Avec Hyd’Occ, le plan hydrogène vert de la Région Occitanie prend corps. Gros consommateurs d’énergie, transports et industrie en seront les premiers clients. Vice-président, Didier Codorniou dit : “Tout converge pout dire que l’Occitanie est pionnière dans cette démarche décarbonnée. Tout donne raison à la politique menée par Carole Delga.” À preuve, Dyneff ouvre la première station à hydrogène sur autoroute, à Toulouse.
Elle porte un drôle de nom et servira à produire dans dix-huit mois une énergie enthousiasmante qui ne rejette que de l’eau : l’hydrogène, ce vecteur, réduira de facto la consommation de pétrole et donc du CO2 fatal au réchauffement. C’est l’une des “briques” d’une filière prometteuse en Occitanie. Stéphane Arnoux est le directeur général de la société Hyd’Occ qui doit construire trois bâtiments d’ici fin 2024, à Port-la-Nouvelle (Aude), dont la première pierre a été posée, en grandes pompes, le 29 juin dernier. Une étape essentielle en vue d’une filière complète.
Plan hydrogène vert à 150 M€
Cette unité s’inscrit dans le plan hydrogène vert à 150 M€ de l’Occitanie qui veut devenir la première région à énergie positive d’Europe. Et dans le plan national d’investir massivement, de l’ordre de 7 milliards d’euros d’ici 2030 dans cette filière d’avenir, plus deux milliards d’euros dans le cadre de France 2030. En vue d’une neutralité carbone voulue par Macron d’ici 2050.
Hyd’Occ “c’est la première unité de production de grande capacité d’hydrogène vert en France, qui n’ait pas recours aux énergies fossiles“, définit Stéphane Arnoux. C’est le début d’une nouvelle ère, celle de la production d’hydrogène à grands flots. Son potentiel ? Six mille tonnes par an pour un investissement de 60 M€, subventionnés à hauteur de 8,1 M€ par la région Occitanie qui est co-actionnaire de Hyd’Occ. L’électricité produite équivaudrait, à terme, à celle consommée par 200 000 habitants.
Connecté à des fermes photovoltaïques, solaires et des éoliennes
Hyd’Occ est détenue par la société Qair (ex-Quadran) à 65 % et la Région Occitanie via son Agence régionale énergie climat (Arec) à 35 %. L’Ademe apporte 8,1 M€ ; la région Occitanie 12, 8M€ ; les aides européennes s’élèvent, elles, à 7 M€ et la Banque européenne d’investissement apporte une avance de 6,2 M€. Cette “nouvelle brique” industrielle génèrerait, à elle seule, trente emplois directs et une centaine d’emplois indirects.
Mais c’est bien la révolution qu’elle induit qui est est en marche. “La production, de l’ordre de 6 000 tonnes par an par hydrolyses, permettra de consommer moins d’énergies fossiles et donc de relâcher moins de CO2. Comment produit-on l’hydrogène ? La matière première c’est l’eau et peut-être demain de l’eau de mer. Actuellement, Hyd’Occ, avec le soutien du Grand Narbonne, étudie l’utilisation des eaux traitées de la station d’épuration de la Nouvelle, l’utilisation de l’eau de mer n’est qu’au stade du projet ! L’hydrogène produit par Hyd’Occ sera uniquement stocké sous forme gazeuse dans des containers sous pression, eux-même exportés par fret routier ou ferroviaire.”
Quel est le processus de fabrication ? “Pour casser les molécules, il faut faire appel à de l’électricité. Pour que celle-ci soit “verte”, sans faire appel aux énergies fossiles, nous nous connecterons directement à des fermes photovoltaïques et aussi à des fermes solaires ou éoliennes. Il y a deux projets sur Port-la-Nouvelle capables de fournir 20 mégawatt d’énergie. Nous recourons aussi à des fermes situées parfois à plusieurs centaines de kilomètres de La Nouvelle, à terre. Ce sont des relations commerciales de gré à gré. On est en train de structurer cette filière de fourniture d’électricité“, décrypte Stéphane Arnoux.
Cinq stations d’avitaillement en hydrogène vert ouvriront le long de l’A9 et l’A61, à Euro-centre, à Toulouse, Castelnaudary, Narbonne, Rivesaltes-Perpignan, Montpellier”
Stéphane Arnoux, directeur général de Hyd’Occ
Les premiers clients seront des industries et les transports. Le tout premier client, ce sera la drague à hydrogène de la région, la première au monde à carburer à l’hydrogène, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Elle entretient les ports régionaux. Rien que cet outil consommera à lui seul entre 50 et 70 tonnes d’hydrogène par an qui seront acheminées par conteneurs. Autre usage c’est en jargon, le “corridor H2”.
