Molière : Les 400 ans d’un “modèle et pilier du théâtre populaire”

Photo Pierre RAMOND

La toute première édition du festival montpelliérain Le Printemps des Comédiens, en 1987, lui fut naturellement dédiée, en tant que “modèle et pilier du théâtre populaire.” En cette année des 400 ans, le programme Lire, Dire, Jouer Molière convie tous les publics de la région à suivre l’itinéraire du jeune dramaturge qui sillonna le Languedoc avec sa troupe au milieu du XVIIe siècle (*) jusqu’à devenir une figure incontournable de la pensée et de la culture européennes modernes.

De janvier à juin, une série de manifestations à la fois artistiques et scientifiques seront l’occasion de redécouvrir les multiples facettes de cet homme de théâtre et de sa pensée foisonnante. L’ensemble a été présenté lors d’une conférence de presse (notre photo), mercredi dernier…

Molière et la médecine, Molière et son (ses) public(s)

Conférence de presse à Montpellier… Photo DR

En lien avec la riche et longue tradition de la médecine à Montpellier, l’une des pistes consistera à “explorer l’obsession médicale de Molière qui questionnait la crédibilité des médecins et l’acceptabilité de certaines pratiques médicales”, toutes choses qui résonnent particulièrement avec notre monde contemporain.

L’autre piste conduira à interroger les rapports que le dramaturge entretenait avec ses différents publics, qu’il ne cessait de flatter et de ridiculiser à la fois. Dans une période où le public a été éloigné des théâtres et où l’on a inventé des spectacles virtuels, Lire, Dire, Jouer Molière entend ainsi rendre l’art vivant en redonnant toute leur dimension populaire aux comédies de Molière, dont il disait lui-même dans L’Amour médecin qu’elles “ne sont faites que pour être jouées.”

Dès le dimanche 16 janvier débute le cycle de conférences “Ris donc, parterre, ris donc”, dans les folies de Montpellier et ses alentours, à raison d’un dimanche matin par mois, suivie d’un brunch (autres dates : 6 février, 13 mars, 3 avril, 22 mai).

“Ris donc, parterre, ris donc…”

“Ris donc, parterre, ris donc” figure sous la plume de Molière dans La Critique de L’École des femmes, petite comédie dont les personnages sont des spectateurs qui parlent d’une comédie dont l’un des spectateurs agit comme un personnage de comédie ! Le vertige de cette mise en abyme atteste l’importance que le public avait pour Molière, qu’il ne cessait de mettre en scène dans ses pièces, soit pour le railler, soit pour le flatter, mais toujours soucieux d’adapter ses comédies en fonction de ses différents publics, de la cour ou de la ville, des loges ou du parterre.

La statue de Molière à Pézenas. Injalbert Pzs @Eric JOUVE

La conférence inaugurale (dimanche 16 janvier, au Château de Flaugergues) se fera “à deux voix”, celles de Charles Whitworth (professeur émérite de littérature anglaise médiévale et moderne) et celle de Caroline Labrune (ancienne élève de l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, agrégée de Lettres modernes et Docteure ès Lettres,spécialiste du théâtre sérieux du XVIIe siècle).

Lien avec le programme complet de Lire, dire jouer Molière sur le site de l’Institut de recherche sur la Renaissance, l’âge Classique et les Lumières https://ircl.cnrs.fr/pdf/2022/Moliere%202022_Programme_detaille_17_12_2021.pdf

400e anniversaire à Pèzenas et L’école des Femmes au Cap d’Agde

En parrallèle de cette série d’événements sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir au fil de cette Année Molière, il ne faut pas oublier que Pèzenas, la ville qui “fit naître Molière” lui rend un hommage tout particulier à l’occasion du jour anniversaire ce samedi 15 janvier 2022.

Francis et Gersende Perrin dans L’école des Femmes

Francis Perrin (détail de l’affiche de “L’école des Femmes”

Pour l’occasion, à partir de 10h, partout dans la ville (sous le parrainage de Francis Perrin) seront données des saynètes théâtrales et, à midi, sera inaugurée la sculpture d’hommage à Molière (signée Agnès Deschamps) devant l’Hôtel de Peyrat. Il y aura également la présentation de la cuvée Ambassadrice (AOC Languedoc) et une séance de dédicace de la BD Molière, l’impromptu de Pèzenas, d’Olivier Cabassut et Benoît Lacou.

Et dimanche, 16 janvier, c’est au Palais des Congrès du Cap d’Agde, place à L’école des Femmes mis en scène et avec Francis Perrin : “C’est l’une des plus célèbres comédies de Molière, qui résonne plus que jamais avec l’actualité. Le comique singulier et la réflexion moderne sur l’émancipation de la femme se mêlent aux multiples rebondissements pour aboutir au triomphe de l’Amour. J’ai l’immense bonheur de jouer ce chef-d’oeuvre avec mon épouse Gersende, ma fille Clarisse et Louis, mon fils autiste”, souligne Francis Perrin. (billeteriehttps://www.vostickets.fr/Billet/PGE_MUR/yjUAADGlP1QrAA

Philippe MOURET

Ce vendredi 14 janvier, on peut suivre le webinaire IRCL (Institut de recherche sur la Renaissance, l’âge Classique et les Lumières) / MFO (Maison française d’Oxford) : Réécritures de Tartuffe (1664) dans l’Europe de la première modernité (XVIIe -XVIIIe siècles)”. Président de séance : Tristan Alonge (Université de La Réunion / Maison française d’Oxford), Suzanne Jones (Université d’Oxford) : “Les Tartuffe de Molière et de Medbourne : l’hypocrisie et le zèle en traduction outre-Manche au XVIIe siècle.” Jennifer Ruimi (IRCL, Université́ Paul-Valéry Montpellier 3) : “De la religion à la révolution, la filiation moliéresque dans L’Autre Tartuffe ou La Mère coupable de Beaumarchais.”

 

(*) On peut, à ce sujet, lire : “Le voyage de Molière en Languedoc : 1647-1657” de Claude Alberge (Presses du Languedoc / Max Chaleil éditeur) : Entre 1647 et 1657, Molière sillonne le Languedoc, avec la troupe de L’Illustre Théâtre, séjour où le comédien enrichira son observation des mœurs du temps, ce dont témoignent plusieurs pièces : La Comtesse d’Escarbagnas, Monsieur de Pourceaugnac… Suivant les pistes tracées par les guides de voyage, se mêlant aux gentilshommes de robe et d’épée, aux prélats, marchands et artisans, côtoyant les brassiers et manouvriers, Jean-Baptiste Poquelin, Béjart, Berthelot, Duparc avancent de ville en ville. Toulouse, Albi, Carcassonne, Narbonne, Béziers, Pézenas, Montpellier, Nîmes, autant de lieux où se dessinent les figures du comte d’Aubijoux, de Pierre Goudouli, d’Armand de Bourbon prince de Conti, du libertin Sarrasin, du poète d’Assoucy, de bien d’autres encore… Entre les guerres religieuses et le triomphe de l’absolutisme, le Languedoc baroque, dévot et libertin, vit un temps fort de son histoire. C’est cette époque que Claude Alberge a choisi de faire découvrir, en s’appuyant sur le voyage de Molière qui, avant de trouver la gloire à la ville et à la Cour, fait là ses premières armes. Ainsi, à l’ombre du grand personnage sur lequel l’auteur a mené une enquête minutieuse, sont ressuscitées ces villes marchandes, dans leur réalité politique, économique, sociale et culturelle.

Molière… 400 ans déjà !