Haute-Garonne : “Arrivée au bout de ce que je pouvais endurer”, la maire de Pibrac, rongée par l’impuissance, démissionne

Ph. Facebook Camille Pouponneau.

Impuissance de l’élu local, “noyée sous les règles”, très mal indemnisée… : Camille Pouponneau a rendu le tablier de sa commune de 9 000 habitants, près de Toulouse, en publiant les raisons sur Facebook. Le cas-type d’une fatigue générale.

Sur son compte Facebook “perso”, il y a encore une photo d’elle avec un grand sourire et l’écharpe tricolore dont elle n’est pas encore ceinte alors qu’elle a décidé jeudi de l’ôter définitivement. Camille Pouponneau est maire PS de Pibrac, près de Toulouse (Haute-Garonne). Ou plutôt : était maire. Il y a moins de 24 heures, elle a publié un texte sur le réseau social pour expliquer sa démission, y compris de son poste de conseillère métropolitaine. “C’est avec une profonde tristesse…”, entame-t-elle, ce qui en dit long sur l’état de santé psychique de cette élue de seulement 35 ans.

70 heures par semaine pour une misère

Elle fait un constat clinique, désabusé de quatre années à la tête de cette commune de 9 000 habitants. La jeune ex-élue met en exergue le rôle dégradé et impuissant de l’élu local et sa frustration de n’avoir pas pu faire mieux alors qu’elle y consacre 70 heures par semaine pour une misère. Elle dénonce le maquis des règles ; des règlements toujours plus implexes qui bloquent toute action publique. Sans oublier les ponctions monstrueuses à venir de 5 milliards d’euros que l’Etat s’apprête à faire sur les collectivités.

“Dégradation de ma santé mentale, entraînant une dégradation progressive de ma santé physique”

Ph. Facebook Camille Pouponneau.

“La dégradation de ma santé mentale, entraînant une dégradation progressive de ma santé physique ne me permet plus d’assurer ces fonctions avec le recul et l’énergie nécessaires. Je suis arrivée au bout de ce que je pouvais endurer”, synthétise-t-elle. Ex-assistante parlementaire de Carole Delga, Camille Pouponneau poursuit en expliquant qu’elle a fait de son mieux “malgré un sentiment d’injustice et d’impuissance constant” (…) “Malheureusement, je me sens aujourd’hui simple gestionnaire sans aucune marge de manoeuvre, noyée sous le poids des règles étatiques rigides et des décisions intercommunales sur lesquelles il est difficile de peser, perdant tout le sens de mon engagement.”

“Un service public en miettes faute de moyens suffisants”

Et de dénoncer : (…) “Un service public en miettes faute de moyens suffisants (et les dernières annonces de coups de rabot vont encore empirer la situation)”… Elle dénonce “avoir été bloquée face à tant de situations réglementaires ubuesques qui limitent notre action”. L’ex-maire de Pibrac, dénonce aussi, sans s’apitoyer sur sa situation financière : une indemnité de seulement 1127 € pour son mandat de maire tout en assumant également la fonction de directeur de cabinet. “Au final, j’ai consacré à ces fonctions 70 heures par semaine rémunérées donc à peine 80 % du SMIC.”

L’ex-maire va remplir un dossier de RSA

Camille Pouponneau conclut son plaidoyer par : “La participation à des mandats électifs devrait être obligatoire ou aléatoire ; elle permettrait à chacun et chacune de mesurer la tâche, complexe et parfois insoluble, d’être au service de la communauté.” La jeune femme va désormais “préparer ma reconversion, ayant arrêté toute activité professionnelle pour me consacrer à mes mandats. Ne pouvant prétendre à aucune allocation chômage et n’étant pas éligible au fonds spécial consacré aux élus, je vais donc m’inscrire pour percevoir le RSA, perception qui sera effective dans trois mois. Je serai donc sans revenu pendant cette période. Je tenais à vous livrer ce fait afin que chacun prenne conscience que le profil d’une personne au RSA n’est peut-être pas un(e) feignant(e) profiteur(e).”

30 % des maires montrent des signes d’épuisement

En 2023, selon le Cevipof quelque 1 300 maires avaient démissionné en seulement trois ans, depuis les dernières municipales de 2020.

Selon une étude de l’observatoire Amarok, basé à Montpellier, ainsi que Dis-Leur vous l’a rapporté ICI, les maires, qui se voient comme des entrepreneurs, se disent massivement satisfaits de leur situation. Pour autant, 30 % d’entre-eux présentent des signes d’épuisement. Soit entre 1 142 et 1 218 maires. Ce sont les enseignements surprenants d’une étude de l’Observatoire Amarok, dirigé par le Sétois Olivier Torrès, spécialiste des PME, aux côtés de l’Association des maires ruraux de France.

Olivier SCHLAMA