Stéphane Arnoux explique : “Tout cela commence par un appel à projets coordonné par la région Occitanie dont l’objectif est de décarboner les déplacements dans les transports routiers, cela s’adresse notamment aux camions, aux compagnies de bus… L’Occitanie est leader en France pour créer le premier élément de ce corridor. L’objectif c’est de créer des stations-service de forte capacité pour des camions roulant donc à l’hydrogène. Ce corridor va de l’Espagne à l’Allemagne et le Bénélux.”
Il précise : “Vont être créées, le long de l’A9 et l’A61, cinq stations d’avitaillement. À Euro-centre, près de Toulouse ; une autre à Castelnaudary ; Narbonne ; Rivesaltes-Perpignan ; Saint-Jean-de-Védas/Montpellier.”
Pour que ce plan fonctionne et soit rentable, il faut a minima une flotte 100 camions qui s’avitaillent chaque année dans nos stations. Nous pouvons leur fournir 1 500 tonnes d’hydrogène par an. “Hyundai fabrique notamment des camions roulant à l’hydrogène ; cela fait quatre ans que ça fonctionne en Suisse. Aux Rencontres internationales des véhicules écologiques mercredi où nous avons justement retenu l’attention de Hyundai, il y avait des représentants de la FNTR régionale.” En ajoutant ces stations et ce corridor, l’investissement sera nons plus de 60 M€ mais de 100 M€.
L’usine Lafarge, réseau de chaleur de Port-la-Nouvelle
Autre client, l’usine Lafarge de… Port-la-Nouvelle. “Il y a des possibilités d’injecter de l’hydrogène dans un four de cimenterie pour réduire voire supprimer l’usage des combustibles fossiles qu’ils utilisent encore. Quand on fait de l’hydrogène par électrolyse, on a de l’oxygène. Nous discutons aussi avec Lafarge pour pouvoir mettre de l’oxygène dans le four pour améliorer le rendement de combustion ; optimiser les consommations énergétiques (biomasse ou alternatif). Et la chaleur produite – nous sommes aussi en discussion avec la mairie de Port-la-Nouvelle – pour réaliser un réseau de chaleur sur cette commune venant de notre usine”, confie Stéphane Arnoux.
D’autres usines de production d’hydrogène par électrolyse sont déjà prévues. Notamment une seconde en Occitanie par la société Lhyfe (basée à Nantes) à Bessières, en Haute-Garonne. “Elle fait partie du corridor H2. Hyd’Occ, à Port-La-Nouvelle, qui sera dix fois plus importante, représentera 20 % des besoins en hydrogène de l’Occitanie”, dit encore Stéphane Arnoux. D’ici fin 2023, elle sera en mesure de produire jusqu’à deux tonnes d’hydrogène vert et renouvelable par jour (soit une capacité de production de 5 MW). Selon un rapport publié en décembre 2022 par France hydrogène, 250 projets de production d’hydrogène renouvelable et bas carbone sont en cours de développement sur le territoire français, répartis dans douze régions.
Tout converge pout dire que l’Occitanie est pionnière et dans cette démarche décarbonnée, tout donne raison à la politique menée par Carole Delga”
Didier Codorniou, 1er vice-président de la Région Occitanie
Premier vice-président de la Région Occitanie, Didier Codorniou dit : “C’est le premier projet d’ampleur industrielle. Il s’inscrit dans un plan que nous avons lancé en 2019 à 150 M€. entre le corridor H2 ; le projet BarMar – un gazoduc maritime géant reliant Barcelone à Marseille passant à 2 000 mètres de fond en Méditerranée sur 400 km, avec un coût de deux milliards d’euros – où la ministre Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, a officiellement demandé à l’opérateur gazier Téréga de faire un crochet par Port-la-Nouvelle, port de la transition énergétique, etc. Tout converge pout dire que l’Occitanie est pionnière et dans cette démarche décarbonnée. Tout donne raison à la politique menée par Carole Delga.”
Résoudre le stockage de l’hydrogène
Faire le plein de sa voiture à l’hydrogène, c’est pour quand ? “On y arrivera progressivement. Le problème de l’hydrogène, c’est le stockage. Cela représente beaucoup de place, beaucoup de surfaces. Et avec zéro risque.” Les promoteurs de cette source de production d’hydrogène imaginent pouvoir en stocker notamment au niveau des salins, près du lieu de production à La Nouvelle. Pour cela, il faudrait l’accord des communs avoisinantes. “Pour l’instant, il n’y a aucun accord dans ce sens”, nous répond ce matin le maire de Port-la-Nouvelle, Henri Martin. Du côté du Grand Narbonne, on indique “qu‘il n’y a pas d’accord, au contraire les communes se sont récemment opposées à un projet de stockage souterrain d’hydrogène qui était porté par Qair”.
