueillir des témoignages, souvent féminins, évoquant les traumatismes de cet exode au-delà des Pyrénées depuis la Péninsule pour se réfugier en France. Une épreuve ad vitam. Cela se passe en novembre chaque année et cela s’appelle depuis cinq ans les Rencontres franco-espagnoles. Ce n’est pas qu’un festival.
Le bel accueil “rassurant” face à la montée des extrêmes

Lectures, expos, conférences, tables rondes, projections. Ces rencontres, qui ont pour thème en cette Ve édition Racines Raices, Mémoires Résistance, ont trouvé leur place dans le paysage. Bien ancrées à Montpellier (cela avait commencé à Sète), ces journées, organisées par les Voix de l’extrême Poésie et Culture. Elles apportent du sens. “C’est rassurant”, dit, délicatement, Manuela Parra. Y compris devant l’accueil immarcescible des ados, “notre avenir” , à qui ces Rencontres s’adressent également ; y compris devant la montée des extrêmes.
Elle se rassure, Manuela Parra, par ailleurs poétesse reconnue, quand elle constate l’implication des profs et des partenaires. De quoi lui faire dire que “rien n’est perdu. Cette transmission me porte et porte les bénévoles de l’association”. Elle se rassure parce que la planète a beau aller mal, “on fait salle comble à chaque fois”, dit-elle. L’espoir, toujours. “La culture au coeur de l’engagement ; la culture au coeur de la transformation sociale, ça peut marcher : les gens y sont réceptifs.”
“Il est encore possible de résister au fascisme, les fachos, ce n’est pas une fatalité…”

Cette année, les Rencontres se concentrent sur un joli programme, notamment avec Jorge Semprun. Table ronde avec le petits-fils, Thomas Langman – qui alla à Buchenwald où Semprun fut détenu – pour des commémorations et grâce à qui il a pu finir l’Ecriture ou la Vie. Décédé en 2011, Semprún fut ministre de la Culture en Espagne et écrivain membre de l’académie Goncourt dont l’essentiel de l’oeuvre est écrite en français.
“Le fait que le public vienne sur des sujets aussi importants relativise une société où l’artifice et le consumérisme prennent une grande place.” Et : “Il est encore possible de résister au fascisme, les fachos, ce n’est pas une fatalité…” Manuela Parra s’arrête un instant : “J’ai voulu aussi mettre en évidence comment l’obscurantisme s’attaque à la culture et à la presse. Il y a une grosse focale sur la journaliste Renée Lafon. Elle avait été envoyée en reportage en Andalousie, en 1936. Elle y avait été arrêtée et fusillée et jetée dans une fosse commune, alors qu’elle était française.”
François Tosquelles, père de l’art-thérapie

Il y aussi un autre personnage qui incarne parfaitement ces valeurs, explique encore Manuela Parra : François Tosquelles, lui aussi “symbole de l’accueil, de résistance. Un homme fantastique. Républicain espagnol, exilé il avait traversé les Pyrénées à pied par le Pic du Midi ! Psychiatre qui a révolutionné la psychiatrie en France : c’est le père de la psychiatrie institutionnelle de l’art-thérapie. Il avait été appelé par l’hôpital de Saint-Alban, en Lozère, où il a “brisé les murs” avec sa pratique qui a eu des retentissements dans le monde entier.” François Tosquelles a aussi été résistant, “cachant à l’époque Paul Eluard recherché par la gestapo après la publication de Liberté, j’écris ton Nom. Il avait aussi caché Denise Glaser, présentatrice et productrice TV, à l’hôpital de Saint-Alban. Comme des maquisards, etc.”
Maison des relations internationales, lycées Jules-Guesde salle Pétrarques, librairie Gibert ; Médiathèque Emile-Zola… Nouveauté, à la cité scolaire Françoise-Combes, “nous allons toucher 450 collégiens et lycéens de Montpellier, Clapiers, Nîmes ! Plusieurs lieux de mémoire comme le Mémorial de Rivesaltesou le Mume de la Jonquera, seront représentés ; ils montreront comment les lieux mémoriels enracinent la mémoire.”
Que tirer de cet enseignement douloureux ?

L’accent sera aussi mis sur la BD, avec Pif, le chien et Placid et Muzo, de petits personnages qui a complètement effacé son créateur, Josep Cabrero Arnal. “Oui, nous faisons désormais partie du paysage montpelliérain.” Et Manuela Parra d’ajouter : “Que tirons-nous aujourd’hui de cet enseignement douloureux ? Une question que nous poserons au cours de la 5e édition des Rencontres franco-espagnoles Racines, Raíces, Mémoires Résistance en vous proposant de parcourir la vie et l’œuvre de François Tosquelles, de Jorge Semprún, de Manolo Valiente, de Josep Cabrero Arnal, de Federico García Lorca, d’Antonio Machado, de Renée Laffont, des Mujeres libres… et de bien d’autres anonymes.”
Les valeurs républicaines sont fragiles
D’autant plus important quand certains pensent que la Retirada, l’exil des Républicains espagnols, et autres souffrances des peuples, c’est de l’histoire ancienne, datant pour la première de près d’un siècle, et “que le monde n’est plus le même… Et, pourtant, l’actualité récente en France et en Europe nous a propulsés dans une époque incroyable que l’on pensait définitivement révolu. Elle nous rappelle, hélas ! combien les valeurs républicaines sont fragiles”, note-t-elle dans son édito.
Olivier SCHLAMA
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