Avion, train “verts”, barge portuaire, “tout est connecté”
Avion “vert”, train à hydrogène, barge portuaire, Genvia à Béziers, filiale de Schlumberger fabricant d’électrolyseurs… En tout cas, “tout est connecté”, résume Didier Codorniou. La Région Occitanie se veut leader de l’hydrogène vert. Consciente du potentiel de l’hydrogène décarboné qui pourrait, d’ici 2050, répondre à 20 % de la demande d’énergie nationale, et réduire les émissions annuelles de Co2 de 55 millions de tonnes, la Région Occitanie a été la première à se doter d’une stratégie globale et opérationnelle via le lancement dès 2019 d’un plan hydrogène vert.
Milliers d’emplois à la clef
Il s’agit aussi de souveraineté énergétique et d’emploi. “Doté de 150 M€ sur la période 2019-2030, il pourra générer jusqu’à 1 milliard d’€ d’investissement et la création de milliers d’emplois et prévoit notamment la création d’ici 2024 d’un site de production massive d’hydrogène renouvelable, de 20 stations hydrogène”, l’acquisition de trois rames électrique-hydrogène et l’aide à l’acquisition de 600 véhicules hydrogène lourds, utilitaires et légers ; la construction entre 2024 et 2030, de deux sites de production massive d’hydrogène renouvelable et de 55 stations de distribution, accompagnée du déploiement de 3 000 véhicules hydrogène.
Olivier SCHLAMA
Hyport, Genvia, corridor H2…
Genvia, à Béziers : La Région via son agence Arec, est actionnaire de la société qui produit des électrolyseurs à hauteur de 6,5 %. Engagée à la fois sur les enjeux financiers, fonciers et d’innovation, la Région se mobilise également pour répondre aux futurs besoins en main d’œuvre via notamment son futur campus régional des métiers de l’Hydrogène (Genhyo), financé à hauteur de 2 M€ par la Région et 17 M€ par l’État.
Corridor H2, projet européen
HyPort, à Toulouse-Blagnac : porté par Engie et l’Arec cette installation vise à déployer des infrastructures d’hydrogène renouvelable pour la mobilité, l’industrie et la logistique, sur la région. Depuis avril 2022, la station Hyport est en phase de test à l’aéroport Toulouse-Blagnac. Il s’agira de la première station d’Europe de production et distribution d’hydrogène renouvelable en zone aéroportuaire. D’ailleurs, cinq bus hydrogène du constructeur tarnais Safra assurent déjà le transport des voyageurs de l’aéroport, dont deux navettes Airbus pour les trajets de ses employés. Dans les Hautes-Pyrénées, une unité similaire verra le jour à l’aéroport de Tarbes-Lourdes-Pyrénées à horizon 2024-2025.
Corridor H2 : Ce projet européen prévoit le déploiement d’un couloir de transport européen Nord-Sud zéro émission destiné en premier lieu à la mobilité lourde, en utilisant comme énergie de l’hydrogène produit à partir de sources renouvelables. En Occitanie, ce projet a pour objectif de déployer, d’ici fin 2023, deux unités de production d’hydrogène vert, sept stations de distribution d’hydrogène renouvelable, 40 camions à pile combustible hydrogène, 62 remorques ou groupes frigorifiques et 15 autocars Lio en rétrofité.
Dyneff lance la première station hydrogène sur autoroute en France
La station autoroutière Dyneff Toulouse Sud Sud (A 61) est désormais équipée d’une station hydrogène (H2). Livrée par McPhy, spécialiste des équipements de production et distribution d’hydrogène, cette station est la première sur le réseau autoroutier français. Elle sera essentiellement dédiée aux professionnels de la route.
Conçue par la société McPhy, cette station de distribution hydrogène est située à l’entrée de l’aire de service Dyneff Toulouse Sud Sud (direction Carcassonne), en région Occitanie. Elle sera mise en service début juillet 2023 et alimentera en hydrogène bas carbone principalement une flotte de poids lourds et de bus. Elle permettra d’effectuer plusieurs chargements journaliers à 350 bars.
La station Dyneff distribuera un hydrogène vert produit localement par électrolyse de l’eau, à partir d’électricité issue de sources renouvelables (panneaux solaires).
L’ouverture de cette première station hydrogène sur autoroute s’inscrit dans le projet Corridor H2 porté par la Région Occitanie pour favoriser la transition vers de l’hydrogène pour la mobilité lourde.
À lire également sur Dis-Leur !
Occitanie : Le premier train hybride régional arrive dans nos gares
Énergies renouvelables : Éoliennes géantes en Méditerranée, l’État met les gaz !